mardi 29 octobre 2013

Euthúmèma XI (réflexions) — Révision du 3 novembre 2021

[Depuis le 29 octobre 2013, avec mises à jour périodiques. — Since October 29th 2013, with periodical updates.]

[action]«Chaque décision comporte avec elle, en même temps que la possibilité qu’il en résultera effectivement d’une action bienfaisante et positive, à la fois l’hypothèse implicite qu’il en procédera une issue heureuse et la confiance qui est corrélative à cette prévision qu’elle est à la fois possible et susceptible d’une réalisation.» — Plérôme.

[action]«Toute activité suppose un mélange de sérieux, quant à la finalité qui est recherchée à travers elle, et de plaisir, quant à la nature du parcours qu’il est nécessaire d’emprunter afin de l’atteindre: lorsqu’elle tend plutôt à accentuer le plaisir, sans ou avec peu d’égard pour la fin vers laquelle tend l’esprit et les mobiles qui le déterminent en ce sens, l’activité tend à favoriser l’abandon de l’effort conscient et, consécutivement, l’expression de l’inconscient et des tendances qui en conditionnent la manifestation; par ailleurs, lorsqu’elle tend à privilégier le sérieux, sans ou avec peu de considération pour le plaisir qui est éprouvé à réaliser la fin souhaitée, elle favorisera alors la poursuite déterminée de l’effort, jusqu’au terme qui en signale la réussite, sans trop se préoccuper des conséquences que la conscience juge secondaires au but recherché, dès qu’elles ne constituent pas pour lui une entrave décisive. § Dans l’idéal donc, il ressortira à l’activité équilibrée de chercher à réaliser la fin qui est désirée par la conscience d’une manière qui est à la fois agréable et compétente, c’est-à-dire qui atteint les objectifs proposés — ce qui est une source de satisfaction, dès lors qu’ils sont gouvernés par des choix et des principes qui, parce qu’ils cherchent à actualiser le bien, sont moraux —, sans porter préjudice, ce faisant, ni à l’intégrité d’autrui, ni à la sienne propre. Une telle activité se trouve alors à illustrer la moralité de l’agent qui l’entreprend, puisqu’elle vise une fin qui est bonne et qu’elle la réalise d’une manière qui est également bonne. Seulement alors l’action qui la constitue peut-elle être considérée légitime et justifiable, autant aux yeux de l’agent qui l’accomplit qu’à ceux des individus qu’elle affecterait éventuellement, qu’à ceux aussi des témoins qui sont conscients de son déroulement et de son accomplissement et qui sont impressionnés par la valeur morale de sa nature ainsi que de la désirabilité et de l’acte de sa réalisation. § Le paradoxe cependant, c’est que l’habileté qui caractérise l’aisance dans la compétence et dont l’éducateur et le pédagogue, au sens large de ces termes, visent à épauler l’acquisition, risque d’être celle qui occasionne le plus de désagrément, autant chez ceux qui la développent, que chez ceux qui font l’expérience directe de son incomplétude, que chez ceux qui observent le processus par lequel elle se perfectionne, en raison de l’effort dépensé et de l’abnégation requise afin de se hausser progressivement au niveau d’excellence qui est visé et finalement à atteindre, conserver et perfectionner la qualité nécessaire afin de se maintenir à ce pallier. Que l’on songe seulement, afin d’étayer cette conclusion, à la maîtrise de l’instrument qui est requise afin de réaliser une virtuosité musicale, en considérant qu’il y aurait lieu de généraliser ce principe de l’expérience à la production de l’excellence qui entre dans l’illustration de chaque talent et de chaque aptitude qu’un agent moral désire porter à leur achèvement ...» — Plérôme.

[amitié]«L’ami véritable se réjouit de la bonne fortune de son ami et compatit à la mauvaise fortune qui peut l’accabler, comme il contribue, à la mesure de ses capacités et de ses possibilités, à protéger son bonheur, lorsqu’il se manifeste, et cherche à l’épauler dans le malheur, si jamais les circonstances se liguent contre lui; comme il peut, en toute légitimité, s’attendre à ce que son ami agisse envers lui ainsi, dans la plus complète des mutualités.» — Plérôme.

[amitié]«Lorsque la personne morale considère la manière ignominieuse avec laquelle certains de leurs semblables traitent leurs amis, elle peut alors se demander si elle ne devrait pas alors, sans déroger à son honneur, sympathiser avec leurs ennemis ou encore les prendre en pitié, d’ainsi fausser ce qui est peut-être la partie la plus noble de leur âme, celle qui est capable d’un amour désintéressé à l’égard de son semblable, laquelle est la plus essentielle à la fondation et à la perpétuation d’une société aussi achevée qu’elle sera durable.» — Plérôme.

[amour]«Dans l’amour, tout est exception ... mais pour le mieux, qui se veut éventuellement un meilleur, lorsqu’il connaîtra l’exacerbation et l’aboutissement de son entéléchie.» — Plérôme.

[amour]«L’amour, étant un sentiment et un état qui puisent à l’éternité comme ils s’éprouvent en puissance universellement, n’a donc ni âge pour le vivre, ni culture propre à l’expérience qui en résulte, et pourtant il se trouve conditionné, et parfois même déterminé, par les expectatives, les valeurs et les coutumes propres aux sociétés et aux générations qui en accueillent la manifestation.» — Plérôme.

[amour]«L’on doit éviter de confondre, dans la mesure du possible: d’un côté l’amour, qui révèle l’engagement désintéressé et mutuel que deux personnes se promettent l’une à l’autre, en vue d’accomplir le perfectionnement moral et spirituel vers lequel elles tendent ‘naturellement’ et de contribuer à la réalisation de l’espèce et de la plénitude de ses virtualités, physiquement, avec la fondation d’une famille, et culturellement, en produisant des œuvres qui émanent des talents et du dévouement personnel et professionnel des membres du couple; et de l’autre, l’«amour», qui est pour l’essentiel la forme nouvelle — peut-être aussi ancienne, dans le fait de sa constitution, que la plus ancienne des civilisations — que peut prendre l’alliance socio-politique pour les intéressés, sous la forme d’une entente éphémère qui se noue entre eux, avec en vue simplement l’avancement social, économique et politique, des partenaires, une complicité dont le plaisir qu’ils se confèrent mutuellement devient, dans leur souvenir immédiat, le gage de leur «bonne foi», mais une union qui est vouée à la dissolution, dès que le commande l’évolution des intérêts et des aspirations des particuliers qui sont engagés à l’intérieur de cette relation.» — Plérôme.

[amour]«La réduction de l’amour uniquement à l’expression sexuelle que l’on en fait est peut-être le signe le plus révélateur de la décadence culturelle et sociale d’une société: car plutôt que fonder la relation spéciale que vivent les couples qui s’aiment sur un principe éternel et infini, elle l’établit sur l’effet éphémère et limité du plaisir, de manière à engendrer, en se généralisant progressivement, de proche en proche et de partenaire en partenaire, un ensemble social qui se complaît dans l’expérience des relations fugitives et superficielles plutôt que dans la fondation de liens interpersonnels durables, constants et profonds.» — Plérôme.

[connaissance]«La seule chose qui vaut réellement la peine d’être connue est l’essentiel alors que cependant, le penseur accède parfois à son intuition, à son appréhension et à la connaissance qu’il en formule par des moyens indirects qui, s’ils ont la possibilité de le renseigner pleinement, laissent place aussi à l’imagination et à l’interprétation créative qui puisent à la richesse de l’expérience, en procurant à la conscience un jugement définitif.» — Plérôme.

[crime]«L’homicide et le mensonge de la calomnie sont deux atteintes que l’on porte à l’individu, le premier en s’attaquant à sa personne physique et l’autre à sa personne morale, et ils comportent des préjudices d’autant plus déplorables que la personne visée par ces actions perfides est avancée sur la voie de la perfection de sa nature morale et spirituelle, lorsqu’elle succombe à leurs coups vicieux et pernicieux.» — Plérôme.

[critique]«Déprécier, jusqu’à parfois la nier, la valeur d’une chose pour en exagérer les défauts, parfois lui en ajouter et peut-être même, à l’occasion, aller jusqu’à lui attribuer de toute pièce des manquements, grâce à l’imagination, telle semble être trop souvent l’utilisation vulgaire à laquelle l’on soumet l’attitude critique, en oubliant alors que la raison d’être véritable de cette activité philosophique n’est pas de faire progresser, d’une manière globale, aveugle et partisane, le parti-pris subjectif, mais de reconnaître et de défendre les plus hautes valeurs qui peuvent être reflétées en son objet, comme d’identifier et de promouvoir en quoi ces perfections pourraient recevoir un accomplissement et une plénitude encore plus grands, lorsque la pensée dépense l’effort d’accomplir cette fin, avec toute la charité que commande la justice en ce sens.» — Plérôme.

[culture]«La sentence: «La plume est plus puissante que l’épée (The pen is mightier than the sword)», que songea le poète Bulwer-Lytton dans une de ses œuvres [Richelieu (1839), Act II, scene II], en reprenant un topos traditionnel remontant jusqu’à la tradition des anciens sages, n’est vraie en définitive que pour un peuple de lettrés achevés et à l’intérieur des cadres sociologiques que sa société a adoptés afin de faire prévaloir l’usage de l’intellect sur l’emploi de moyens plus physiques afin d’assurer l’unité et la conformité sociales des citoyens.» — Plérôme.

[droit]«La force qui devient ipso facto le principe de sa propre légitimation ne saurait laisser de place à aucune autre légitimité que celle qu’elle défend implicitement, c’est-à-dire elle-même, ainsi que l’usage que l’agent moral en fait: ce qui est affirmer que soit la vitalité qui est à l’origine de son exercice manifeste la forme la plus élevée que celle-ci peut prendre — autrement dit qu’elle est parfaite —, soit qu’elle s’exerce sans discernement en répondant à une impulsion qui certes sert ses fins, mais qui n’alloue pas pour un principe extérieur et supérieur, qu’il soit immanent ou transcendant, qui puisse informer son action, au nom d’une raison supérieure, voire suprême, qui justifierait qu’elle donnât, ou qu’elle retînt de donner, libre cours à son commencement, ainsi qu’aux effets subséquents qui en procéderaient — autrement dit qu’elle est aveugle —. § Or, la perfection s’entend dans l’un de deux sens: ou bien dans le sens d’un mouvement qui, initié préalablement par l’efficience d’un agent, a trouvé l’accomplissement désiré et connu l’aboutissement voulu de la fin visée; ou encore dans le sens d’une situation qui, ayant subi toutes les améliorations destinées à en accomplir les virtualités premières qui sont inhérentes à sa nature, ne saurait prétendre pouvoir atteindre un perfectionnement plus grand. Comme l’on sait que nulle vitalité ne saurait exister, sans qu’une conjoncture n’en favorise l’éclosion, le maintien et l’épanouissement, l’exercice même aveugle de la force ne saurait pas ne pas favoriser, voire indirectement, ou chercher à le faire, la continuation de cette conjoncture et ainsi confirmer la perfection relative dont celle-ci témoigne du fait de la préservation de l’état qui caractérise son existence. § Mais cette perfection n’est que relative, rappelons-le, puisqu’elle ne saurait prétendre avoir atteint l’actualisation d’un point ultime tel que nulle autre perfection plus grande ne saurait être envisagée ou espérée pour en compléter davantage la réalisation et lui conférer encore plus de plénitude. En effet, la légitimation extérieure de l’exercice de la force se fait en vertu d’un principe qui reconnaît l’existence éventuelle d’un état qui se rapprocherait encore plus d’un état de perfection ou de plénitude, en recourant à l’utilisation de cette force, autrement dit d’un principe dont l’accomplissement procéderait directement de l’usage de la force qui ainsi, par voie de conséquence, lui servirait de moyen exclusif en vue d’atteindre à une fin, un moyen sans lequel il ne saurait raisonnablement espérer produire ce résultat. § Autrement dit, le recours à la force deviendrait alors l’unique moyen susceptible d’être envisagé afin, non seulement de préserver l’état de l’actualisation d’une situation préalable, ainsi que des conditions grâce auxquelles cette actualisation fut rendue possible, mais aussi de l’amener à son accomplissement ultime, dans le sens du perfectionnement de sa possibilité naturelle jusqu’à un état pour laquelle, dans l’idéal, la conscience ne saurait entrevoir l’accession à une plénitude plus grande, conformément aux virtualités qui appartiennent à l’objet dont elle entrevoit, par son action, l’achèvement. § Telle est donc, en fait, l’unique légitimation réelle de la force, à savoir la perfection d’une chose ou d’une situation en vertu desquelles la force, avec tous ses inconvénients, y compris le sacrifice éventuel de choses matérielles ou des êtres vivants (librement et courageusement consenti, comme il convient à des êtres sentients, dignes d’estime puisque doués de moralité), sert de moyen afin de protéger leur intégrité comme leur intégralité et de leur permettre d’atteindre à la pleine réalisation de la possibilité qui est inhérente à leur nature. § En considérant l’instance de la force qui s’exerce aveuglément, la conscience parvient à la révélation implicite de cette finalité qui est implicite à l’usage de la force, telle qu’elle est conçue d’une manière uniquement relative et immanente à la raison qui est à l’origine de cette action, à savoir la vitalité de l’être vivant qui en est à l’origine. Mais seule la force qui est éclairée par un principe qui, en reconnaissant cette finalité légitime, conserve la possibilité de décider si, oui ou non, son usage permettra d’atteindre la perfection objective qui constitue son aboutissement désirable, ou de s’en approcher suffisamment pour signifier un progrès réel en ce sens, est susceptible d’être considérée comme étant parfaitement et réellement légitime. § Ainsi se définit le rapport du droit à la force, par lequel l’intelligence appréhende et la raison formule quelles seront les conditions susceptibles de légitimer et de justifier l’emploi de la force en même temps que s’aperçoit quelle est la véritable signification du droit, qui est celle de penser et d’instaurer quelles sont les conditions générales sous lesquelles une société peut atteindre à la plénitude de la réalisation de sa possibilité inhérente, telle qu’elle s’exprime dans chacun de ses membres, y compris en recourant à un usage intelligent et moral de la force qui est requise afin de parvenir à cette fin, selon un principe de proportionnalité qui fait l’économie des moyens, comme des conséquences indésirables. » — Plérôme.

[droit]«Le droit exprime le degré de l’harmonie que l’homme atteint lorsqu’il tente de réconcilier, par sa pensée et par son action, les lois de la nature, les aspirations de sa conscience ainsi que l’intention de la volonté divine pour sa Création, en vue de réaliser le meilleur bien qui est actuellement concevable.» — Plérôme.

[éducation]«Une école qui fonde sa raison d’être principalement sur la perpétuation de son organisation et de sa structure, sans égard ni pour la qualité d’un enseignement engagé sur le chemin de la découverte et de la propagation de la vérité, ni pour l’avenir qu’elle assure à ses élèves et étudiants, en forgeant leur caractère, grâce au recours à de principes éducatifs objectifs dont l’excellence est reconnue, lorsque ceux-là auront à se tailler une place à l’intérieur de la société que dessert et dont fait partie l’institution pédagogique, est une école qui a oublié sa mission première, qui est celle à la fois d’éveiller les consciences, de perfectionner moralement et d’enrichir culturellement la civilisation et d’accomplir la société des hommes en l’incitant à atteindre la plénitude de la vie sociale et individuelle.» — Plérôme.

[égalité]«Lorsqu’il est poussé jusqu’à sa limite extrême, le principe de l’égalité — dont on souhaiterait alors qu’elle soit absolue — ne peut qu’apporter, avec son instauration, l’indifférenciation totale, puisqu’alors toute les qualités métaphysiques, même celles qui sont contraires, se trouveraient sur le même pied — le beau comme le laid, le vrai comme le faux, la vertu comme le vice, le bien comme le mal, le sublime comme le vulgaire, le juste comme l’injuste —: ainsi, une véritable égalité, désirable pour la société et existante à l’intérieur de celle-ci, consisterait, non pas à établir l’indistinction, qui encouragerait chacun à illustrer sa nature d’une manière uniforme, en reproduisant approximativement celle que son voisin exprimerait en retour, mais à déterminer et à adopter un critère, une valeur unique qui permettrait que s’effectue une distinction adéquate entre les particuliers et contre lequel chacun serait susceptible d’apprécier sa réalisation propre, en cherchant à rencontrer ce critère idéal. § Et puisque cette valeur serait universelle, étant susceptible d’inspirer la totalité des consciences individuelles, lorsqu’elles expriment et qu’elles extériorisent leur nature essentielle et particulière, sans qu’elle ne constitue un frein à la possibilité que chacun puisse agir d’une manière analogue, et puisqu’elle procédera nécessairement de la nature qui caractérise son individualité— autrement elle ne saurait prétendre actualiser ce dont la puissance ne comporte aucune virtualité réelle —, le critère dont il s’agit sera à la fois métaphysique par son universalité et physique par sa particularité, puisqu’il s’ancrera dans une nature qui appartient autant à l’individualité qui propre à chacun qu’à l’ensemble des individualités qui constituent l’univers de tous ceux avec lesquels chacun est appelé à interagir librement (d’une manière qui permet d’assumer son individualité intégrale) et harmonieusement (de sorte à produire une cohésion durable afin d’assurer la pérennité de la coexistence et de la connaturalité de tous les congénères). § Telles seraient donc les conditions préalables de l’idéal qui est digne d’inspirer légitimement la marche vers la perfection des consciences humaines et qui contribuera à réaliser une égalité de bon aloi, c’est-à-dire une égalité qui permette à chacun de se réaliser conformément à ses virtualités propres, à l’intérieur d’une communauté où chacun concourt dans la convivialité et dans l’harmonie, à générer un tel accomplissement, en participant à celui de son semblable, et qui mènera à la plus grande des distinctions possibles, dans l’instauration d’une société où l’harmonie recherchée par tous et par chacun exprime d’une manière excellente ces idées-valeurs transcendantes que sont le beau, le vrai, la vertu, le bien, le sublime et le juste qui la subsument et forment la cohésion morale de l’ensemble.» — Plérôme.

[épistémologie]«Il semble parfois que l’homme illustre souvent, par son attitude épistémologique, un négativisme noétique et qu’il argue du faux pour mieux encore connaître le vrai, voire que la découverte de la vérité passe par la destruction de l’objet ou de l’agent qui permettraient de la révéler, avec l’inévitable regret et la nostalgie conséquente, pour la chose qui autoriserait à la vivre intégralement, et non plus seulement théoriquement ou idéologiquement, une constatation qui rejoint la dialectique augustinienne, comportant les trois termes de la vertu, du vice et du défaut du vice, telle qu’elle s’inscrit dans la disposition existentielle et anthropologique qui l’actualise moralement. § Pourtant, cette compréhension est la clef de la rédemption qui produit la restauration de la vertu originelle et permet d’acquérir, par la réflexion que son actualité suscite en la conscience, la disposition de dissiper, voire toujours incomplètement son mystère, de sorte à éliminer la nécessité du regret ou de la nostalgie de ce qui était ou ce qui aurait pu être —l’actualité de cette régénération rendant caduques ces sentiments —, tout en devenant conscient de la nature de la participation que chacun apporte, le cas échéant, à l’habitus qui en dénie l’efficace ou en retarde l’accomplissement. Car en possédant directement une vision intuitive de la vertu, sans avoir à passer par le mécanisme expérimental de l’essai et de l’erreur, qu’elle fût inspirée par l’action énigmatique de l’Esprit-Saint ou qu’elle fût révélée par un enseignement éclairé qui puisse se revendiquer de Lui, ou encore avoir recours à l’expérimentation aléatoire pour la découvrir, la conscience peut maintenant procéder à produire les actions et les conduites morales qui en révèlent la présence effective l’intérieur de l’âme qui témoigne dorénavant de ses bienfaits et de ses œuvres salutaires.» — Plérôme.

[épistémologie]«Un esprit prudent est celui qui pèse chaque affirmation qu’il est susceptible de rencontre et qui cherche à en évaluer la justesse et la profondeur, en vue de reconnaître et d’apercevoir intégralement la part de vérité qu’il est susceptible de retrouver en elle; un esprit sceptique est celui pour qui toute affirmation est apte à être remise en question a priori et à être estimée fausse, sauf à devoir s’imposer invinciblement comme étant vraie, en raison de l’évidence incontournable et irréfutable qu’elle transporte en elle: le premier s’expose à adopter comme étant vrai ce qui se révélerait ultérieurement comme étant manifestement faux; et le second risque de rejeter comme faux ce qui à un moment futur se révélerait comme étant évidemment et réellement vrai. § La question épistémologique devient alors: est-il plus sérieux d’accepter pour vrai ce qui est faux, ou comme faux ce qui est vrai ?, car, sauf exception, tout esprit est susceptible d’erreur et, par conséquent, il est exposé à voir un jugement auquel il est arrivé de bonne foi être contredit par une nouvelle information qui, se manifestant subséquemment, s’avère irréfutable et fiable et qui, par sa substance, vient ébranler l’édifice des croyances qui, étant tenues pour être vraies, en étayaient auparavant les convictions.» — Plérôme.

[épistémologie]«Une estimation et une appréciation adéquates de l’intelligence passent nécessairement par l’aperception de la qualité, de la profondeur et de la globalité du rapport qu’elle entretient à la vérité: mais comment effectuer une telle détermination si, au départ, l’intelligence n’a aucune conception de sa nature, ni de connaissance à la fois extensive et intensive de son essence et de sa substance, ou encore si la raison ne croit pas en l’existence d’un tel état transcendant, qui permette d’appréhender et de cerner la plénitude de la réalité, celle-ci étant comprise à la fois dans son ensemble, dans sa finalité, dans son origine et dans sa justification, et qui, en raison de cette limite qu’il s’impose à lui-même, autorise à en examiner seulement une partie, telle la nature, ou encore à considérer ce qui tombe sous une faculté seulement, et en particulier la faculté sensible, sans nier ou autrement méconnaître les fondements métaphysiques de son activité épistémologique, mais sans les reconnaître ni les admettre non plus.» — Plérôme.

[histoire]«En constituant la connaissance vraie et complète des antécédents et des causes véritables, à l’origine des événements qui la constituent, comme des principes qui ont formé leur occurrence et des agents qui les ont produits, ainsi que les finalités qui président à leur déroulement et à leur accomplissement, l’histoire est la discipline qui est l’opposé de la mythologie; mais en tant que cette action lui échappe, en tant que les antécédents, les principes, les agents et les causes des événements font l’objet d’une connaissance incomplète ou que leurs explications se construisent sur des conjectures, des allusions, des personnifications, vagues ou symboliques, et des analogies, l’histoire participe actuellement du processus de la narration mythologique, par laquelle la causalité historique, ses configurations temporelles ainsi que les acteurs qui participent à leur élaboration font l’objet, non pas d’une spécification rationnelle, mais d’une évocation appartenant à l’imagination, autant dans sa formulation que dans son interprétation.» — Plérôme.

[histoire]«La négation de l’histoire, ou simplement l’ignorance persistante avec laquelle le sujet moral en méconnaît les actions et l’influence qu’elles exercent sur les temps actuels et futurs, comme les conséquences qu’elles comportent pour l’aspect qu’ils revêtiront, ont pour effet de susciter l’illusion d’un surgissement spontané des événements qui constituent l’actualité, sans qu’aucune cause antécédente, ancrée dans la liberté humaine, n’en expliquer la production, et dont la nature soit autre que celle appartenant à la contiguïté immédiate des relations, dont la nature résulte des circonstances, des institutions, des individualités, celles-ci répondant aux conjonctures qui ont façonné l’aspect sous lequel elles se présentent. § Aucune possibilité n’existe donc alors, pour l’esprit que l’étude de l’histoire rebiffe, de s’en référer à des conditions qui sont éloignées dans le temps et dans l’espace afin de comprendre et d’expliquer les incidents et les événements qui, tout en trouvant à s’exprimer actuellement, procéderaient d’un moment qui, les ayant préparés et ayant posé les conditions de leur avènement, échappe à la prise de conscience que l’intelligence est susceptible d’en posséder actuellement. § Aussi, l’idéologie du présentisme, qui est la conséquence de cet obscurantisme, est-il passible de faire naître en l’esprit, ainsi privé d’une perspective qui transcende l’actualité, en raison de se voir subtiliser des informations qui essentielles à une appréhension complète de l’histoire, l’impression artificielle et fictive d’une liberté qui est absolue et le sentiment qu’il suffit de désirer un effet et de vouloir une certaine issue, comme de travailler positivement à son instanciation, pour que celle-ci se réalise effectivement, puisque qu’il posséderait la certitude indéniable et absolue que nul facteur dirimant n’existe préalablement et réellement dans l’imagination, qui puisse contrarier ou infléchir cette action, autrement que celui qui puisse être le produit de consciences qui existent actuellement et qui sont, elles aussi, l’expression d’une spontanéité qui trouve sa racine uniquement dans une entéléchie qui s’ancre uniquement dans l’instant présent.» — Plérôme.

[histoire]«Le présent est, par son actualité, l’un des innombrables aspects qu’est apte à prendre, dans la conscience, le déroulement infini de l’éternité .» — Plérôme.

[homme]«Certains iront peut-être jusqu’à croire que le pouvoir de la pensée et de l’imagination, bref du génie humain, est tel que l’homme pourrait recourir à sa puissance et détruire le monde pour ensuite le recréer et le reconstruire sous une forme qui est encore meilleur qu’elle l’était auparavant: admettant que la puissance infinie de cette faculté humaine puisse aller jusqu’à produire cette illustration dont les limites, si elles existent, restent toujours à découvrir — ce qui représenterait néanmoins une supposition énorme — quelle assurance pourrait-il offrir de pouvoir concevoir et réaliser un monde aussi parfait que celui qui existe présentement ? En réalité, il n’en est aucune. § Même que la question, telle qu’elle est posée, est gravement hyperbolique. Car il est dans la réalité de l’homme — comme dans celle de sa pensée — d’être entièrement connaturel avec le monde, de s’insérer, de vivre et d’agir à l’intérieur d’une scène dont il doit convenir n’être pas l’auteur et de participer, par sa vitalité, au dynamisme propre à l’univers afin d’ériger, sur ce théâtre naturel, un habitat qui lui est propice, qui convienne autant au maintien et à la durée de son existence qu’à l’exemplification de sa possibilité créatrice, une virtualité qui est en réalité une procréation puisqu’elle invente et qu’elle façonne ses objets et qu’elle aménage son environnement avec une matière utile qui ne procède pas immédiatement de son pouvoir, mais qui lui est plutôt donnée ab origino.» — Plérôme.

[homme]«La conscience de l’homme est à la nature, comme le fut la Conscience suprême dans l’Acte par lequel Elle a produit et réalisé celle-ci ab origino, et comme Elle continue à l’être, dans l’Acte par lequel Elle la conserve et la perpétue: pour le meilleur bien qu’il est possible d’accomplir en elle, chacun des membres de l’espèce humaine selon le pouvoir qui lui est accordé d’agir en ce sens (la liberté) et la puissance dont il est doué par essence et qu’il a pu développer par son expérience (la nature).» — Plérôme.
 
[honneur]«Il existe certes là l’évidence d’une dianoesis morale lorsque le sujet moral se trouve légitimé à constater que, d’un côté, l’on retrouve ceux qui veulent épingler les médailles appropriées aux poitrines méritoires, et de l’autre, ceux qui voudraient à tout prix les priver de cet honneur et même le leur enlever, lorsqu’il le leur a été accordé.» — Plérôme.

[humanité]«Une compréhension lucide de l’histoire de l’humanité révèle au penseur que la montée de la conscience — un événement capital, s’il n’en est un, à l’intérieur de celle-ci —, accompagne en réalité une involution qui frappe la vertu originelle de l’espèce, suite à la déchéance qu’a connue la bonté de sa nature primordiale. § La notion de perfectibilité, en palingénésie philosophique, tend à évoquer furtivement cette conception, puisque sans possibilité de réaliser la bonté et d’effectuer l’exacerbation ultime, d’une virtualité qui est déjà présente en l’être, comment un agent moral peut-il espérer accomplir l’entéléchie qui la révèle ? Mais lorsque le penseur ajoute à ce concept l’observation qu’il existe un mouvement, à l’intérieur de la civilisation occidentale, qui tend à l’éloigner du centre optimal de l’apogée de son idéal — lequel s’est exprimé progressivement, mais d’une manière indéniable, avec la chute de l’Empire romain, opérée en deux temps, avec la migration, puis l’invasion de son territoire par les tribus Nordiques, durant le milieu du premier millénaire de notre ère, pour ce qui est de l’Empire romain d’Occident, puis avec l’avancée conquérante des peuplades Islamiques durant le milieu du second millénaire, qui a mis un terme à son surgeon oriental —, le penseur ne saurait éviter de comprendre que deux forces métaphysiques et morales se trouvent en opposition et accomplissent leur opération, en rivalisant l’une avec l’autre: l’élan à réaliser, d’une manière excellente, un idéal de civilisation admirable et l’impulsion qui lui substitue une conception alternative, mais sans jamais réussir complètement à la remplacer, puisque la bonté qui caractérise celle-là ne peut être entièrement déracinée par l’ersatz de l’exemplaire qui est subséquemment imposé. § Car quelle que soit la justification optimiste que le penseur tente d’apporter, afin de voir en ces moments tourmentés de l’histoire l’expression d’une volonté providentielle qui accomplit, au moyen d’une alternance des civilisations, un état encore plus élevé de la perfection sociale, les guerres, les révolutions et les catastrophes qu’elle suscite — et que le penseur peut observer et constater en étudiant cette histoire —, expriment une rupture brutale et croissante de l’harmonie et de la paix qui sont nécessaire à l’expression d’un état de civilisation effective — sans parler qu’elles apportent avec elles, au plan politique, la discontinuité qui est propre à la substitution des élites et à l’importation de matières idéologiques, de formes juridiques et de structures hiérarchiques étrangères —: ainsi, ces dérangements et ces perturbations, aboutissant à une réalité sociale et culturelle qui caractérisent la déchéance morale, ne peuvent que signaler, plutôt qu’un mouvement ascendant qui rapproche l’humanité d’un idéal qui s’accomplit infailliblement, un mouvement descendant qui entraîne avec lui la décadence des cultures. § C’est que, se situant à un point de vue Gréco-romain, qui est devenu celui d’une conception laïque de l’histoire occidentale — puisque les philosophes œuvrant à l’intérieur de ce complexe culturel ont dépouillé la pensée de cette civilisation de toute référence religieuse directe, en adoptant la raison humaine comme unique moyen légitime de l’acquisition de la connaissance  —, l’idéal qu’ont embrassé les élites et les membres des sociétés qui ont adhéré à cette perspective, afin de parachever le mouvement de l’esprit qui en inspire la réalisation, jusqu’aux confins de l’Asie et de l’Europe où son influence se fait sentir, la déchéance que l’historien de la pensée observe se produit au plan immanent de la réalité, comme s’étant insinuée à l’intérieur de la nature de l’homme et comme s’y inscrivant profondément: elle représente alors un mouvement d’entropie, causant que l’esprit de la civilisation procède inévitablement, malgré les sursauts que chaque civilisation majeure illustre en réaction à ce cours inéluctable, d’un état de civilisation plus parfait, associant les intuitions spirituelles transcendantes de la religion avec les lumières immanentes de l’intelligence, vers un état de civilisation moins accompli, en lequel prévaut une confiance exclusive en la puissance de cette faculté; c’est que l’affaissement de la civilisation est précédé d’une déchéance qui s’accentue de plus en plus et dont l’exacerbation par ses membres, en raison de perpétuer la décadence morale d’une mentalité dont elle ne peut s’extraire, constitue la cause de sa chute finale. § Par ailleurs, en se situant au point de vue Judéo-chrétien, qui est celui d’une théorie religieuse de l’histoire occidentale, l’idéal qui est adopté afin de réaliser les aspirations les plus élevées et les plus intimes de la civilisation appartient aussi à la constitution de la nature de l’humanité, mais d’une humanité qui, à l’intérieur de l’immanence qui la caractérise, réalise une essence et une substances divines, renvoyant à une dimension transcendante donc: cette distinction illustre, par conséquent, une rupture à l’intérieur des événements, des circonstances et des situations qui sont propres à son déroulement, l’action pour la culture de tourner le dos à une situation antérieure, et présage l’effondrement radical de la civilisation, un mouvement que seule peut renverser et rénover une action transcendante, celle-ci trouvant son aboutissement avec le rétablissement de l’harmonie verticale de l’homme dans son rapport avec Dieu, lequel vient parfaire et accomplir la restauration de l’harmonie horizontale des membres de la civilisation, dont la convivialité retrouvée est manifestation du redressement qui a pu s’opérer avec le renouveau de l’état civilisé. § En somme, selon cette perspective, plus la civilisation s’éloigne, avec la progression du temps et la marche des événements, du centre métaphysique et spirituel comme de la source historique et événementielle de la nature humaine, telle qu’elle en conçoit l’optimum et qu’elle en réalise l’idéal, plus elle s’écarte, dans la réalité, de l’état d’innocence originelle dont elle procède, jusque dans le souvenir que la mémoire de la culture peut en avoir, soit en raison du glissement immanent et progressif qui caractérise le cours historique de la civilisation humaine, en raison d’un mouvement entropique qui est inhérent à sa nature, soit en vertu d’une rupture avec son essence transcendante qui, étant primitive et fondamentale, a fondé et a réalisé la coupure décisive et radicale de l’humanité à partir de son essence première. Cette disjonction exprimerait aussi éventuellement, la décadence tantôt progressive et tantôt en saccades dont le penseur historique serait en mesure de constater l’évidence dans les indices de la détérioration générale du climat social et politique, caractérisée par des périodes de disharmonie et de conflits plus longues et plus intenses, que l’histoire moderne et contemporaine de l’homme rend encore plus évidentes avec la progression géométrique des crises et des guerres qui en marque le parcours. § Ainsi seul un retour, accompli effectivement, à l’état originel d’une innocence primitive, plus proche de l’essence véritable de l’humanité et plus révélatrice de la pureté de sa substance réelle — une transformation qui serait susceptible d’éclairer au quotidien, dans les moments actuels, les actions de ceux qui ont embrassé l’importance d’accomplir ce renouvellement —, constituera la solution à l’involution radicale de l’humanité et son abaissement au point de l’abrutissement complet de ses virtualités, c’est-à-dire au point d’un nihilisme désolant et déplorable. § Or telle est l’originalité de la tradition Judéo-chrétienne bien comprise, qui est celle d’offrir le moyen à la fois immanent, par l’effort et l’engagement de chacun, et transcendant, dans la relation du particulier avec la Divinité, de rétablir un état autrement irréversible, en raison du mouvement fatal et inéluctable sur lequel l’humanité est autrement entraînée, une restauration qui s’accomplit sous le regard de la Divinité, qui baigne l’homme de Sa grâce bienveillante, ainsi que dans la sincérité de la foi et de l’authenticité de l’action qui en témoigne. § Si la solution proposée ne saurait donc tenir entièrement de la philosophie, au sens où cette discipline comprend actuellement son action, c’est qu’elle touche à un domaine qui dépasse la dimension naturelle et morale que se propose d’élucider la philosophie — et en particulier la philosophie moderne et contemporaine —, et que le rétablissement d’une innocence perdue requiert pour cela une évocation de la dimension transcendante — dont la raison théologique établit la probabilité et que la foi éclaire de ses illuminations spontanées et persuasives — une dimension dont la réalité effective se laisse entrevoir dans et par la nature transcendantale des facultés humaines, lesquelles sont toujours avouées implicitement à l’intérieur de la démarche philosophique, mais ne sont jamais suffisamment fondées ni justifiées par elle pour en légitimer la possibilité et l’action, sans recourir à une amplification de sa pensée par la matière des disciplines apparentées (de l’histoire, de l’ethnologie, de la sociologie, de l’anthropologie (philosohique et culturelle), de la mythologie, des sciences religieuses et de la théologie, proprement dite).» — Plérôme.


[idéal]«L’esprit rebelle nie souvent la vision de l’idéal qui lui est proposée, non pas parce qu’elle ne comporte peu de valeur en soi, mais pour ne pas avoir à se conformer aux valeurs qu’il représente, malgré la légitimité à laquelle elle peut prétendre et le fondement historique qui en établit l’importance pour la culture et la désirabilité qu’il y aurait à l’actualiser, sans pourtant nier a priori le principe du mouvement par lequel toute culture cherche à se perfectionner, en raison des virtualités qui sont propres à son essence et en vertu de l’inépuisabilité de la qualité de l’âme et de l’esprit à laquelle elles renvoient, tout en lui refusant par lesquels elle puisse se réaliser.» — Plérôme.

[ignorance]«L’ignorance est, à bien le considérer, un état moralement ambigu: car si, d’une part, chacun est responsable de l’état d’ignorance en lequel il se trouve, en ce sens qu’il l’est en même temps de l’effort dépensé à le lever et à faire l’acquisition de la connaissance qui le dissiperait, comment, d’autre part, peut-il être tenu entièrement responsable des effets d’un état d’ignorance qui est préalable à la conscience qu’il peut en avoir, lorsqu’il existe, et que le sujet épistémique et moral n’est en aucune façon à l’affût de sa présence, et cela d’autant plus que s’il avait eu le savoir requis pour choisir librement s’il agirait ou non adéquatement selon les principes de ce savoir, il n’aurait pas eu la disposition d’agir autrement que selon les dictées d’une morale que la culture lui impose comme étant suprêmement bonne et donc obligatoire pour toute conscience éclairée et sage. § De plus, lorsque le penseur apprécie le rôle considérable que joue son semblable, un sujet et un acteur moral comme lui, dans la levée du voile de l’apparence sous lequel se cache l’ignorance, autant à l’intérieur de la famille, que dans le cercle des proches et des amis, que dans la société organisée en général, comme en atteste sa participation aux institutions qui sont mises en place afin de fournir des lumières qui dissiperont les ombres de l’ignorance, peut-il légitimement se laver les mains de l’ignorance de celui que est plongé en un tel état, et surtout lorsqu’il sait quelles conséquences déplorables résulteront de sa continuation et de son maintien, autant pour la société en général et pour les individus qui la composent et qui participent à sa culture. Compte tenu de cette responsabilité sociale, autrui serait éventuellement légitimé de réclamer, au nom du principe de la civilité, sinon de ceux de l’honneur et de l’amitié, que lui soit fournie l’accès à toute connaissance qui soit susceptible de lui aider à pallier à ce risque. § Le problème de l’ignorance s’avère donc éminemment complexe, si l’on s’arrête à en évaluer la multitude des aspects sous lequel il est apte à être considéré: ainsi est-ce une forme de paresse épistémologique et de lâcheté morale que la préférence à mieux rester dans la méconnaissance de cette difficulté plutôt que de s’aventurer à en découvrir les complexités et à se heurter aux apories qui se révéleraient avec leur examen.» — Plérôme.

[ignorance]«Pire encore à supporter que le poids moral de l’ignorance, dont la conscience devient sensible en raison de la réprobation qu’elle fait naître en celle-ci, est le poids de la conduite, des actions et des fondations qui en procèdent, en raison des torts, des injustices, des injures et des insultes qu’elle produit réellement.» — Plérôme.

[intelligence]«Ce n’est pas en éteignant la lanterne du phare que le gardien fait disparaître les écueils qui l’entourent et contre le danger desquels il a le devoir de protéger les marins et les voyageurs.» — Plérôme.

[intelligence]«Sans intelligence, la raison est au mieux aléatoire, au pire erratique et, lorsqu’elle se laisse influencer par une intention maléfique, au pis malicieuse; mais sans raison, l’intelligence demeure simplement une virtualité et une possibilité, confinée qu’elle est à la subjectivité qui en ressent les intuitions et qui en éprouve les lumières, sans que celles-ci ne reçoivent par là quelque effectivité concrète, au-delà de la transformation mystérieuse qui en résulte pour l’intériorité de la personne.» — Plérôme.

[justice]«L’esprit de justice, qui se fonde sur un sens de l’équité et de l’impartialité, requiert que l’esprit examine, à la lumière des valeurs de la bonté, de la vérité et de la beauté, non seulement les idées qui font partie du lexique fondamental des croyances intimes qui sont propres à l’agent moral et que l’expérience vécue l’a conduit à adopter, mais encore celles qui, pouvant procéder de raisons autres et de sagesses différentes, provenant d’une source qui est extérieur à son intelligence et à sa conscience, pourraient ne pas se réconcilier spontanément avec celles qui sont les siennes, au risque même parfois de le heurter et d’offusquer le sens moral qui l’habite. § Peut-être alors l’esprit devrait-il examiner encore plus scrupuleusement, au nom de ce même esprit de justice, ces idées qui sont trop ressemblantes à celles que porte en lui l’agent moral, comme pouvant éventuellement confirmer trop facilement des conceptions qui, tout en n’étant pas aussi adéquates, dans leur substance, qu’elles pourraient l’être en réalité, sont néanmoins épousées par lui comme étant dignes d’informer les choix qu’il pose et de fonder les préférences qu’il affiche.» — Plérôme.

[justice]«Un des aspects importants, et non des moindres, de la maturité sociale consiste pour l’agent moral à savoir dépasser le projet de l’établissement de la justice, uniquement pour et en vertu de soi-même, afin de concourir à établir, d’une manière désintéressée, mais nécessairement imparfaite, l’aséité de la justice, et en visant l’accomplissement intégral et complet des idéaux les plus élevés qui émanent de son essence, d’actualiser l’efficace de son action et de perpétuer l’état éminent de sa présence.» — Plérôme.

[liberté]«Autre chose est la répression que l’on encourt pour vouloir être libre; autre chose la sanction qui est imposée de ne pas se montrer à la hauteur de la liberté qu’il importe de réaliser pleinement.» — Plérôme.

[liberté]«C’est aussi une expression de la liberté, et du désir de réaliser positivement son essence, que l’action de refuser l’ignorance dans laquelle baigne éventuellement la conscience et de répondre, avec l’énergie et la détermination qui sont requises, à volonté de transcender les conditions de la société et les déterminismes de la nature individuelle, afin de parvenir à la Vérité Suprême, en se donnant concrètement les moyens intellectuels de percer le voile qui obnubile les vérités de la pensée et du cœur, ainsi que celles de la nature, de l’histoire et de la vie.» — Plérôme.

[matérialisme]«C’est un fort indice de l’incrustation profonde de l’idéologie matérialiste lorsque les élites et les gouvernants sont plus susceptibles de dénoncer, à l’intérieur du discours public, l’aliénation des biens que l’aliénation du bien.» — Plérôme.

[médecine]«La médecine est la vie qui agit intelligemment, intentionnellement et méthodiquement sur la vie, telle qu’elle s’accomplit actuellement, en vue de réaliser la plénitude de la vie, telle qu’elle est susceptible de s’accomplir encore plus complètement.» — Plérôme.

[médecine]«Si excellent que fût le médecin, si expert que soit son traitement et si efficace que soit son approche, c’est toujours à une certaine fatalité qu’il répond — celle qui a produit l’état que lui présente le patient et qu’il évite soigneusement de reproduire dans son action, conformément à l’adage du «primum non nocere» hippocratique, en tentant, par son expertise, d’obvier aux inconvénients que présente la condition du malade et de favoriser, sinon de produire, sa guérison —: ainsi pourrait-on conclure que le plus grand des médecins serait celui qui, de la manière la plus judicieuse et sagace qui soit, serait susceptible d’infléchir et de gouverner le cours des événements, afin d’éviter que cette fatalité ne se produise, ce qui serait en définitive une exigence trop sévère puisque, par définition, la fatalité gouverne les circonstances qui émanent d’une puissance supérieure et dont l’occurrence est, au moment où elle se produit, imparable ce qui fait que l’acte du médecin est avant tout un acte de compassion, celle d’une personne bien portante qui assiste une personne éprouvée par le sort, jusque dans son état physique, et que la compétence avec laquelle il exerce son art et son métier repose sur la science avec laquelle il illustre la solidarité existentielle qui est le mobile de sa profession.» — Plérôme.

[mensonge]«Le mensonge peut se comparer à une forteresse immense dont la pensée véridique et vertueuse a l’obligation d’en exploiter les failles, d’en ouvrir les brèches et d’en faire s’écrouler les murs, qui en garantissent à fois la possibilité de se maintenir, de se propager et de se perpétuer: lorsqu’elle en pénètre l’enceinte, son but sera de détruire les faux principes et les funestes conséquences qui risquent de s’ensuivre, s’il lui est permis de continuer à se répandre et de subvertir les principes vrais qui sont les seuls dignes à inspirer les consciences et à former les actions qui procèdent de l’intentionnalité qui procèdent de celles-ci et de l’exercice de la volonté qu’elles informent.» — Plérôme.

[mensonge]«Le mensonge le plus important est celui qui fait mentir la réalité, en faussant le bien le plus élevé qu’elle représente et après lequel les sujets moraux qui composent la société aspirent, autant dans son essence que dans le devenir qu’elle serait destinée d’accomplir, en vertu de la virtualité qui est inhérente à celle-là.» — Plérôme.

[métaphysique]«Au nom du principe qui veuille que toute transformation préserve quelque chose de la matière originelle sur laquelle porte cette action et qui en constitue l’objet, si infimes fussent les traces qui perdurent et qui révèlent la validité de son contenu, l’intelligence devrait, en théorie, être en mesure de constater les rémanences psychiques du vide ou du tohu bohu initiaux dont procèdent l’homme, ainsi que l’ensemble de la nature, et qui, tantôt selon la science physique moderne (y comprise la biologie) et tantôt selon les Écritures judéo-chrétiennes, seraient les conditions premières, quoique toujours indéfinies et mystérieuses dans leurs formes, de la Création qui les ont générées.» — Plérôme.

[moralité]«Au jeu du poutre et de la paille, par lequel l’esprit tendancieux attire l’attention sur la paille minuscule qui pend aux lèvres de son semblable afin de distraire de la réalité de l’existence de l’énorme poutre dont il est le porteur, plus la paille prend de l’importance aux yeux de l’interlocuteur, plus celui-ci a l’impression que celle de la poutre a pu diminuer; et plus est énorme la taille de la poutre qui apparaît au porteur, plus il importerait de remarquer la présence de la paille aux lèvres de son semblable, lorsqu’il le croise, et combien celle-ci vaudrait la peine d’être signalée, en lui attribuant ainsi une qualité exagérée qui obnubile celle de l’objet et qu’il souhaiterait ainsi qu’elle passe inaperçue.» — Plérôme.

[moralité]«La pièce du Tartuffe, que Molière a contribué à la culture française et, par elle, à celle de l’humanité, nous enseigne que le prix en complications, si élevé fût-il, de créer pour soi le masque d’une apparence vertueuse et de vivre en se cachant derrière lui, est encore moindre que la difficulté que pose au sujet moral de vivre en tout, conformément à la nature d’une individualité, qu’anime et motive une âme pure et irréprochable et pourtant, c’est le désir d’éviter cette peine imposée par la recherche de la vertu qui est le motif du camouflage moral, cet artifice auquel le sujet moral aura recours.» — Plérôme.

[moralité]«Le plus grand renversement politique imaginable consisterait en ce que le mal se substitue au bien et devienne la cause de ce que la perversité serve désormais de critère contre lequel adjuger de la vertu et de décider de sa désirabilité.» — Plérôme.

[moralité]«Le principe de la non-assumance de soi pourrait mieux s’exprimer ainsi: d’abord, se féliciter soi-même de chaque bienfait qui survient dans son existence et chercher ensuite systématiquement à faire entièrement reposer le blâme sur les épaules d’autrui de tous les malheurs, susceptibles d’être éprouvés ou subis; son corollaire, le principe de la non-reconnaissance de son semblable, s’énoncer ainsi: d’abord, attribuer au hasard, à la fortune ou à la chance, mais jamais au talent, à la vertu ou à l’effort, les bienfaits qui adviennent à autrui et ensuite ne jamais supposer une autre cause, aux malheurs qu’éventuellement il essuierait, que les tares de son caractère ou les erreurs de son jugement.» — Plérôme.

[moralité]«Tels sont ceux qui exigent de leurs semblables le respect qu’ils refusent de leur accorder en retour: c’est que la considération qu’ils se donnent à eux-mêmes et l’estime en lequel ils tiennent leur personne dépassent largement ceux avec lesquels ils envisagent généralement leurs semblables.» — Plérôme.

[moralité]«Toute personne, comme tout ensemble, sont appelés à dépasser, dans le sens du meilleur bien qu’il est possible d’accomplir, les contingences de son histoire, sans pour autant nier — et même pour éventuellement en faire l’émulation —, les modèles historiques qui, en ces occasions qui les ont interpellés en ce sens, représentent, par la valeur et la qualité de leurs conduites et de leurs actions, la réalisation la plus élevée des virtualités les plus élevées de cette idée-valeur transcendante et des agents moraux qui l’adoptent pour idéal.» — Plérôme.

[mythe]«Certains mythes dénient à l’esprit la révélation de la vérité, puisqu’elle est trop sublime à contempler et que, par conséquent, l’estimation qu’en ferait une conscience, peu encline à savoir l’apprécier adéquatement, courrait le risquerait de la dénaturer ou d’en diminuer l’importance, par la réduction à laquelle elle la soumettrait; d’autres mythes la lui cèlent, puisqu’elle est trop laide à considérer et qu’elle risquerait de constituer le motif d’un scandale pour des consciences naïves, par trop innocentes ou impressionnables.» — Plérôme.

[mythe]«Si tout tient du mythe — qui est la consolidation, dans la mémoire collective, d’un événement ou d’une réalité comportant pour l’ensemble social, une importance pédagogique, en raison de l’enseignement moral que l’on pressent pouvoir en tirer, et qui trouve sa résolution dans la reconstitution du récit dont la narration constitue un moment de cet enseignement significatif —, quelle place faire alors à la vérité ? Par contre, si tout est une fonction de la vérité, quel sens donner alors au mythe ?» — Plérôme.

[philosophie]«La philosophie est née du désir et de la volonté, à la fois d’atteindre à une conception unique, compréhensive, profonde et véridique de la réalité, autant dans la profondeur et la compréhension de son essence, que dans la direction et la vivacité de son mouvement, que dans les rapports que ses éléments constitutifs entretiennent entre eux et que dans la signification ultime qu’elle acquiert pour l’esprit et d’accomplir cette finalité d’une manière consensuelle, apte à interpeller et à rallier toutes les intelligences, conformément à la capacité perceptive, herméneutique et estimative, analytique et synthétique, qui est propre à la nature de cette faculté et de ce pouvoir spirituels.» — Plérôme.

[philosophie]«La sociologie de l’idéologie s’intéressera à découvrir quelle est la pensée fondamentale d’une société et les valeurs sous-jacentes qui inspirent à la fois son état, ses choix collectifs, ses lois, ses institutions et ses actions; par ailleurs, la philosophie sociale et politique se donnera pour tâche de définir quelle serait une conception valide et adéquate, transcendante, universelle et éternelle, de l’État et de la société; de comparer en quoi la société actuelle rencontre les exigences d’une telle conception; et d’estimer quelle est la qualité réelle d’une telle société historique et substantielle, lorsqu’elle est jaugée à la lumière de l’essence de la société idéale, dont on aperçoit le germe des possibilités déjà présentes en elle et l’évidence subtile des virtualités qui sont à l’œuvre à l’intérieur de celle-là.» — Plérôme.

[philosophie]«Le personnalisme nous enseigne que l’aliénation des rapports sociaux se fonde en réalité sur celle des rapports personnels, dans leur essence la plus profonde, puisqu’ils sont nécessaires à la constitution de la nature et de la culture humaines.» — Plérôme.

[politique]«À l’éducateur, pour qui comptent prioritairement le développement et l’épanouissement des qualités, des talents et de la personnalité de l’individu et de l’ensemble social, lorsqu’il s’illustre dans sa profession, s’oppose le dominateur, dont l’unique préoccupation est de faire valoir souverainement, par son activité, les valeurs et les principes qui fondent sa compréhension de la réalité et qui constituent l’armature de la théorie du réel qu’il a échafaudée, autant quant aux principes qui lui ont donné naissance qu’à ceux qui dynamisent son mouvement et qui guident son développement, en vue de l’aboutissement d’une finalité qui est implicite à ses thèmes. § Alors que le premier établit son action sur la liberté dont l’importance se révèle à la conscience, comme étant la première valeur existentielle à cultiver en soi, sur la motivation à se surpasser soi-même, comme étant le moyen moral par excellence de la réaliser, et sur l’inspiration à réaliser, à travers elles, d’une manière autonome, la propension au bien qui se découvre en soi — ce qui est en même temps actualiser, dans l’immanence de l’histoire, l’univers de la transcendance —, l’autre illustre l’obligation de conformer sa conduite et son action à une théorie du bien qui, malgré les imperfections qu’il est possible d’en déceler, est donnée comme étant primordiale et nécessitante par l’autorité qui la définit, parce qu’elle est fondamentale et ultérieurement indépassable, et de diriger ses initiatives sur des finalités prescrites, lesquelles sont vues comme étant les conséquences de la théorie qui est proposée à l’idéal individuel et collectif, sans que pourtant les consciences qui s’en inspirent ne puissent contribuer à sa compréhension et à son élaboration, en complétant la conception ordonnée avec les lumières spontanées de son intelligence et son actualisation par des actions librement engendrées et initiées. § Or cette tension, entre la liberté qui s’exprime en l’individu, lorsqu’il effectue la plus grande compréhension possible du bien moral, dont il assume la réalisation, et du devoir qui est imposé unilatéralement et indiscutablement de l’extérieur, par une figure autoritaire qui en serait l’incarnation actuelle et effective, est peut-être l’antinomie la plus radicale susceptible de se manifester à l’intérieur de la sphère de l’action sociale et politique. § Et le penseur réfléchi comme l’acteur social ne sauraient la considérer comme étant résolue que si elle parvient à déterminer la matière d’une conception personnelle et particulière de la bonté en même temps qu’elle illustre une théorie de l’idée-valeur transcendante du bien qui est recevable par tous et réalisable par chacun, puisqu’elle convient à une nature générique, commune à l’ensemble de l’humanité, tout en sachant réconcilier les gradations distinctives, qui sont présentes en chaque individu, étant l’expression pour lui de la variété de manières dont cette nature est apte à se réaliser, lorsqu’elle aspire à achever la dimension morale de son être spirituel. § Peut-être alors le penseur pourrait-il conclure qu’une solution à ce paradoxe constitue le défi le plus grand susceptible d’être présenté à la conscience du souverain, qui oppose le désir de la liberté des citoyens aux nécessités d’imprimer à la société une direction politique et sociale déterminante, pour lequel l’accomplissement des destinées individuelles importe autant que la réalisation de la finalité collective sur laquelle il exerce une puissance bienveillante et régulatrice, lorsqu’il en saisit les tenants avec son intelligence et qu’il en induit les aboutissants au moyen de son jugement, le tout en faisant preuve de la plus grande authenticité et de la plus grande sincérité du caractère.» — Plérôme.

[politique]«C’est Machiavel [in Le Prince, chapitre XVII] qui a donné une actualité à la question du mérite respectif d’être craint ou d’être aimé en politique. § Or, à première vue, la réponse semblerait simple, alors qu’il s’agirait d’affirmer que, puisque la politique crée les situations où naissent, se maintiennent et se cultivent à la fois des amitiés constantes et des haines tenaces, il vaudrait mieux, face à celles-ci, inspirer la crainte et, face à celles-là, témoigner de l’amour, tout en ajoutant que l’impression laissée sur l’ensemble social par un amour aussi profond qu’il est magnifique, puisqu’il est susceptible de tout embraser, peut, lorsqu’il s’illustre effectivement, créer un émerveillement tel qu’il réussit à sidérer les adversaires — et ainsi de les tenir en respect — en même temps qu’il galvanise les alliés et les partis amis. § Mais la situation se complique davantage lorsque la conjoncture politique repose sur un genre d’indifférenciation sociale, souvent propre aux situations historiques et aux conjonctures politiques, marquées par la culmination de crises existentielles, axiologiques et idéologiques profondes, lesquelles sont susceptibles de caractériser une société qui éprouve un bouleversement profond de ses structures et de ses croyances fondamentales. Car alors, le penseur observera, chez la généralité de ceux qui font l’expérience de cet état, une tendance à vouloir conserver une attitude de neutralité prudente et réservée face à ses semblables et à n’admettre ou n’exprimer ni sympathie, ni antipathie réelles à son endroit, cette apathie étant néanmoins mitigée par un désir de convivialité propre à la vie en société et s’installant en réponse au désir de se ménager une situation qui soit la plus favorable possible, c’est-à-dire qui soit propice à la conservation des acquis économiques de l’individu et à l’avancement de son prestige social, devant l’incertitude de l’issue qui puisse survenir afin d’apporter une résolution à l’état d’indécision politique qui est apte à caractériser l’état d’indifférenciation préexistant. § Or, ce genre de réserve commande que la prudence individuelle se fonde tantôt sur l’émulation bienveillante de l’adversaire, afin de garantir un modus vivendi qui soit vivable, à défaut d’être entièrement convivial, et tantôt sur la feinte de l’amitié, pour assurer de conserver les avantages acquis, et peut-être même de les augmenter et de les bonifier, lorsque la simulation permet, chez ceux qui sont disposés en ce sens, de s’avantager au moyen de la duperie qu’elle occasionne. Or, ni l’une, ni l’autre de ces tactiques ne conduit à exprimer un sentiment sincère et explicite à l’égard de son semblable et l’équivoque qu’ils produisent causerait alors que le sujet moral puisse tantôt se trouver à aimer celui qui n’en serait pas digne et tantôt à craindre celui qui mériterait de recevoir la sympathie, en raison de l’ambiguïté qui règne à l’intérieur de l’ambiance sociale et qui caractérise la nature des rapports, existant entre les individus qui en éprouvent les influences et qui réagissent à celle-ci. § Ainsi, lorsque prévaut le règne de l’indifférenciation, à l’intérieur de la situation sociale, l’équivoque qui caractérise les indices et les signes sociaux, émis par les membres de la société, ne saurait encourager la tenue d’une attitude franche face à son congénère, sauf chez le sujet moral qui estime préférable d’afficher ouvertement, par sa conduite, le courage requis afin de se montrer à la hauteur des valeurs de l’amitié et de la sociabilité, voire même que ce fût au prix de subir les contrecoups négatifs que ce choix moral serait susceptible d’occasionner, à l’intérieur d’une société hostile à cette attitude, un peu à la manière d’un paratonnerre qui s’attirerait les foudres célestes, lorsque sévit un orage violent. § Par ailleurs, la présence d’un tel climat d’indifférenciation pourrait conduire à la naissance éventuelle du héros admirable et du chef charismatique, propres à assurer, l’un par ses actions et l’autre par sa direction, en vertu de leurs qualités morales et de leurs talents intellectuels respectifs, l’existence et la perpétuation de la société, éprouvée par les circonstances qui les suscitent et les maintiennent, comme au rétablissement de l’harmonie qui exprime sa cohésion et son unité, alors que, s’il se maintenait sur une période de temps indéterminé et s’il aboutissait à la violence qui en est le terme inéluctable, le pouvoir dissolvant de l’indifférenciation destine la société, à une échéance plus ou moins brève, au sort contraire du désordre et de l’anarchie qui sont associés à la décadence de la culture et de la civilisation.» — Plérôme.

[politique]«Dans un monde idéal, mais non pas à ce point éloigné, dans sa conception, de la réalité de sa nature et de ses possibilités, à en paraître absurde à l’esprit de ceux qui en apprécient les virtualités, ainsi que les qualités éventuelles et les réalisations possibles qui en seraient issues, les gouvernants et leurs affidés devraient d’abord être choisis en raison du désintéressement avec lequel ils illustreront, par un effort soutenu, leurs compétences et leurs talents à servir résolument la chose publique, en recevant un rang à l’intérieur de la hiérarchie des pouvoirs de manière à refléter adéquatement la gradation qualitative, susceptible d’être observée, en comparant les niveaux de la réalisation de cette perfection à l’intérieur de la société dont ils constituent l’autorité législative et administrative.» — Plérôme.

[politique]«La liberté, sans la justice, c’est l’anarchie; la justice, sans la liberté, c’est le despotisme: ainsi s’aperçoit-on du lien intime et essentiel qui existe entre ces deux notions, et les états qu’elles déterminent dans l’expérience, puisque l’exclusion de l’une, tout en préservant l’autre, mène aux deux formes les plus déplorables de l’existence collective, d’une part, celle où les actions sont conditionnées par le caprice de tous et, de l’autre, celle où celles-ci sont déterminées par les fantaisies d’un seul.» — Plérôme.

[politique]«Un pouvoir qui, tout en se prétendant honnête et vertueux, passerait par la corruption de la société qu’il inciterait activement, afin de mieux s’établir, se développer et se propager, à l’intérieur des structures de l’État et des institutions de la société, ne saurait être autre chose qu’un pouvoir qui feint la légitimité.» — Plérôme.

[politique]«Une considération morale du champ politique, qui en même temps respecterait les libertés particulières et le perfectionnement moral qui résulterait pour elles de son efficience actuelle, pourrait se résumer avec ce principe unique, mais comportant deux facettes: aucune option conservatrice, visant à protéger, à l’intérieur d’une société, les acquis sociaux, politiques et économiques, ne saurait vouloir préserver et conserver ceux qui, en raison de promouvoir le mal, favoriseraient les intérêts et les institutions avantagés par cette optique, au détriment de ceux qui réalisent le bien; comme aucune option libérale, dans sa volonté de rénover l’esprit de la société et les structures constituées par elle afin de refléter cette métamorphose à tous les plans, ne saurait vouloir autre chose que la promotion du bien par les mesures qui sont proposées, malgré les libertés sociales que désavantagent une telle perspective.» — Plérôme.

[psychologie]«L’homme a beau changer ses habitudes, il n’a pas pour autant neutralisé les besoins, au sens Mazlovien du terme, qui en forment la présence et qui, par le sens de la nécessité qui résulte de leur reproduction, souvent sur une multitude de générations, constituent un empêchement à la perfection véritable des consciences et des individualités.» — Plérôme.

[psychosexualité]«La nature et la qualité de la relation qui existe entre l’homme et la femme, autant au point de vue personnel qu’au plan de son institutionnalisation sociale, est au cœur de la question anthropologique: l’élucidation de cette question est apte à clarifier et à amplifier la compréhension, autant des fondements de la civilisation comme des formes subséquentes qu’elle se donne, que dans l’avenir qu’elle est susceptible de produire et la promesse qu’elle porte en elle de la réalisation des virtualités, humaines et sociales, dont il est le gage éventuel de son accomplissement.» — Plérôme.

[psychosexualité]«L’état du monde s’est radicalement transformé et il s’est rapproché de la décadence, lorsque la moralité collective en est venu à confondre l’amour et la sexualité et à voir en celle-ci la représentation et parfois même le substitut du premier: car alors, autant l’homme que la femme, plutôt que voir en sa contrepartie la raison d’être d’une considération spéciale, et peut-être même exclusive, fondée sur l’estime et la valorisation réciproques, sur la dignité de la personne vertueuse ainsi que sur l’unicité de sa nature et de sa réalisation, en sont venus à se concevoir l’un et l’autre comme étant l’instrument d’un plaisir qui, si intense et si agréable fût-il, reposait avant tout sur une sensation proprement subjective ainsi qu’à la qualité d’une expérience physique qui fait entièrement abstraction de la valeur propre de l’individu qui le suscite, celui-ci devenant ainsi l’objet d’une réification que l’agent moral rapporte à soi, plutôt que le sujet moral libre d’une relation mutuelle qui se constitue en vue de réaliser la plénitude de la vie, dont témoigne le bienfait réciproque que les amants exercent l’un sur l’autre dans le plus complet des bonheurs.» — Plérôme.

[psychosexualité]«L’homme doit avoir la lucidité et l’humilité de reconnaître et d’accepter, à l’intérieur de la relation affective amoureuse, intense et profonde, qu’il a réussi à établir avec une femme qui, tout en étant éminemment désirable, est en même temps mature et complète, que ce n’est pas tant lui qui a réussi à la séduire, grâce au charme et à l’amabilité qu’il a su démontrer, mais que c’est plutôt celle-ci qui fut l’agent subtil, mais o! combien efficace, de la séduction qui a effectivement donné naissance à l’intimité qui est apparue dans leur relation et que c’est dans l’ordre naturel des choses qu’il en fût ainsi.» — Plérôme.

[psychosexualité]«Puisque, dans l’idéal, le véritable travail de la femme, en tout conforme à la sublimité de son essence et à la subtilité de sa nature, consiste à agir d’une manière invisible, c’est-à-dire intangible et éthérée, sur la subjectivité des cœurs et des consciences, des âmes et des intelligences, en vue de leur édification profonde et permanente et de l’acquisition en elles d’une perfection qui se découvre et qui se réalise continuellement, comment alors distinguer le devoir qui s’accomplit chez elle de celui qu’elle ne parvient jamais à réaliser ? La même question se pose pour l’homme, mais à un plan plus concret et sensible, puisque son action s’effectue d’une manière qui est plus manifeste et évidente.» — Plérôme.

[raison]«En privilégiant la raison sur le cœur, la conscience privilégie la logique sur l’amour et, si l’une n’est pas exclusive a priori de l’autre, s’il est possible à la fois d’aimer avec son cœur et d’illustrer la justesse ainsi que la cohérence de la pensée par ses œuvres, par sa conduite et par ses actions, un usage exclusif de la logique en vue de réaliser des fins qui obéissent uniquement aux intérêts de la raison particulière conduit inévitablement à une négation de la situation existentielle de son semblable et du sentiment qui révèle que celle-ci est connaturelle et équivalente à celle qui est propre au penseur, lorsque tous les deux — la pensée et le cœur — portent sur une réalité identique, en espérant composer adéquatement et heureusement avec elle, en vertu du principe de l’équité et de la justice fondamentales qui obligent que l’on soit (ou que l’on ne soit pas) avec autrui tel que l’on souhaiterait qu’il soit (ou qu’il ne soit pas) avec soi-même.» — Plérôme.

[raison]«Il y a un type de l’esprit qui, tout en ayant la prétention de rallier à sa nature la conscience de l’humanité ou, à défaut, de s’imposer irrésistiblement à elle, souffre cependant du rétrécissement de l’horizon spirituel qui caractérise un intellect complet et parfait. Cet esprit, qui est le produit du XVIIIième siècle et s’est généralisé à l’ensemble de la population, a été peu à peu embrassé par la collectivité, comme étant le moyen du salut intellectuel de l’humanité. Cet esprit a voulu combattre la superstition, en exorcisant tout ce qui, dans la pensée et la conduite humaine, n’était pas rationnel, mais il n’a pas compris à la fois que la raison, en l’absence de l’intelligence, aussi bien théorique que morale, n’a pas plus de valeur qu’un outil privé de l’artisan qui le manie avec expertise, et qu’en limitant son exercice au champ naturel et sensoriel, à l’empirie dont l’objectivité physique est vérifiable de manière consensuelle, on l’ampute de tout ce qui, dans la réalité, tient à la fois de l’ineffable, de l’inexplicable et du mystère de la subjectivité — tout en créant un espace rétréci d’inexpliqué et d’intangibilité qui est propre à son activité, sans qu’il n’engage ce qui entoure celle-ci comme étant ce qui en serait à la fois la condition et la possibilité ultimes, apte cependant à trouver le champ de son existence réelle autant dans l’objectivité d’une nature extérieure que dans la subjectivité d’une présence intérieure —. § Cet esprit n’a surtout pas compris que, au nom du refus de la superstition, il est possible de créer une superstition de la superstition, qui élargit le sens de l’idée pour embrasser toute action efficace, mais dont la raison d’être est inexpliquée — telle cette action, pour un médecin, de se laver les mains avant d’accomplir une procédure, comme l’encouragea à le faire le Dr. Semmelweis, afin d’enrayer les propagation des maladies contagieuses, avant que cette notion ne fût généralement acceptée par l’ensemble du corps médical — et une superstition de la raison qui serait censée la combattre, en créant un mythe de la raison qui lui accorde un pouvoir qui outrepasse les limites de sa puissance — souvent au dépens de l’imagination dont le caractère irrationnel comporte pour celle-là l’effet d’en augmenter le potentiel, en découvrant d’autres façons d’optimaliser sa manifestation et d’autres domaines, situations et circonstances en lesquels accomplir cela —. § Car tel est l’aboutissement du rationalisme, lorsqu’ils est poussé à l’extrême limite de son principe: non seulement fait-il de l’homme un dieu, en imaginant pour lui la possibilité d’accomplir une maîtrise complète de la nature, mais encore lui accorde-t-il la foi en la toute-puissance de sa faculté raisonnante, de sa capacité d’élucider les arcanes de l’empirie et de découvrir les solutions aux problèmes qu’elle pose à la condition humaine, et l’espérance que tout ce qui est bien pour lui puisse en procéder comme en étant l’unique source de tout ce qui est le bien, le beau et le vrai, susceptibles d’être réalisés à l’échelle de l’univers, pour transformer cette conviction en une espérance que son action positive serait susceptible de transformer la vie de tout un chacun, dans le sens de ce qui est le plus propice à son épanouissement et à son accomplissement: or, ce sont deux ordres de conviction qui tiennent de l’irrationnel et qui donc contredisent le principe de l’essence de la raison comme elles en exagèrent les possibilités en même temps qu’ils nient aux autres facultés de l’esprit, nommément l’imagination, l’intuition et l’inspiration, une puissance distinctive mais complémentaire. § Or, en réalité, c’est une pseudo-religion que l’idéologie de la raison propose à l’humanité, sous l’apparence d’une forme logique qui tairait cette métamorphose subtile, d’un perfectionnement de la faculté rationnelle qui devient l’unique raison d’être de l’esprit humain, avec toutes les dénégations requises afin d’occulter les choses qui lui donnent le moyen de devenir ce qu’elle se défendrait d’aspirer à être. Et elle ne fait que servir d’excuse au fait accompli historique, sans que la raison n’exerce son esprit critique et n’examine ni le bien-fondé, ni la justice de l’état qui le procure et le maintient, ni la direction qu’il empruntera, dans un avenir plus ou moins éloigné, laquelle en constitue l’ultime justification, voire qu’elle suppose un principe extérieur à elle-même qui en fonde et en justifie l’essence, comme la puissance de l’existence et l’entéléchie de son accomplissement et de sa perfection.» — Plérôme.

[reconnaissance]«La vie en société, hélas !, est trop souvent empreinte de l’ingratitude, d’autant plus appréciable parfois que ne serait importante la raison qui justifierait le témoignage de la reconnaissance serait susceptible d’éprouver.» — Plérôme.

[religion]«L’esthétisme religieux, l’apparence édifiante qui fonde et qui constitue l’aspect civilisateur de la religion, a pour contrepartie l’admiration qui est entretenue pour les formes sensibles de la foi (la liturgie, l’art religieux, le cérémonial, le rituel, le corps des doctrines et les enseignements qui en procèdent) et pour l’héroïsme avec lequel les fidèles illustrent une compréhension profonde et intégrale des principes qui la constituent, dans leur propre conduite et dans les choix qui en procèdent, y compris jusqu’au sacrifice de ce qui leur est le plus cher; la véritable foi, la conviction profonde qui fonde l’aspect salutaire et rédempteur de cette dimension formelle, puise à ce sentiment et, à l’instar des saints qui la personnifient, adhère sincèrement et entièrement à ces vérités sublimes qui sont à la source de la religion et leur accorde de guider infailliblement leur action et leur liberté.» — Plérôme.

[responsabilité]«On en peut reprocher à l’homme d’être né avec un handicap, ni d’être devenu infirme sans qu’il ne fût en quelque manière responsable de son état, mais seulement de ne pas accomplir tout l’effort requis pour vivre la plénitude de sa vie, à l’intérieur d’une condition existentielle qui est survenue pour lui sous la forme d’une fatalité imparable, lorsqu’elle s’est produite.» — Plérôme.

[sagesse]«Si la sagesse, qui consiste en l’action adéquate, fondée sur une perception profonde ainsi qu’une évaluation juste de la situation sur laquelle porte celle-ci, n’est pas spécifique à l’âge qui serait censé la révéler — puisqu’une telle conception peut caractériser une conduite que l’on retrouve autant chez les sujets moraux plus jeunes que chez ceux qui sont plus avancés en âge, et par conséquent plus exposés aux aléas de l’existence — elle aura cependant davantage l’occasion de se manifester lorsque le cumul et la variété des expériences de la vie lui auront fourni la substance de son développement et de son accomplissement, en fournissant à la conscience un plus grand nombre de possibilités pour elle de réaliser infailliblement la sagacité qui en illustre la qualité, d’en augmenter éventuellement la constance et la plénitude et de fournir en même temps l’abondance de la matière existentielle, apte à alimenter les réflexions qui l’interpréteront et leur accorderont un sens et susceptible d’inspirer les conduites et les actions menant à l’exercice d’une prudence de plus en plus achevée.» — Plérôme.

[sentiment]«L’idéal moral ne consiste pas à vivre une vie apathique, indifférente aux sentiments et aux émotions suscités par l’expérience, comme le préconisent les Stoïciens et les Sceptiques, mais plutôt de procurer à ses passions la possibilité d’une résolution, en se laissant complètement ouvert à la possibilité d’effectuer une herméneutique de l’existence, grâce à laquelle chaque nouvelle situation et chaque nouvel événement de la vie deviennent l’occasion, non seulement pour la personne de se mettre en valeur, de la manière la plus excellente possible, mais aussi de prendre conscience de la continuité du présent et du passé, en recourant à la réminiscence et à la reconstitution pleines et entières des souvenirs qui se rapportent à son antériorité, et en particulier aux événements majeurs qui en composent la trame et ont laissé une empreinte particulière sur la conscience. § Alors seulement, en comprenant qu’il existe une continuité réelle entre ce qui est survenu, ce qui survient et ce qui est apte à survenir, la conscience est-elle apte à faire l’intuition du point auquel l’exubérance de l’énergie qui alimente la passion résulte d’une antériorité inaccomplie, laquelle laisse des séquelles dans la mémoire puisqu’elle représente une agrégation et une cumulation d’émotions dont l’intensité, la profondeur et la force n’ont pas trouvé un exutoire adéquat à ce qu’elles s’authentifient et s’expriment, en leur permettant ainsi de se dissiper, peu à peu ou instantanément, selon le cas, et de laisser une place plus grande encore aux sentiments qui surgissent de l’expérience actuelle ainsi qu’à la possibilité de les vivre adéquatement, dans toute la subtilité de leur couleurs, de leur nuances et de leurs gradations émotives, comme de s’autoriser à reconnaître, autant en quantité qu’en qualité, ceux que la trop grande part, faite aux passions inexprimées par une conscience qui se défendait contre leur puissance envahissante, a empêché de reconnaître et de laisser se vivre proprement dans leur intégralité et selon leur authenticité.» — Plérôme.

[société]«L’on retrouverait certes là l’évidence d’une contradiction lorsque, pour atteindre à une certaine hauteur dans la considération des honnêtes gens, le sujet sente devoir rivaliser en bassesses avec ses semblables afin de se mériter leur admiration et leur estime.» — Plérôme.

[société]«Lorsqu’une administration effectue l’évaluation professionnelle d’un individu, elle accomplit une finalité, implicite ou explicite, qui forme son action, mais aussi elle porter au candidat tout le poids d’une culture et d’une histoire, afin de déterminer s’il rencontre la positivité qui est espérée de lui et si l’estimation plus ou moins élevée qui lui est attribuée sera le reflet réel de la dignité de son caractère et de son aptitude personnelle à illustrer l’idéal que l’institution et la société, inscrites dans le mouvement axiologique de leur histoire, lui proposeront de vivre.» — Plérôme.

[vérité]«Il ne faudrait pas que l’esprit informatique batte la campagne de la vérité, en opposant au travail herméneutique, heuristique et philosophique qui est requis afin de la servir intégralement, un amoncellement de faits auxquels la pensée accorderait une importance immédiate et exagérée.» — Plérôme.

[vérité]«La promotion du biais épistémique, par lequel la conscience valide et établit objectivement une perception commune, sinon consensuelle, de la réalité, plutôt que l’évidence démontrée de la réalité elle-même, voire qu’elle contredise cette perception, est une forme que prend la subreption, en ce qu’elle tente de fonder, souvent avec un succès déplorable, lorsqu’elle se rallie l’assentiment erroné des consciences, non pas ce qui est digne d’être cru, mais ce que l’on est préparé à croire. § Toutes les erreurs juridiques de l’histoire, des plus insignifiantes aux plus grandes, se fondent sur cette manière de sophisme qui réussit à décevoir les consciences qui sont exposées à ses pièges, malgré la sincérité apparente de l’intention qui est affichée, de présenter les choses comme elles sont, pour un observateur critique et impartial, plutôt que comme elles semblent l’être, pour la généralité qui est entraînée par son mouvement artificiel.» — Plérôme.

[vérité]«La vérité, affirme saint Thomas d’Aquin [Somme théologique, Question 16, art. 1, 3] et les scolastiques après lui, c’est la proposition qui est conforme à son objet: cependant, si l’objet est une donnée, la faculté intellectuelle qui est disposée à formuler la proposition véridique, et donc l’esprit dont elle provient, sont préalables à la vérité intellectuelle qui l’appréhende au moyen de la proposition véridique. § Or, dans la conception et l’énonciation de cette proposition, il existe un rapport préalable, celui de la possibilité de l’esprit à énoncer la véridicité et à réaliser celle-ci à l’intérieur de la proposition juste qui en témoigne. C’est un rapport qui oppose l’esprit vrai à l’esprit faux et qui déterminera que celui-là est non seulement susceptible de dire vrai, en vertu d’une nature correspondante qui le dispose en ce sens, mais aussi de réaliser effectivement cette aptitude. Ainsi, la vérité de l’esprit illustre sa qualité avec l’usage pratique de la faculté intellectuelle, habilitée à faire preuve de la véridicité requise afin d’en témoigner. § Par contre, l’on ne saurait attribuer à l’esprit une aptitude à la véridicité en l’absence d’un autre rapport, celui de l’esprit à l’être qui le porte en lui et qui témoigne de son existence en lui. Sans cet être, qu’une adéquation réelle relie à la nature, il n’existerait aucune possibilité pour l’esprit d’illustrer sa véridicité. En réalité, cette adéquation est double, puisqu’elle suppose d’une part une médiation entre l’être et l’esprit qui le caractérise et, de l’autre, une médiation entre l’être et la nature qui le spécifie. C’est une médiation grâce à laquelle se réalise à la fois la vérité de l’être en tant qu’il est un être et la vérité de l’être en tant qu’il illustre l’aptitude avérée de l’esprit à démontrer la véridicité, lorsqu’il est engagé activement dans un rapport avec la nature. Or, la première médiation est inhérente à la puissance de la vie et le seconde, à celle de la conscience — l’ontologie de la vie et de la conscience ne pouvant se distinguer réellement l’une par rapport à l’autre, mais le pouvant seulement au moyen des termes logiques qui sont utilisés afin de signifier des aspects séparés appartenant à une même réalité, qui est celle de la vie, strictu senso, laquelle embrasse et subsume toutes les autres dimensions de l’être vivant, la conscience, l’aptitude à dire vrai, l’idée de la véridicité elle-même, sans inclure toutefois la matérialité de l’objet qui coexiste avec l’être pensant particulier, qui peut être connaturel à lui, mais qui est existentiellement distinct de lui —. § De sorte que la première vérité susceptible d’être appréhendée est l’être qui est doué de la vie et de la conscience, existant à l’intérieur d’une nature qui est susceptible de les lui procurer, de les sustenter et de les conserver, et elle illustre de ce fait le premier rapport, nécessaire et fondamental, dont émane l’essence de toute vérité intellectuelle. D’où il résulte que toute vérité se fonde sur cette vérité première et que, lorsque sa manifestation est entravée et empêchée, en l’individualité de l’être vivant et conscient qui est apte à l’exprimer, cet état signifie le non-être de la vie et/ou de la conscience enclines à faire preuve de véridicité, brimées qu’elles sont alors dans leur conation à réaliser la virtualité épistémologique qui est propre à leur essence et à leur nature. Si le penseur ignore cela, ou s’il passe sous silence ce principe fondamental, en supposant qu’il est implicite à toute démarche philosophique et que, par conséquent, il est accrédité informellement par tous ses interlocuteurs, c’est qu’il ignore aussi — ou qu’il tait, en omettant de l’énoncer — la vérité de la loi naturelle en vertu de laquelle la véridicité est rendue possible et qu’il veut reconnaître l’idée de la vérité, sans qu’il n’alloue en même temps pour la possibilité que celle-ci ne connaisse son actualisation.» — Plérôme.

[vérité]«Le mensonge peut se comparer à une forteresse imposante que l’esprit faux érige afin de le protéger et dont l’esprit contraire — celui que le souci de la vérité préoccupe —, se doit d’exploiter les failles qu’il y découvre et d’ouvrir les brèches qu’il y pratique afin de faire s’écrouler les murs qui garantissent la possibilité pour lui à la fois qu’il se maintienne, se propage et se perpétue, et de pénétrer son enceinte, pour mieux encore détruire les faux principes sur lesquels il se fonde ainsi qu’enrayer les conséquences funestes qui risquent de s’ensuivre de lui.» — Plérôme.

[vérité]«Si sublime que soit la vérité, par son contenu et par l’expression que le penseur en formule, par ses principes, les conséquences qui en découlent et les conclusions auxquelles elle mène, c’est avec son effectivité qu’elle se réalise vraiment et adéquatement: ainsi, les ennemis de la vérité, pour neutraliser la portée qu’elle peut prendre et rendre inopérantes les actions qui la révèlent, n’ont pas tant à taire sa voix et les moyens que la conscience choisit pour se dire et se manifester qu’à empêcher les initiatives qui pourraient en procéder, soit en inhibant leur production par des consignes contraires, soit en interdisant à ses agents de se laisser guider par ses enseignements et de pouvoir en témoigner, ou encore à distraire les consciences et les porter à ne pas considérer les situations et les événements qui, en raison de leur excellence, commanderaient aux intelligences saines qu’autrement elles soient légitimées à vouloir rayonner et à éclairer le monde, en témoignant de sa présence active.» — Plérôme.

[vérité]«Tous peuvent prétendre, d’un point de vue subjectif, avoir atteint l’état de vérité au plan objectif, mais sa possession comporte néanmoins sa part de contradictions et d’oppositions, lorsqu’il s’agit d’en communiquer les principes et d’en démontrer l’essence à des consciences autres, même les plus accueillantes et les plus bienveillantes: c’est qu’il existe un écart parfois infranchissable entre la vérité qui s’impose invinciblement à la conscience subjective et celle que la raison réussit à exprimer, voire que ce fût, dans les mots de Descartes, «clairement et distinctement», en raison de son caractère ineffable et de la qualité unique de l’expérience par laquelle elle s’acquiert, auxquels ne peuvent s’identifier ni l’individualité du semblable, ni la nature des expériences qu’il a lui-même rencontrées.» — Plérôme.

[vérité]«Un choix essentiel s’impose, entre l’oubli sélectif des faits, des événements, des situations et des circonstances qui composent l’expérience et le souvenir intégral que l’on en conserve: pourtant, si la conscience observe avec justesse tous les mécanismes par lesquels se produit, autant au plan individuel qu’au plan culturel, l’occultation de la réalité, le choix évident qui spontanément s’offre à la conscience véridique, qui consiste, en principe, en celui de favoriser le souvenir adéquat sur l’oubli sélectif — une discrimination que fait nécessairement appel à la liberté, puisque le sujet moral ne saurait, en ignorant ou en taisant certaines choses essentielles et en admettant d’autres qui soient seulement accidentelles et contingentes, s’attendre à produire des décisions qui ont une portée existentielle significative et qui soient en même temps acceptables, puisqu’elles sont le reflet d’une perfection indéniable —, s’avérera souvent moins préférable au plan pratique, pour une variété de raisons qu’il vaudrait éventuellement la peine, pour la conscience, d’explorer et d’expliciter.» — Plérôme.

[vérité]«Une analyse sérieuse et approfondie de l’histoire nous apprend que l’esprit radicalement révolutionnaire fait table rase de tout ce qu’auparavant, l’esprit collectif considérait comme étant vrai pour lui substituer en lieu, une nouvelle conception jugée digne d’être dorénavant tenue pour vraie: en admettant cela, la question qui se pose à l’esprit qui est judicieusement critique serait alors de saisir en quelle mesure tout ce qui passait jadis pour être vrai serait devenu entièrement faux et que tout ce que l’on tiendra dorénavant pour être vrai sera entièrement et indéniablement juste ? § Car seule la vérité que l’on conçoit intégralement, autant dans la profondeur que dans l’extension de sa compréhension, comme de son application, est le principe et l’état qui sont dignes d’inspirer l’esprit, lorsqu’il compose avec la réalité, de sorte que l’intention de sacrifier celle-ci à un impératif existentiel quelconque ne saurait constituer un critère suffisant à la fondation d’une conception universelle, à la fois du mouvement de l’histoire et de l’action morale, constructive et bénéfique sur le monde, et qui soit apte à se montrer effectivement juste dans l’estimation de la bonté et de la sincérité avec lesquels les individualités se livrent à l’exercice de leur liberté.» — Plérôme.

[vertu]«La fidélité est la trame de fond de la Bible, autant pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament, dans l’illustration autant de la relation de l’homme avec Dieu — elle prend alors la forme de la fidélité salutaire —, que de la relation de Dieu avec l’homme — elle prend alors la forme de la fidélité rédemptrice —: par conséquent, puisque le lien qui unit l’homme et la femme est organique, autant l’un que l’autre sont appelés naturellement à participer de cette fidélité et découvrent leur honneur à réaliser et à exprimer la loyauté qui en émane.» — Plérôme.

[vie]«Aime-t-on la vie parce qu’on la respecte ou respecte-t-on la vie parce qu’on l’aime ? Voilà un dilemme qui mériterait plus de réflexion que celle qui lui est accordée ordinairement et qui associe le respect, non pas à la crainte qui entraîne la soumission de l’individu, mais à l’estime qui encourage l’accomplissement de la personne.» — Plérôme.

[vie]«Toute poursuite intellectuelle comporte deux aspects: la recherche de la vérité en soi, laquelle suppose être présent, en la conscience épistémologique, le désir désintéressé d’atteindre à la vérité profonde et compréhensive, quelle qu’en soit l’essence et la substance; et la confirmation par l’expérience de l’état noétique et existentiel fondamental qui permet de l’acquérir, sans laquelle celle-là ne saurait souhaiter procéder à cette découverte. § Or, en cherchant à maintenir et à conserver l’être qui parcourt le chemin qui mène à la découverte de la vérité, le penseur ne saurait prétendre être animé par un désintéressement véritable; comme en aspirant à effectuer une appréhension désintéressée de la vérité pure et intégrale, il ne saurait prétendre ignorer qu’un état existentiel existe grâce auquel cette finalité puisse espérer rencontrer un aboutissement qui soit effectivement réel. § Ainsi, toute recherche de la vérité doit savoir en même temps réconcilier la fin qu’elle se propose et le moyen d’accéder à celle-ci: de sorte que, en poursuivant ce but, la démarche heuristique ne nie pas la démarche qui y mène, et qu’en maintenant celle-ci, l’esprit qui l’accomplit ne déroge pas à la possibilité de rencontrer celui-là. Dit succinctement, le pour soi et l’en soi de l’action produite par la conscience doivent se reconnaître l’une et l’autre et se rejoindre, se compléter à l’intérieur d’une même quête, qui soit à la fois consciente d’elle-même et affirme la puissance intellectuelle et morale qui la réalise. § Maintenant, la seule essence qui existât et qui fû digne d’être considérée à la fois sous le regard de son être et de son activité, de son être parce qu’elle donne un sens et qu’elle apporte une importance à son activité, de son activité parce qu’elle est l’unique moyen de réaliser intégralement ce sens et de satisfaire à la condition de cette importance, est la vie. Car seule la vie constitue à la fois la plénitude de l’essence de sa propre vérité et la plénitude de la substance par laquelle la conscience, qui en est une manifestation, puisse assurer à cette essence de posséder une réalité substantielle et effective, également adéquate à cette essence. Par conséquent, toute aspiration désintéressée à réaliser la puissance de la vie, en tant qu’elle est un objet inépuisable et vivant de l’intellect, cherchera à découvrir le moyen de la réaliser effectivement et d’en accomplir la plénitude; comme toute confirmation de l’état fondamental, propre à cette recherche, veillera à découvrir quelles sont les conditions, non seulement de l’appréhension de sa plénitude, mais encore de l’assurance et de la garantie de l’accomplissement intégral et excellent de sa nature réelle et véritable. § Ainsi la vie est-elle à la fois la raison de la quête qui la réalise et le moyen d’en réussir l’aboutissement — une entéléchie et une conation —, le tout dans la connaissance, la conscience articulée que possède l’être intelligent de soi-même et du milieu physique de son existence, et dans la réalisation ultime de sa perfection, lesquels, étant consubstantiels et connaturels à l’intérieur de l’être vivant, ne sauraient que se dynamiser et se potentialiser les uns et les autres, pour l’intelligence en proposant à la volonté quelle est la nature de la finalité qui est la sienne, pour la volonté en assurant à l’intelligence que la fin parcourue, que définit pour elle la raison, sera adéquate à son essence — le sentiment alors spontanément éprouvé à l’intérieur de la conscience confirmant cette validité —, tout en étant conforme à la puissance qui en autorise l’accomplissement. § Voici ainsi résolue l’aporie qui opposait le désintéressement de la recherche intellectuelle et l’intérêt que la conscience aura de l’accomplir, cet argument démontrant que ces deux mobiles ne sont point antinomiques et par conséquent exclusifs mutuellement.» — Plérôme.