mardi 21 novembre 2023

Euthúmèma XXIX (réflexions)

[Depuis le 21 novembre 2023, avec mises à jour périodiques. — Since November 2023, with periodical updates.]

Le mythe est un narratif rassembleur des consciences et des esprits en fonction de l’impression laissée sur l’imagination et qui renvoie à une légende porteuse d’une moralité implicite au contenu de son thème et susceptible d’édifier ceux qui sont exposés à sa substance, en fonction d’une interprétation qui fournit une construction dans l’imaginaire collectif qui est plus ou moins explicite; l’histoire est également un narratif qui est rassembleur des consciences et des esprits en fonction de la structuration des faits rapportés ainsi que de leur enchaînement dans le temps, constituant un tout événementiel et porteur d’une moralité, susceptible d’édifier les individus qui en prennent connaissance, dans l’explicitation qu’ils en feront en fonction d’une doctrine juridique et/ou philosophique qui serviront à constituer, en régler et en former la vie collective.

Le devoir est au droit comme l’action est à la pensée et c’est la justice qui est au cœur de l’intelligence qui les inspire et de la volonté qui les réalise.

C’est une stratégie politique que celle de gouverner en exigeant de ses charges qu’ils agissent conformément à un idéal et aux standards qui en découlent alors que le gouvernant lui-même n’a jamais eu l’intention de les adopter, ni de les réaliser dans l’actualité, mais alors l’esprit serait légitimé à se demander, au nom du bien qui serait censé résulter d’une telle approche, quelle pourrait en être la valeur morale essentielle et réelle.

Toute action se fonde sur une dialectique du cœur et de l’esprit, celui-ci énonçant le possible alors que celui-là appréhende le désirable, et par conséquent engage à la fois lucidité de la faculté intellectuelle et la bonté de la faculté morale et trouve sa résolution dans une action utile, c’est-à-dire à la fois belle et vraie, en d’autres mots authentique, à la fois inspirante pour l’esprit et édifiante pour le cœur.

Il est commode de juger le présent en évoquant les valeurs du passé et de juger des valeurs du passé d’après les valeurs du présent, surtout en découvrant un avantage certain à recourir, tantôt au présentisme et tantôt au passéisme, surtout en omettant de considérer que l’un et l’autre représentent une interprétation et une construction de l’imaginaire conceptuel, susceptibles de saisir adéquate l’essence du présent ou du passé en recourant à une expérience personnelle comme aux événements, aux narrations et aux images qui nous en sont présentés, mais il serait plus juste encore de juger à la fois le présent et le passé à la lumière des valeurs et des principes intemporels et universels d’une justice qui transcende les conditions de l’espace et du temps, des cultures et des époques, tout en allouant pour celles-ci et sans pourtant ignorer qu’elles puissent exercer une influence non-négligeable, sinon déterminante, sur les acteurs moraux, en ces temps et en ces lieux, en ces sociétés et en ces culturels où ils vivent, avant de statuer sur la qualité de leurs choix et des actions, ainsi que des conduites qui ont pu en résulter: le même raisonnement s’applique en ce qui concerne, autant au présent qu’au passé, les distinctions politiques — les autres pays — et culturelles — les autres peuples —.

Peut-on s’imaginer la fiction d’un peuple qui n’a pas recours aux concepts afin d’exprimer sa pensée, qui est sans identité, qui vit sans conviction fondamentale (qui est agnostique, dans le sens radical du terme), qui est anarchique, anomique, mais qui se sait cependant et qui se veut existant, n’ayant de mémoire collective que l’imaginaire qui est immédiat dans son passé, qui voit confusément la valeur de posséder une telle mémoire, mais sans savoir précisément ce qu’elle est mais qui craint qu’elle pourrait lui révéler, si elle se déployait à lui dans toute son ampleur et dans toute sa profondeur et qui, pour cette raison, est exposé à croire pour vraie la moindre fantaisie qui lui permettrait de mieux encore assurer son existence continue dont il se contenterait: c’est le peuple «sans histoire, ni littérature» du Lord Durham, le peuple de la caverne de Platon, le peuple des limbes de l’Église, des lémures des Romains, des ombres des Grecs et des fantômes des Celtes.

Dans une société fondamentalement xénophobe, soucieuse principalement de préserver son identité et sa culture, ainsi que l’ascendant moral et le prestige social de ses élites, réputées en être tout à la fois les assises, les piliers et les défenseurs, l’étranger, c’est souvent celui que l’on ruine — financièrement, socialement, moralement, culturellement et spirituellement —, souvent en croyant avoir ainsi démontré la supériorité de la culture qui l’accueille, pour l’ayant ainsi détruit, et réduit à sa merci, tenter de l’intégrer à celle-ci et aux catégories sociologiques, axiologiques, politiques et économiques qui lui sont propres, sauf pour lui à courir le risque d’avoir à assumer le rôle social d’être un exclus et d’un marginal, soit à titre individuel, soit comme membre d’une minorité ethnique et/ou d’une culture identifiable.

L’amitié est la clef, à la fois de l’épanouissement de soi dans son rapport avec autrui et d’une vie sociale harmonieuse et bienfaisante et ce message, qui est en réalité une loi de la vie politique et sociale, entendue dans son sens le plus élevé et le plus noble, moult fois transmis par les sages et les prophètes de l’humanité, au cours des âges et indépendamment des traditions culturelles respectives, est peut-être celui qui échappe le plus souvent à l’entendement théorique et pratique des hommes, dans leur quête d’une vie sociale et économique stable, sécuritaire, prospère et pacifique, peut-être en raison des fortes exigences morales qui en résultent pour chacun de ceux qui feraient la tentative de vivre cet état et d’en adopter les préceptes, le moindre desquels n’est pas l’abnégation que requiert la disposition personnelle en ce sens.

Beaucoup n’aiment la liberté qu’en raison du bien — souvent représenté en biens concrets et tangibles — qu’ils en retirent, ou qu’ils espèrent en retirer, et non en vertu de la responsabilité morale qu’elle leur confie, d’assurer que leurs actions contribuent en tout temps au bien-être de ses concitoyens, en même temps qu’au leur, conformément aux aptitudes, aux compétences, au mérite et aux efforts de chacun, comme à la qualité de son travail, aux résultats qu’ils obtient et aux bienfaits qui en résulte pour lui-même comme pour la société en général, déterminés selon une perspective globale, compréhensive, inclusive, approfondie, impartiale et libre de tout préjudice contraignant.

Ce n’est pas parce qu’une société se croit dans l’avenir qu’elle s’y trouve effectivement et qu’elle s’est extrait des limitations et des carences de son passé alors que l’esprit de la collectivité qui la constitue demeure toujours fortement ancré dans les mouvements de son histoire, tels qu’ils se sont réalisé dans un passé plus ou moins antérieur, et ne pouvant ni ne voulant la quitter, surtout lorsque celui-ci a connu des traumatismes importants et déterminants — des guerres, des révolutions, des invasions, des changements de régime, des perturbations internes majeures et des épreuves culturelles importantes —, lesquels en ont fortement ébranlé les assises axiologiques et les points de repères moraux et peut-être même l’ont condamnée à vivre avec une mémoire officielle escamotée, dont un gros pan des souvenirs qu’elle contient a été oblitéré par l’oubli qu’une douleur trop puissante lui a imposé, mais qui néanmoins continue à exercer de son influence sur la conduite actuelle de chacun de ses membres.

Le danger le plus important que court la société occidentale actuelle est celle de l’anonymisation et de l’aliénation de ses membres, qui est la conséquence directe de la technologie de l’information, alors qu’elle réduit au statut de label, interchangeable avec l’identifiant alpha-numérique, le nom des individus qui avait auparavant pour fonction d’en représenter la singularité subjective et la particularité substantielle, et de la mécanisation de l’existence, qui impose à l’individu raisonnable et autonome des habitudes et des comportements qui répondent exclusivement aux nécessités de l’usage d’une technologie, pensée en vue d’une fin utile et définie par le concepteur de l’engin comme servant à la réaliser, sans égard parfois pour les conséquence éventuelles qu’elle comportera réellement pour l’environnement naturel et vivant de la société, lesquelles souvent sont dictées par les limitations de l’outil lui-même ainsi que par celle de ses inventeurs, dont la science et l’expertise ne sont pas suffisantes à garantir l’innocuité de son appareil, autant pour ses opérateurs que pour l’ensemble de la population, indépendamment des bénéfices réels qui pourront résulter de son emploi.

On peut travestir l’amour intentionnellement ou inconsciemment: ceux qui l’adultèrent de la première manière, par désir de l’outrager, peuvent certes l’offenser, l’insulter, l’avilir, l’injurier et le blesser, ils ne parviendront nullement à la diminuer, ni lui enlever quelque valeur ou importance: au contraire, ils en illustrent toute la beauté et la sublimité par la noblesse dans la souffrance que témoigne celui qui vit effectivement et actuellement par son principe, lorsqu’il est éprouvé de le faire; quant à l’affront qui est inconsciemment porté à l’amour, il ne servira qu’à illustrer, par l’exemplarité de la victime, toute l’absurdité du traitement qui lui est infligé et peut-être même édifier l’âme des bourreaux et provoquer l’éveil de leur esprit, par l’équanimité et la sérénité que celle-là exprime, face à ceux qui sont d’un commerce aussi injuste avec elle.

La question de la relation entre le fait et le droit est le problème juridique fondamental, non seulement en ce qui concerne les situations actuelles, mais aussi dans la formation, l’application, l’évolution et la perfection du droit qui doit toujours composer avec le fait à chaque moment de sa vie dans l’histoire et dans la civilisation qui en cultive l’action.

En raison d’un défaut du souvenir, dont la cause reste toujours à être découverte, l’hystérisme se caractérise par une ignorance inconsciente — refoulée diront certains, et par ailleurs susceptibles d’opposer une résistance à leur anamnèse  — des conditionnements produits par les expériences du passé sur les conduites actuelles et, en raison de cette atrophie du souvenir, de la prédisposition et de la détermination qu’ils opèrent sur les attitudes habituelles de la personne qu’elle tient sous son voile opaque.

Une réflexion critique sur l’actualité demeure une réflexion sur un monde qui évolue et les interprétations qui en sont issues tendent à s’inscrire à l’intérieur de ce mouvement et confirmer, affirmer ou infirmer les valeurs qui en apporteront l’issue la plus favorable , telle que les conceptions, les croyances, les valeurs permettront de l’entrevoir: ce n’est que lorsque l’actualité est révolue, qu’elle peut se désigner être l’histoire, que son évaluation peut s’accomplir de manière plus détachée, mais cette fois-ci à la lumière des conceptions, des croyances et des valeurs plus universelles, spécifiées cependant par la culture dont elle est issue et la tradition et la culture qui en forme le cadre épistémologique et idéologique.

La vertu et le vice se concevant plus aisément lorsqu’il s’agit de les définir dans leur essence, mais la tâche la plus difficile consiste à les identifier, agissants, en chaque personne individuellement, alors que le vice, afin de mieux réaliser son efficace corrupteur, se pare très souvent des atours de la respectabilité — en hommage sûrement à la valeur intrinsèque indéniable de la vertu à laquelle elle reconnaît une antériorité, une priorité et une primauté —, tout en demeurant foncièrement mauvais et maléfique (v.g. le vicomte Valmont dans Les Liaisons dangereuses) et que la vertu, parfois et peut-être souvent exposée, hélas !, à la corruption avant même qu’elle ait pu se connaître, et développant inconsciemment des habitudes qui correspondent à cet avilissement, parfois même à l’insu du principal intéressé, n’est visiblement présente que chez les âmes qui, en raison de leur clairvoyance et de leur perspicacité, ont eu la bonne fortune de la conserver et la capacité infuse d’en connaître la présence et la valeur pour elle.

Si ce n’est déjà fait, la sociologie devrait porter une attention particulière aux détournements de la parole, tels que la médisance, la calomnie et les jugements téméraires et hâtifs, autant d’actes verbaux ad hominem, souvent fondés sur des préjugés individuels, familiaux, de classe et culturels, ainsi que leur formes dérivées formelles, telles les allégations judiciaires, les imputations médiatiques et les diagnostics médicaux, ou informelles, telles les caractérisations infamantes et les analyses dérogatoires, utilisées dans l’opération des mécanismes sociologiques ou politiques du contrôle social et dans l’attribution des biens sociaux, les récompenses et les titres, garants du prestige social et moral.

L’on oublie trop souvent que l’ignorance, au plan de la connaissance, et de l’inexpérience, à celui de la pratique, sont des formes de l’inconscience, même chez les personnes douées de la meilleure des volontés au monde, et qu’elles peuvent concourir à promouvoir et à maintenir l’injustice sociale, d’où le rôle important, dans la vie de la culture et de la société, de l’éducation et de la supervision, aptes à compenser l’une et l’autre déficience, dans le perfectionnement professionnel d’un individu.

Le caractère inévitable de l’erreur et de la faute, qui sont susceptibles d’être commises en raison de l’imperfection et de la perfectibilité de la nature humaine — l’une et l’autre étant un aspect complémentaire de la réalité de l’homme —, n’est pas exclusif, cela étant, du devoir que chaque personne et, le cas échéant, chaque organisation ont d’en reconnaître la présence, d’en réparer les conséquences délétères, d’amender les dispositions et les actions qui ont pu entraîner leur occurrence et de compenser, dans la mesure du possible et en autant où cela tient de son ressort, les inconvénients et les préjudices subis par les individus qui en furent les victimes.

La conception inadéquate qu’autrui entretient au sujet de soi-même, qu’elle soit incomplète ou erronée, qu’elle se fonde sur la simple ignorance ou sur la malice qualifiée, plutôt que sur la bienveillance et la mansuétude, le préjugé individuel ou la perspective issue de la mentalité familiale ou culturelle — une forme de l’ignorance qui s’ignore —, peut devenir une prison sur la personne, surtout lorsqu’elle se recrute l’aval d’une autorité extérieure, ou qu’elle procède directement de celle-ci, laquelle utilisera les moyens sociaux et politiques à sa disposition afin de la réaliser concrètement.

La vertu et le vice se conçoivent plus aisément lorsqu’il s’agit de les définir dans leur essence, mais la tâche la plus ardue consiste à les identifier agissants en la personne individuelle, alors que le vice, afin de mieux encore réaliser son efficace corrupteur, se pare des atours de la respectabilité, tout en demeurant pervers et maléfiques (v.g. le vicomte Valmont dans le roman épistolaire Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos) et que la vertu, souvent même exposée aux tentatives avilissantes de la corruption avant même qu’elle ait pu se connaître, et développer une conscience d’elle-même, et développant inconsciemment, à l’insu du principal intéressé, des habitudes faussées qui correspondent à ce détournement, n’est ostensiblement présente que chez les âmes qui, en raison de la force de leur disposition intérieure, de leur clairvoyance et de leur perspicacité, appuyées en cela par un entourage vigilant, ont la capacité infuse et la bonne fortune de la reconnaître et d’échapper à leurs pièges.

Qu’ils soient fondés sur les fins de la raison, sur les sentiments du cœur ou sur les inclinations des sens, les motifs qui fondent les relations amoureuses, transitoires et plus ou moins éphémères, mirent et reproduisent ceux qui président à la formation des couples qui est plus durable et plus stable, ou qui a toutes les apparences de l’être, les réunissant à des degrés divers, séparément ou en combinaison, et selon un ordre de priorité qui variera d’un couple à l’autre.

La plus haute mission de l’homme, comme de la femme, consiste à réaliser la vie, ce qui signifie non seulement fonder une famille, mais aussi définir  les conditions, tant matérielles que culturelles, sociales, politiques et spirituelles de sa préservation et de son accomplissement, autant dans son aspect individuel des personnes que dans la dimension collective des ethnies, des sociétés et des États — un projet ambitieux, s’il n’en est —, puisqu’il implique de surmonter l’égoïsme et de fonder les relations, autant commerciales, financières, politiques, économiques que sociales et inter-personnelles, sur la justice et le droit qui en font la promotion, dans la reconnaissance mutuelle et l’interdépendance des rapports, que caractérise l’émulation des qualités et des vertus des individus qui les entretiennent.

Le problème de la quadrature du cercle est né de la volonté de résoudre le dilemme, apparemment insoluble, que pose à l’infini l’action, soit d’enclore le carré dans le cercle, soit d’inclure le cercle dans le carré, alors que le premier argument appelle l’autre dans la raison, selon un mouvement dialectique qui fait intervenir la préférence de l’un des deux arguments sur l’autre et de la valeur symbolique qu’ils peuvent éventuellement représenter.

L’ignorance est un mur impénétrable, opposé par le savoir, ou à pénétrabilité variable, selon l’importance de la disposition à l’erreur, un obstacle contre lequel se heurte l’esprit de vérité dans sa tentative d’examiner toutes les sciences traditionnelles éventuelles qui prétendent y conduire et en énoncer les matières, ou encore de partager avec ses semblables celles qui lui sont devenues évidentes, à l’occasion d’une recherche pondérée et sérieuse: cette barrière devient osmotique lorsque la vérité énoncée semble plausible et apte à se réconcilier avec les connaissances acquises ainsi que l’épistémè ambiante qui prévaut, méritant par conséquent un examen approfondi afin d’évaluer, non seulement sa recevabilité, en vertu de respecter le critère de la vérité pleine et entière, adéquatement conçue, autant dans sa profondeur que dans sa compréhension, mais encore les conséquences éventuelles, aptes à être produites sur la stabilité de l’ordre social et politique sur lequel repose le trésor des idées préalablement reçues et cautionnées par l’autorité épistémologique de la culture.

S’il existe un devoir de mémoire, c’est qu’il existe également une disposition à oublier jusqu’aux souvenirs marquants et significatifs pour une collectivité, comme singulièrement pour les individus: ceci constitue également un aspect de l’ignorance qui, lorsqu’il est associé aux sentiments de la honte, de l’humiliation, du remords ou de la culpabilité, peut alors devenir un mobile de l’oubli, lorsqu’il est intentionnel, ou du refoulement, lorsque les raisons de cet offusquement trouvent leur racine dans l’inconscient.

Le mythe est un narratif rassembleur des consciences et des esprits en fonction de l’impression laissée sur l’imagination et qui renvoie à une légende porteuse d’une moralité implicite au contenu de son thème et susceptible d’édifier ceux qui sont exposés à sa substance, en fonction d’une interprétation qui fournit une construction dans l’imaginaire collectif qui est plus ou moins explicite; l’histoire est également un narratif qui est rassembleur des consciences et des esprits en fonction de la structuration des faits rapportés ainsi que de leur enchaînement dans le temps, constituant un tout événementiel et porteur d’une moralité, susceptible d’édifier les individus qui en prennent connaissance, dans l’explicitation qu’ils en feront en fonction d’une doctrine juridique et/ou philosophique qui serviront à constituer, en régler et en former la vie collective.

Le devoir est au droit comme l’action est à la pensée et c’est la justice qui est au cœur de l’intelligence qui les inspire et de la volonté qui les réalise.

C’est une stratégie politique que celle de gouverner en exigeant de ses charges qu’ils agissent conformément à un idéal et aux standards qui en découlent alors que le gouvernant lui-même n’a jamais eu l’intention de les adopter, ni de les réaliser dans l’actualité, mais alors l’esprit serait légitimé à se demander, au nom du bien qui serait censé résulter d’une telle approche, quelle pourrait en être la valeur morale essentielle et réelle.

Toute action se fonde sur une dialectique du cœur et de l’esprit, celui-ci énonçant le possible alors que celui-là appréhende le désirable, et par conséquent engage à la fois lucidité de la faculté intellectuelle et la bonté de la faculté morale et trouve sa résolution dans une action utile, c’est-à-dire à la fois belle et vraie, en d’autres mots authentique, à la fois inspirante pour l’esprit et édifiante pour le cœur.

Il est commode de juger le présent en évoquant les valeurs du passé et de juger des valeurs du passé d’après les valeurs du présent, surtout en découvrant un avantage certain à recourir, tantôt au présentisme et tantôt au passéisme, surtout en omettant de considérer que l’un et l’autre représentent une interprétation et une construction de l’imaginaire conceptuel, susceptibles de saisir adéquate l’essence du présent ou du passé en recourant à une expérience personnelle comme aux événements, aux narrations et aux images qui nous en sont présentés, mais il serait plus juste encore de juger à la fois le présent et le passé à la lumière des valeurs et des principes intemporels et universels d’une justice qui transcende les conditions de l’espace et du temps, des cultures et des époques, tout en allouant pour celles-ci et sans pourtant ignorer qu’elles puissent exercer une influence non-négligeable, sinon déterminante, sur les acteurs moraux, en ces temps et en ces lieux, en ces sociétés et en ces culturels où ils vivent, avant de statuer sur la qualité de leurs choix et des actions, ainsi que des conduites qui ont pu en résulter: le même raisonnement s’applique en ce qui concerne, autant au présent qu’au passé, les distinctions politiques — les autres pays — et culturelles — les autres peuples —.

Peut-on s’imaginer la fiction d’un peuple qui n’a pas recours aux concepts afin d’exprimer sa pensée, qui est sans identité, qui vit sans conviction fondamentale (qui est agnostique, dans le sens radical du terme), qui est anarchique, anomique, mais qui se sait cependant et qui se veut existant, n’ayant de mémoire collective que l’imaginaire qui est immédiat dans son passé, qui voit confusément la valeur de posséder une telle mémoire, mais sans savoir précisément ce qu’elle est mais qui craint qu’elle pourrait lui révéler, si elle se déployait à lui dans toute son ampleur et dans toute sa profondeur et qui, pour cette raison, est exposé à croire pour vraie la moindre fantaisie qui lui permettrait de mieux encore assurer son existence continue dont il se contenterait: c’est le peuple «sans histoire, ni littérature» du Lord Durham, le peuple de la caverne de Platon, le peuple des limbes de l’Église, des lémures des Romains, des ombres des Grecs et des fantômes des Celtes.

Dans une société fondamentalement xénophobe, soucieuse principalement de préserver son identité et sa culture, ainsi que l’ascendant moral et le prestige social de ses élites, réputées en être tout à la fois les assises, les piliers et les défenseurs, l’étranger, c’est souvent celui que l’on ruine — financièrement, socialement, moralement, culturellement et spirituellement —, souvent en croyant avoir ainsi démontré la supériorité de la culture qui l’accueille, pour l’ayant ainsi détruit, et réduit à sa merci, tenter de l’intégrer à celle-ci et aux catégories sociologiques, axiologiques, politiques et économiques qui lui sont propres, sauf pour lui à courir le risque d’avoir à assumer le rôle social d’être un exclus et d’un marginal, soit à titre individuel, soit comme membre d’une minorité ethnique et/ou d’une culture identifiable.

L’amitié est la clef, à la fois de l’épanouissement de soi dans son rapport avec autrui et d’une vie sociale harmonieuse et bienfaisante et ce message, qui est en réalité une loi de la vie politique et sociale, entendue dans son sens le plus élevé et le plus noble, moult fois transmis par les sages et les prophètes de l’humanité, au cours des âges et indépendamment des traditions culturelles respectives, est peut-être celui qui échappe le plus souvent à l’entendement théorique et pratique des hommes, dans leur quête d’une vie sociale et économique stable, sécuritaire, prospère et pacifique, peut-être en raison des fortes exigences morales qui en résultent pour chacun de ceux qui feraient la tentative de vivre cet état et d’en adopter les préceptes, le moindre desquels n’est pas l’abnégation que requiert la disposition personnelle en ce sens.

Beaucoup n’aiment la liberté qu’en raison du bien — souvent représenté en biens concrets et tangibles — qu’ils en retirent, ou qu’ils espèrent en retirer, et non en vertu de la responsabilité morale qu’elle leur confie, d’assurer que leurs actions contribuent en tout temps au bien-être de ses concitoyens, en même temps qu’au leur, conformément aux aptitudes, aux compétences, au mérite et aux efforts de chacun, comme à la qualité de son travail, aux résultats qu’ils obtient et aux bienfaits qui en résulte pour lui-même comme pour la société en général, déterminés selon une perspective globale, compréhensive, inclusive, approfondie, impartiale et libre de tout préjudice contraignant.

Ce n’est pas parce qu’une société se croit dans l’avenir qu’elle s’y trouve effectivement et qu’elle s’est extrait des limitations et des carences de son passé alors que l’esprit de la collectivité qui la constitue demeure toujours fortement ancré dans les mouvements de son histoire, tels qu’ils se sont réalisé dans un passé plus ou moins antérieur, et ne pouvant ni ne voulant la quitter, surtout lorsque celui-ci a connu des traumatismes importants et déterminants — des guerres, des révolutions, des invasions, des changements de régime, des perturbations internes majeures et des épreuves culturelles importantes —, lesquels en ont fortement ébranlé les assises axiologiques et les points de repères moraux et peut-être même l’ont condamnée à vivre avec une mémoire officielle escamotée, dont un gros pan des souvenirs qu’elle contient a été oblitéré par l’oubli qu’une douleur trop puissante lui a imposé, mais qui néanmoins continue à exercer de son influence sur la conduite actuelle de chacun de ses membres.

Le danger le plus important que court la société occidentale actuelle est celle de l’anonymisation et de l’aliénation de ses membres, qui est la conséquence directe de la technologie de l’information, alors qu’elle réduit au statut de label, interchangeable avec l’identifiant alpha-numérique, le nom des individus qui avait auparavant pour fonction d’en représenter la singularité subjective et la particularité substantielle, et de la mécanisation de l’existence, qui impose à l’individu raisonnable et autonome des habitudes et des comportements qui répondent exclusivement aux nécessités de l’usage d’une technologie, pensée en vue d’une fin utile et définie par le concepteur de l’engin comme servant à la réaliser, sans égard parfois pour les conséquence éventuelles qu’elle comportera réellement pour l’environnement naturel et vivant de la société, lesquelles souvent sont dictées par les limitations de l’outil lui-même ainsi que par celle de ses inventeurs, dont la science et l’expertise ne sont pas suffisantes à garantir l’innocuité de son appareil, autant pour ses opérateurs que pour l’ensemble de la population, indépendamment des bénéfices réels qui pourront résulter de son emploi.

On peut travestir l’amour intentionnellement ou inconsciemment: ceux qui l’adultèrent de la première manière, par désir de l’outrager, peuvent certes l’offenser, l’insulter, l’avilir, l’injurier et le blesser, ils ne parviendront nullement à la diminuer, ni lui enlever quelque valeur ou importance: au contraire, ils en illustrent toute la beauté et la sublimité par la noblesse dans la souffrance que témoigne celui qui vit effectivement et actuellement par son principe, lorsqu’il est éprouvé de le faire; quant à l’affront qui est inconsciemment porté à l’amour, il ne servira qu’à illustrer, par l’exemplarité de la victime, toute l’absurdité du traitement qui lui est infligé et peut-être même édifier l’âme des bourreaux et provoquer l’éveil de leur esprit, par l’équanimité et la sérénité que celle-là exprime, face à ceux qui sont d’un commerce aussi injuste avec elle.

Puisque le mystère de la vie est si immense et, dans ses plus grandes profondeurs, inaccessible et impénétrable à la conscience et à la raison humaine, celle-ci étant par définition limitée par sa nature finie à pouvoir saisir et comprendre uniquement ce qui est propre à l’amalgame d’un esprit incarné et d’une nature spiritualisée, à plus forte raison le serait-il pour le mystère de l’homme et de la femme par qui il se manifeste et prend racine, et encore plus celui de l’Être qui en est la source, la raison d’être, la manifestation et l’expression par excellence.

La mauvaise foi la pire est celle qui se donne le visage de la bonne foi et qui parvient à se convaincre que cette posture artificielle, en réalité une imposture, représente l’expression authentique de soi, d’où l’appellation de comédie qui est souvent attribuée à ce penchant à la déception dont vient renforcer l’efficace l’auto-déception qui l’accompagne; et lorsque c’est l’ensemble de l’âme collective qui se laisse entraîner par un tel subterfuge, cela fait place à une panoplie de drames sociaux et de tragédies collectives qui ne sont, en définitive, que l’expression de l’exacerbation d’une tendance qui s’est généralisée, souvent au nom de la survivance de la société et de la culture, mais sans être véritablement au service de celles-ci.

Lorsque l’on croit à l’action providentielle dans la formation d’un couple, le plus grand souhait devient alors que chacun des amants qui sont destinés à se rencontrer aient la grâce et la sagesse de se reconnaître l’un et l’autre comme étant le complément attendu, l’effet bienfaisant de la puissance surnaturelle qui les convie à vivre ensemble la force de leur amour.

Dans le ciel des valeurs primordiales, et en accompagnement de la lutte interminable qui oppose la Mal au Bien et la Mort à la Vie, Ploutos en est venu, par une série d’actes révolutionnaires conformes à sa nature matérialiste, à se substituer à Eros dans le cœur des hommes et à se constituer, à leur insu, l’objet prioritaire de leurs affections.

La nouveauté que perpétuellement l’on demande à l’imagination de présenter — et qui se définit le plus souvent par comparaison à ce que cette faculté a pu avoir produit antérieurement, en réponse à l’exigence de nouveauté que l’on effectuait alors sur elle, peut en réalité n’être qu’une fuite en avant, en ce qu’elle permet d’ignorer combien futile fut en réalité cet exercice, n’ayant jamais servi à inspirer le désir réel de voir cette créativité se répercuter sur un réel concret, par crainte des changements qui pourraient effectivement en résulter et de l’exigence d’adaptation qui en procéderaient consécutivement pour la population, en s’opposant ainsi à une inertie présente en celle-ci, à l’habitude de ne jamais varier dans la présence et la quantité de l’effort qu’elle est prête à illustrer et peut-être aussi à une complaisance dans la mentalité de ses membres, par ailleurs confiants en l’excellence satisfaisante de leur état actuel, sans que l’on ne pressente aucune utilité, ni désirabilité, ni éventuellement de possibilité pour elle de recevoir quelque amélioration que ce soit, et convaincus de l’invariabilité inhérente à sa permanence, car croit-on, tout sera demain comme ce qui fut hier, comme en témoigne et en atteste la stabilité du présent, mais seulement en apparence, car c’est une illusion de prétendre que ce qui est sera toujours tel que l’on sait.

Lorsque le pouvoir devient sa propre raison d’être et sa propre loi, son exercice devient par définition amoral puisque, n’étant plus gouverné par l’intelligence et en appréhende la source et les virtualités, ni par la raison qui en définit et en spécifie la fin, il n’est plus que la manifestation d»’un instinct aveugle qui ne trouve aucune justification adéquate en dehors de son existence même, ni aucune légitimité ailleurs que dans la conscience qu’il en possède ainsi que du désir et de la volonté de la protéger à tout prix.

Le rapport intellectuel entre la philosophie et l’histoire est non seulement intéressant à étudier, mais encore il est nécessaire de l’effectuer: car si la philosophie, dans sa recherche de la vérité et de l’essence des choses, est appelée à transformer l’histoire, sinon immédiatement, du moins éventuellement, par l’influence qu’opéreront ses thèses brillamment conçues, illustrées et exprimées, sur l’esprit des acteurs politiques qui en prennent connaissance et qui s’en inspirent, et par conséquent sur le cours de l’histoire, en orientant les choix et en éclairant les décisions, il serait bon pour la philosophie de savoir alors quelle est la nature de cette influence et quels actions comme quels événements formateurs ont pu en découler et une telle connaissance suppose nécessairement celle que procure la science historique qui, elle, s’intéresserait aux événements et à leurs causes, autant géographiques que sociologiques et morales, lesquelles incluront alors la pensée des acteurs historiques et de ceux qui ont participé et contribué à la former.

Chacun est en faveur du changement, en vue d’une amélioration bien sûr, mais pourvu qu’il n’en résulte pour lui que des inconvénients mineurs.

Une conscience erronée ou égarée peut, en falsifiant son propos ou son sens profond, faire mentir le mythe, mais pour qui sait en pénétrer le sens, cette forme de la pensée ne saurait mentir.

L’intelligence transforme ce que sait la conscience — les intuitions qui procèdent de l’imagination et les notions qu’elle acquiert et qui l’habitent — en connaissance — les idées —, comme la raison transforme la connaissance en enseignements — les concepts — aptes à influer les consciences qui, par les mécanismes de la communication, sont exposées à les recevoir et les intérioriser.

Le génie de Freud est indéniable, lui qui a simplifié la compréhension de l’essence de la psuchè humaine, et qui sait, de la psuchè en général, en ramenant celle-ci à trois éléments principaux: l’inconscient du corps et de ses instincts primaires, y compris de ses mémoires et de ses souvenirs antérieurs, qui répondent aux pressions naturelles du milieu de manière réactive, c’est-à-dire conditionnée par les expériences accumulées au cours d’une longue histoire phylogénique; l’ordre des nécessités et des obligations, résultant des normes et des valeurs de la collectivité, érigés en principes tantôt contraignants et tantôt incitatifs, issus du travail structurant et ancestral de l’organisation sociale et de ses institutions et résumant les acquis intellectuels et axiologiques de la culture; et l’intelligence consciente des individus, agissant seuls ou ensemble, et illustrant leur capacité d’adaptation, de croissance, de progression et d’accomplissement de leurs virtualités humaines, situées à l’intersection de l’animalité et de la spiritualité humaine et conjuguant ces natures entre elles et avec les nécessités et les possibilités du milieu naturel, en réconciliant les premières et en réalisant les secondes, conformément aux obligation et aux directions formées par le milieu social et culturel et de la sorte illustrant, dans la somme des conduites et des actions produites, parfois consciemment et parfois spontanément, l’histoire ontogénique de son individualité et de sa personne.§ Là où la pensée freudienne s’est montrée défectueuse, c’est dans son refus ou dans son incapacité d’accréditer les thèses de son collaborateur Jung qui, en reconnaissant que l’effort de civilisation de l’humanité qui existait en elle comme une entéléchie, depuis le tout début de son parcours historique, trouvait sa contrepartie dans un genre de mémoire culturelle qui était le gardien de cette tension inhérente à l’esprit générique et à l’âme collective de l’espèce humaine et dont les formes étaient informatives et formatrices des consciences individuelles, parfois sinon souvent à leur insu, et qu’elles décrivaient non seulement le contenu de la seconde catégorie freudienne, celle du surmoi, mais aussi la force et la direction de son mouvement dont l’appréhension, par un acte de prise de conscience, pouvait servir à façonner, autant les conduites et les actions particulières, que les valeurs et les normes collectifs, en fonction d’idéaux désirables et bienfaisants, que même, le tempérament et la constitution de l’espèce elle-même, sur un temps anthropologique et culturel suffisamment étendu, et jusqu’aux fonctions biologiques, morphologiques, anatomiques et physiologiques qui fondent ceux-ci, sur un temps géologique encore plus vaste.

[2024-01-15]

Définir le vrai par le raisonnable, c’est réduire l’essence de la vérité à ce que l’intelligence peut en comprendre et ce que l’on peut exprimer d’elle : c’est donc ne laisser aucune place à l’incompréhensible du mystère et à l’inexplicabilité de l’inénarrable; c’est en plus affirmer que tout ce qui est intelligible peut se rendre en termes de concepts alors que les images sont aussi des moyens par lesquelles se communique la réalité alors que leur contenu est souvent intraduisible en des termes langagiers.

Tels sont ceux qui produisent le non-être et qui ensuite souffriront, sans s’interroger pourquoi ? ni même le regretter, de ce que leur vie soit empreinte du non-être qu’ils ont eux-mêmes produit.

La liberté est un terreau fertile en lequel peuvent croître toutes les espèces des plantes, des plus belles aux plus laides, des plus utiles aux plus nuisibles, des plus bénéfiques aux plus vénéneuses, des plus délicieuses et nourrissantes aux plus indigestes et amères et il conviendra ensuite de déterminer lesquelles l’on récolte et l’on conserve et lesquelles l’on coupe et on brûle.

L’on propose qu’elle réalise une perfection de la qualité qu’il n’entre pas dans sa nature d’accomplir pour ensuite lui reprocher d’avoir actuellement accompli celle que réellement l’inclinait à concrétiser ses propensions naturelles et intrinsèques, innées car héritées à la naissance, si bienfaisantes fussent-elles.

Pour les générations ‘actualistes’ ou ‘présentistes’, c’est-à-dire les générations qui se contentent de considérer la réalité sous le regard du présent exclusivement, sans s’interroger sur les conditions qui, dans le temps, ont prédisposé à ce qu’elle se développe ainsi qu’elle le fait, ni sur les mesures qu’elles peuvent mettre en œuvre, afin d’assurer l’amélioration de la conjoncture, que constituent celles qui se sont réalisées effectivement et qui en réalisent la chaîne et la trame, ce qui a été accompli ne mérite aucune gratitude, puisque tout ce qui existe pour eux est reçu comme étant un donné sur lequel édifier ce qui peut et doit en procéder, alors que seul ce qu’il reste à accomplir de l’instant présente mérite l’énergie que l’on doit employer à le réaliser, le loisir devant servir à le renouveler.

Tels sont ceux dont les actions trahissent une bassesse et une ignominie innommables, une vilenie et une ignobilité inimaginables et qui, pour toute justification, n’offrent qu’un «sans rancune («no hard feelings») ou un «rien de personnel» («nothing personal») insensibles et indifférents, comme si leur action devenait le critère implicite de la valeur de celle-ci, sans qu’ils n’aient à en rendre compte à qui que ce soit, ni même à eux-mêmes.

Vaut-il mieux être pur et innocent et ne pas le paraître, en raison de forfanteries et de calomnies qui en occultent le caractère manifeste, ou de paraître pur et innocent, sans l’être intérieurement et réellement, en raison d’une habileté à feindre la chose, en jouant auprès de ses semblables une comédie trompeuse.

Non seulement les régimes politiques subséquents fondent-ils leurs actions sur les réalisations de ceux qui les ont précédés, bienfaisantes lorsqu’elles sont au service du salut et de la pérennité de l’ensemble, ce qui ne saurait s’effectuer sans considération des individualités qui le constituent, pour éventuellement leur apporter les modifications nécessaires et, ainsi, les amélioration, en fonction d’un critère de perfection certain et incontestable, mais encore sont-ils appelés à juger de la valeur des actions posées par leurs prédécesseurs, les louanger et les blâmer selon le cas, et adjuger de la moralité de la disposition qui les a instaurées.

Un conservatisme, sans volonté de transformation et donc d’amélioration, c’est de l’immobilisme; un libéralisme, sans reconnaissance de la valeur des conceptions établies afin d’assurer une transition continue et progressive vers l’avenir, c’est de l’‘aventurisme’.

La sentence «ni Dieu, ni maître» du monde politique, qui est devenu le mot d’ordre des anarchistes, trouve son écho, à l’intérieur du monde religieux, avec le «ni Dieu, ni diable» des athéistes: or, en niant Dieu, l’on refuse à toute dorme d’idéal un fondement spirituel et métaphysique réel, puisque seul un Être suprême, transcendant à toute réalité, peut en constituer l’assise; et, en niant Satan, l’on soustrait le mal à toute forme de limite puisque l’absence du bien, de quelque degré que ce soit, qui est implicite à ce concept, en vertu de la subordination de Satan à Dieu, comme d’un être supérieur à un Être qui lui est infiniment supérieur, et cela de manière irrévocable: la négation de plus en plus radicale de Dieu devient alors une fin en soi à laquelle l’on ne saurait opposer ni concept de péché — la dérogation au principe émanant d’une Essence suprême, celui de la Bonté consommée —, ni concept de crime — le refus de toute limite comme étant l’expression d’un arbitraire qui serait irrecevable, en définition et en principe, puisque ne reconnaissant aucune autorité qui puisse le justifier et l’ordonner.

Comment peut-on deviner ce que veut une personne lorsqu’elle-même ignore tout de son désir ou que, au mieux, celui-ci lui apparaît comme étant un sentiment vague et diffus ?

Une conception morale purement rationaliste de la réalité, par laquelle la conscience conçoit le bien uniquement en termes idéels et qu’elle juge ses instances exclusivement en fonction d’un critère idéal comporte au mieux le risque d’endormir le désir et au pire celui de la détruire, en ce qu’il nie la tension et la connaissance implicites de celui-ci, fondées sur l’expérience qui permette à l’intelligence de le découvrir, l’intuition qu’elle en possède implicitement au plan de la subjectivité, la conscience qu’elle forme et qu’elle acquiert de son authenticité et l’inspiration qui en insuffle mystérieusement la bonté ou, au contraire, avertit de sa méchanceté, lorsque son impression surgit spontanément en elle.

Si l’on accrédite, dans son essence, la théorie des Idées de Platon, lorsqu’elle énonce que les idées sont des formes éternelles dont les expressions sensibles ne sont que des représentations, limitées, imparfaites et incomplètes, si l’on associe à celle-là la théorie de la réminiscence, par laquelle tout savoir est une anamnèse, un rappel au souvenir et à la conscience de ces idées, profondément enfouies dans la mémoire de l’homme, de l’humanité dont chaque individu est une émanation particulière, alors la question de Montaigne — que sais-je ? — prend tout son sens.

Le principe de cohésion, ou de solidarité, en ce qui concerne les groupements humains, est un principe universel, commun à toutes les espèces de corps, et caractérise leur unité, quelle que soit la qualité de la matière qui les constitue: ainsi, autant la poussière la plus infinie que l’astre le plus monumental, ne sauraient perdurer en l’absence de l’efficace de ce principe, comme c’est également le cas pour la matière la plus vile — un corps en état de putréfaction — comme la substance la plus noble — un animal de compagnie «adorable», un monsieur admirable ou une dame honorable —.

S’il existe bien la polarité de l’accompli et de l’inaccompli, comme l’affirme A. de Souzenelle, cela ne signifie pas pour autant que le monde en lequel ils sont présents est statique, ni que le passage de l’inaccompli vers l’accompli se fait spontanément, sans influence extérieure qui puisse la favoriser, soit l’entraver ou l’empêcher, d’où vient que les notions de bien et de mal, qui sont des idées issues de celle de la liberté — autrement, il serait absurde d’évoquer la conception, soit du bien, soit du mal, plutôt qu’un état adventice qui soit indifférent à l’une de ces catégories qui n’en seraient plus d’une appréciation esthétique — et qui consistent alors à identifier ce qui, étant issu de la liberté, produit ou favorise cet accomplissement — le bien de la chose accomplie en tant qu’elle réalise la bonté de sa destination, telle qu’elle est voulue et désirée par une conscience bienfaisante — ou, au contraire, l’entrave, l’empêche, la conserve et la maintient — avec les conséquences négatives, qui peuvent résulter d’une telle action et qui sont éventuellement issues de l’intention malveillante d’une conscience malfaisante —.

Lorsque l’essentiel — autant par son origine, sa finalité et sa forme substantielle — apparaît clairement à l’esprit, à la fois dans sa simplicité et sa grandeur, comment alors se laisser distraire par ce qui en prend l’apparence et se laisse attirer par les fausses promesses que ses substituts et ses ersatz énoncent afin de se rendre intéressants aux âmes trop facilement séduites, abusées et éconduites par les atours de sa vacuité.

Dans un État formellement traditionnel et rigoureusement conservateur, tout changement est suspect a priori et ceux qui s’en constituent les avocats sont considérés dès le départ au mieux, comme étant erronés et, au pire, comme étant des révolutionnaires de sorte que ceux qui, ayant préconisé un changement de perspective et proposé des transformations et des mesures qui, après une juste considération, se sont avérées intelligentes et salutaires, plutôt qu’en être félicités, se voient accordés «une seconde chance», le malheur c’est d’avoir alors trop souvent raison, car ce que l’on gagne en satisfaction d’avoir vu juste et agi conséquemment, l’on perd en usure, résultant d’avoir osé braver le consensus déplorable, que rarement le crédit et la gratitude témoignés par la suite ne viennent compenser, puisque la sclérose des systèmes se fonde presque toujours sur le désir de maintenir ses privilèges et le sentiment de supériorité qui fonde cette prétention, avec l’orgueil et la nécessaire suffisance qui accompagne ces attitudes malheureuses.

Prendre l’avance, et accuser l’adversaire du crime dont on se sent coupable est une des premières tactiques défensives utilisées afin de se disculper et d’éviter l’accusation légitime qui pourrait autrement être portée contre soi.

S’il est vrai que l’on ne peut parler que de ce que l’on connaît, il est également vrai que l’on ne peut agir que d’après ce que l’on sait.

La cruauté est une disposition à faire gratuitement souffrir autrui pour le plaisir que cela procure d’agir ainsi à sa guise, et non pas accidentellement, en raison d’une inconscience ou d’une incapacité à prévoir les conséquences qui mènent à cette souffrance, souvent encouragées par un sentiment exagéré de son importance ou par le sentiment d’une impunité procédant d’une position sociale élevée, une de ces conditions n’excluant nullement l’autre.

Il est aisé de comprendre, lorsque l’on possède l’intelligence qui nous permette de le faire et l’ouverture d’esprit requise afin de capter les signes qui révèlent les sens des événements et des situations qui l’orientent en ce sens, mais plus difficile encore est-il de posséder la sagesse qui autorise à reconnaître le perfectionnement de soi, du monde, de la société et de la culture qui doit en résulter ainsi que le courage et la résolution afin de les réaliser dans l’action, et par elle, d’une agence à la fois inventive et bienveillante.

La sexualité est bel et bien un aspect intégral de l’amour, en tant qu’elle en découle et qu’elle en est l’expression, mais elle n’en est pas le tout, puisqu’elle n’en épuise pas la spiritualité: par conséquent, elle ne doit pas en sacrifier l’essence et le sens, au nom du plaisir qui résulte de cette activité, si raffiné et si sublime fût-il, sauf à les adultérer.

Le complexe d’Œdipe est très mal nommé puisque la mort du père, imputé à Œdipe, n’implique pour celui-ci aucune haine ou jalousie à l’endroit de la victime, comme les nuptiales du héros avec sa mère ne présument d’aucune rivalité avec le père, et l’amour qui a pu naître entre, afin d’expliquer cet hymen ne provenait d’aucune proximité enfantine avec la mère, mais d’un sentiment qui naquit plus tard, et seulement lorsqu’Œdipe fut déjà devenu adulte, ayant été élevé par des parents adoptifs jusqu’à un âge où il devint indépendant et autonome. § Or, le mythe qui rassemble tous les facteurs qui pourraient constituer le mobile d’une violence passionnelle, exercée contre le père, afin de se procurer les faveurs de la mère — un présupposé du complexe dit d’Œdipe —, fut celle de la castration d’Ouranos par Cronos — on pourrait s’interroger de ce qui est pire pour un homme, de mourir en défendant sa vie, ou de subir l’ignominie de la perte physique de sa virilité —, laquelle suppose une antipathie importante pour le père, associée à une sympathie totale pour la mère, peu importe le motif évoqué qui varie d’un mythographe à l’autre, et qui conduisit qu’Ouranos fut détrôné par son fils, un événement qui, en ces temps sauvages, signait son arrêt de mort. § Ainsi, il est proposé que le complexe d’Œdipe soit renommé le complexe de Cronos par les psychanalystes afin de mieux refléter cette réalité psychologique que tente de cerner celui que l’on a intitulé le complexe d’Œdipe.

[2024-05-30]

C’est un principe métaphysique fondamental qui veuille que la complémentarité psychosociale des genres suppose à la fois leur unité subsomptive et l’organicité du rapport juridique qui les unit, entendu dans son sens large comme référant à une conception transcendante du droit de sorte que toute injustice qui, dans l’immédiat, favorise ou défavorise l’un au détriment ou à l’avantage de l’autre est la cause d’un déséquilibre qui, à plus ou moins long terme, affecte l’autre d’une manière proportionnelle et correspondante à la spécificité de chaque genre, pour ensuite engendrer une retombée générale qui agir l’ensemble du genre humain.

Il est remarquable que l’on n’ait pas remarqué que la révolution féministe (et toutes les révolutions après elle, telle la révolution jeuniste ou alter-genriste) constitue pour l’essentiel un détournement du marxisme en substituant les concept des femmes (ou des jeunes, ou des genrés alternatifs) à celui du prolétariat, en tant qu’il est une classe opprimée, et le concept des hommes (ou des personnes âgées, ou des genrés normatifs) à celui des possédants, en tant qu’il est celui de la classe oppressive et dominante de sorte à pouvoir revendiquer le droit à la dictature, évidemment bénigne mais supportée par un système de lois et une jurisprudence correspondance afin de rétablir la justice qu’ont bafouée les privilèges excessifs iniques, accordés à la classe prépondérante qu’ils ont délogée et ainsi parvient-on, par ce procédé, à substituer la justice des femmes (ou des jeunes, ou des alter-genristes) à celle des hommes (ou des générations antérieures, ou des genres alternatifs) en proposant qu’elle sera à la fois universelle et meilleure, sans pourtant qu’elle n’accrédite la justice des hommes (ou des autres catégories sociales opposées et opposantes) ou en l’interprétant uniquement de point de vue de la leur.

Le premier souci d’un organisme, biologique ou social, la première règle pour lui est d’assurer sa survie, peu importe le coût de cet effort: ainsi peut-on dire que, dans un état où celle-ci est compromise, ce stade est le premier stade de la moralité — de l’amoralité — comme de la civilisation — l’état sauvage —, comme il en est aussi le dernier stade — de l’immoralité et de la barbarie —, lorsqu’il a perdu le sens de la moralité, étant parvenu à son déclin ultime et faisant face à sa disparition. § Ainsi pourrait-on dire que l’apogée de toute civilisation est aussi, pour elle, celui de sa moralité, réalisée à son point le plus élevé et selon la hauteur, la profondeur et l’universalité de ses principes et de ses conceptions et que, s’il existe bien un état primitif, sur lequel se fonde cet état sublime auquel aspire et parvient ultérieurement toute civilisation qui prétend arriver à cet état de complétude, comme le prétendent les théories évolutives radicales, il doit nécessairement renfermer le germe de cet état futur vers lequel il tendra incessamment afin, avec la fortune s’exerçant à travers les aléas de l’histoire, de parvenir à l’accomplir. § La question devient alors de connaître et d’expliquer l’origine de ce principe de la bonté, de celui de son accomplissement en même temps que celui de la fortune heureuse grâce auxquels toutes les conjonctures et toutes les occurrences ont concouru aux événements qui l’ont produit et qui l’ont conservé. § Et ce qui, au départ, a été nommé amoral devient alors l’indifférencié et l’inaccompli, la moralité servant alors à décrire la qualité — les idées transcendantes de la bonté, de la vérité et de la beauté — qui préside à la différenciation qui lui donne naissance et à l’accomplissement qui le réalise, la conscience représentant la possibilité de l’esprit à saisir toutes les nuances et toutes les distinctions de cet état et à en percevoir adéquatement la nature. § Il s’agira cependant ce reconsidérer ces conclusions à la lumière d’un état originel parfait dont l’humanité a pu déroger, à un certain moment de son histoire, car alors le manque supposé deviendrait alors la conséquence de sa dépravation, plutôt qu’elle en serait la cause, et que son effort consisterait, non pas à s’extraire d’un état imparfait, informé qu’elle serait par l’idée d’une perfection à instaurer, autant du point de vue moral de l’individu à réaliser que social d’une civilisation à faire naître, mais à retrouver un état parfait originel antérieur dont, en raison d’une faute personnelle, il aurait librement quitté, pour lequel il éprouverait dorénavant une nostalgie et un désir puissant de le rétablir.

Si sage et si juste que fût le droit d’un État, c’est la compétence juridique et la perfection morale de ses magistrats, appropriés à la disposition morale adéquate des citoyens et des sujets, qui en rendent effectifs les lois et les préceptes qui en découlent: or, dès que ceux-ci sont imparfaits, et dans la mesure où c’est effectivement le cas, il en résultera que, de leurs décrets et de leurs sentences, ne pourra que procéder une application injuste et/ou inéquitable des principes de la justice dont tous sont les agents, les propagateurs et les défenseurs. § D’ailleurs, il résulte toujours de la corruption morale que le plus sublime des idéaux et le mieux constitué des États mis en place afin de les réaliser connaîtront, en raison d’un état moral décadent, une régression dans la valeur de sa culture et dans la moralité de sa population, proportionnelle et équivalente au degré et à l’extension de cette corruption.

L’époque de Jean le Baptiste signale, pour Israël, la date à partir de laquelle a pris naissance l’idéologie de la violence politique et la croyance révolutionnaire, à l’intérieur d’un État, en l’efficace de la violence en vue de forcer l’instauration de valeurs ouraniennes de la paix et de la justice, ainsi que la situation juridique, politique et économique en résultant, à l’ensemble de la population, sans distinction aucune, sauf l’adhésion au crédo révolutionnaire, à son idéal et à sa méthode, plutôt que sur des moyens pacifiques fondés sur la valeur qui les fonde toutes — l’amour générateur et promoteur de la Vie — qui est au fondement de la doctrine chrétienne (cf. Matthieu 11, 12).

La perversion active consiste, non pas à édifier les esprits, à cultiver les intelligences, à valoriser les personnes et à développer les individus, mais plutôt à produire l’effort contraire, c’est-à-dire les endormir, les stupéfier, les dévaloriser et les avilir, pour ne pas dire les corrompre; lorsque cette forme est inactive, elle consiste à se taire, soit par intérêt, soit par inertie, soit par suffisance, mais toujours par sympathie inavouée, lorsqu’une telle influence fait sentir ses effets.

La grande erreur, au plan social, puisqu’il signifie la suspension du jugement, et éventuellement de l’intelligence, c’est de croire tout ce qui se dit et/ou s’écrit par le simple fait que le propos a été consigné sur papier ou énoncé oralement; au contraire, il importerait de recevoir toute communication avec une prudente circonspection et de l’évaluer à l’aune de la vérité à la fois statique et dynamique et de la justice la plus complète, autrement le risque serait de sombrer à l’état d’un cynisme regrettable, un excès contraire où tout devient d’emblée sujet à être rejeté, y compris ces affirmations qui seraient véridiques, sages et judicieuses et pour cette raison éminemment souhaitables, car elles sont la nourriture d’un esprit individuel et collectif sain et épanoui.

La pathologisation des relations, trop fréquente dans la volonté de préserver intacte l’image de soi devant les expériences contradictoires, consiste à vicier le caractère du protagoniste qui a le malheur de remettre en question ce qui, pour l’autre interlocuteur, a pour valeur une position morale ou axiologique fondamentale, sans égard pour le bien-fondé ou pour la justification effective qui pourrait la confirmer: au mieux, elle se fonde sur une incompréhension profonde et, au pire, sur un refus systématique de l’altérité, autrement dit, une forme de misanthropie.

Il existe toujours des endroits comme cela: que l’on échoue ou que l’on réussisse; que l’on emporte la partie ou qu’on la perde; que l’on aime, que l’on déteste ou que l’on reste indifférent; que l’on démontre la vertu la plus élevée ou que l’on illustre la plus vile des médiocrités morales; que l’on fasse le plus grand des efforts ou que l’on en fasse aussi peu qu’il conviendra; que l’on inspire le meilleur des exemples ou que l’on se contente de suivre la foule; que l’on soit honnête et sincère ou que l’on jette constamment de la poudre aux yeux; que l’on soit le plus digne de considération ou que l’on n’affiche aucune prétention à la reconnaissance; que l’on soit authentiquement humble ou que l’on respire de la plus pure arrogance; que l’on soit le plus pur et accompli ou que l’on soit le moins porté à rechercher l’excellence dans sa propre réalisation; on a toujours droit à une seconde chance. Car, pour utiliser une expression tirée de la culture populaire américaine, «the show must go on», et l’on a l’impression de gagner peu à encourager trop de vertu et moins encore à châtier trop peu de celle-ci.

D’un strict point de vue, le non-être n’existe pas puisque, le propre de l’être étant d’exister, autrement il ne serait rien, le terme de non-être renverrait à ce qui n’existe pas, et donc à rien, car il ne peut que signifier cela en posant une négativité radicale. § Ainsi, le non-être est un concept négatif qui renvoie, non pas à l’inexistant, le rien, mais à l’existant qui n’a pas trouvé à réaliser la plénitude de son être, c’est-à-dire la plénitude de l’essence qui caractérise la substance de son être, l’être étant à la fois ce qui existe et ce qui est existant, car ce qui existe n’existe qu’en raison de l’acte d’exister et que c’est l’acte d’exister qui en procure l’existence. § Ainsi, l’être représente un concept dynamique qui est à la fois acte et essence, ce qui est dans son existence — l’être — et ce qui n’est pas encore de lui — l’existant — et le non-être réfère alors à ce qui, de l’être, n’est pas encore et tend pourtant à le devenir. § L’être est alors à la fois existence et non-existence et c’est en ce dernier sens qu’il est dit un non-être.

L’idéologie est à la fois le péché et le boulet de la philosophie: son boulet, car elle enferme la pensée dans une conception circonscrite, et donc limitée, vers les possibilités infinies de l’esprit et les expressions, comme les manifestations, à la fois complexes et variées de la nature, y compris de la nature humaine, si générale et si compréhensive fût-elle autrement; son péché, car implicitement, elle affirme être arrivée à une conception exhaustive de celle-ci alors qu’elle n’en aperçoit et qu’elle n’en appréhende qu’un point de vue, dont la vastitude du regard est impressionnante certes, mais dont la multiplicité des regards alternatifs, lesquelles entrent en rapport dialectique avec lui, lui rappellent sans cesse jusqu’à quel point sa tentative est anéantie, à la fois par l’extension et la compréhension réelles du cosmos, autant matérielles que spirituelles par ses dimensions et ses niveaux d’intelligibilité que par la capacité apparemment inépuisable de l’esprit à inventer de nouvelles perspectives, susceptibles d’en rendre compte.

Comme en droit, l’on ne saurait pénaliser le délinquant sans rechercher pour la victime une compensation adéquate, dans l’idéal une rétribution qui ramènerait celle-ci à l’état qu’elle connaissait avant se subir le préjudice qui lui a été causé — ce qui est rarement possible, lorsque le préjudice occasionné a procuré des conséquences irréversibles, ce qui porte souvent, sinon toujours, à exiger des mesures punitives et compensatoires exemplaires  —, l’on ne saurait, en médecine, soigner le malade sans s’occuper de l’agent pathogène qui occasionne le mal dont il souffre et qui est à l’origine de sa dysfonction et de son incapacité, au pire neutraliser son action et au mieux, transformer la nature qui l’oblige à exercer cet effet, en visant à rétablir le patient en l’état de santé qui a précédé le préjudice qui l’en a éloigné.

Y a-t-il quelque histoire plus triste que le germe d’un amour, qui donnait tout à espérer et qui fut jadis semé dans la terre de deux cœurs qu’une destinée commune liait de tout temps et qui, pour des motifs tout à fait accessoires, et en rétrospective ridicules, ne trouve ni à se redécouvrir complètement, ni à reprendre racine, ni à croître, ni à se réaliser, ni à s’épanouir complètement.

Il ne suffit pas de montrer des signes d’intelligence, il s’agit d’en faire preuve dans l’action.

Avant tout, par le droit qu’il énonce et par l’exemple qu’il manifeste, l’État est, dans le sens le plus large de cette notion, qui ne se limite par seulement à sa dimension institutionnelle, en principe et en réalité, le gérant de l’intelligence, non pas uniquement de l’intelligence théorique et discursive, mais encore de l’intelligence pratique et effective.

Une criminologie qui ne remet pas en cause l’ordre social comme engendrant, en puissance sinon en réalité, lorsqu’elle s’organise contre les principes de la justice et les législations du droit, les conditions qui produisent, non seulement des injustices systémiques et même individuelles, avec les préjudices conséquents qui peuvent en résulter, mais encore mettent en place les conditions qui sont aptes à engendrer de tels effets, indépendamment de l’usage moral, sage et adéquat de la liberté, justement comprise, qu’en font autant l’individu que leurs regroupements formels en associations et en institutions, est une criminologie biaisée en faveur de l’ordre établi et des injustices que celui-ci serait susceptible de produire, y compris en cela la poursuite et la sanction pénale de l’innocent.

Dire, être dit et se dire sont les trois mobiles fondamentaux de la communication qui n’est que l’une des nombreuses manières d’entrer en rapport avec le monde, faire et agir, être fait et être agi, se faire et s’activer, créer, être créé et se créer, penser, être pensé et se penser, sentir, être senti et se sentir, estimer, être estimé et s’estimer, aimer, être aimé et s’aimer, en somme être et devenir étant les autres. § Or, si tous ceux-ci peuvent faire l’objet d’un discours, il importe de savoir à la fois qu’ils en sont l’objet et qu’ils en constituent la possibilité et que, sans l’être et le devenir qui, ensemble, en sont le premier état, la première source, le premier moyen et la première finalité, aucune de ces autres ne sont logiquement présentes, voire que d’un point de vue ontologique, ils sont essentiellement liés et indissociables, puisqu’ils sont des modes de la même action de l’être et du devenir.

Si excellente que fût une loi dans son esprit, il est possible d’en réduire et même d’en reporter, parfois sine die, l’application — ce qui constituerait, de la part de l’administration, une forme de prévarication et de concussion — en diminuant et en éteignant l’expectative que le justiciable  peut éprouver pour elle ainsi que sa motivation de faire valoir ses droits ou encore en rendant inaccessibles les ressources possibles, susceptibles de leur accorder la pleine efficacité que celui-ci pourrait en attendre, devant les complications bureaucratiques que l’on dresse afin de s’opposer passivement et imperceptiblement à leur effectivité, simplement sur la base d’une procédure réfractaire.

Le stratagème le plus pervers et insidieux est celui, pour la haine, de prendre le visage de l’amour afin d’accomplir son œuvre de destruction et de mort.

Face au bonheur, il y a ceux qui sont heureux, il y a ceux qui ont le possibilité de l’être, s’ils savent saisir les occasions propices, il y a ceux qui auraient la possibilité de l’être, s’ils avaient possédé cette intuition, il y a ceux qui ont la nostalgie de l’avoir été et il y a ceux qui sont destinés à le devenir, de le devenir plus encore ou encore de le redevenir, si le celui qu’ils connaissaient en venait à s’échapper.

Il s’avère moins risqué de supposer le diable et, en lieu, de découvrir en lui un ange que l’inverse, qui serait de supposer l’ange et de trouver le diable, puisque la première option, lorsqu’elle est erronée, si regrettable qu’elle fût, comporte moins de conséquences pour soi que la seconde: tel est l’avantage de la présomption de la culpabilité sur celle de l’innocence ...

jeudi 6 avril 2023

Euthúmèma XXVIII (réflexions)

[Depuis le 06 avril 2023, avec mises à jour périodiques. — Since April 06th 2023, with periodical updates.]

Pour l’homme rationnel qui contemple son existence, la matière est un aspect du macrocosme, du vaste plan cosmologique qui est connaturel à l’expérience qu’il fait de sa nature et de ses lois, sous les rapports de la génération et de la corruption, de la continuité et de la discontinuité; mais lorsqu’il étudie la matière et la réduit à n’être plus, sui generis, qu’un microcosme qui contient une nature et des lois qui lui sont propres, abstraction faite du macrocosme dont il fait partie; et lorsqu’il considère alors les rapports des objets matériels entre eux, à l’intérieur d’un macrocosme qui constitue l’arrière-plan muet de son action intellectuelle, il érige l’agrégation des objets qu’il étudie en une unité artificielle, apte à recevoir une identité qui lui est propre, abstraction faite de sa dimension cosmologique comme de celle de l’esprit qui exerce sur lui son action: telle est une des conséquences de la révolution scientifique.

La loi est le principe qui assure l’ordre du monde et elle suppose, afin qu’elle soit pleinement intégrée et assurée, un conscience, non seulement de sa manière d’être, c’est-à-dire de ses mécanismes et de leur opération, mais également de l’intelligence qui l’ordonne et de la finalité en vertu de laquelle cet ordonnancement se produit afin que, dans la liberté, chacun puisse y adhérer pleinement et contribuer à son actualisation: la science, par conséquent, est l’activité que mène l’intelligence afin de parvenir pleinement à cette conscience qui permet à l’homme, non seulement de participer à la nature de l’intelligence ordonnatrice, mais aussi à ses fins, selon la plus haute conception de la bonté — la seule digne de qualifier cette fin —, de la vérité — qui l’aperçoit complètement et adéquatement — qui en réalise la qualité —.

Il y ceux qui savent (de fait) et qui devraient savoir (de droit); ceux qui ne savent pas et qui ne devraient pas savoir; ceux qui ne savent pas et qui devraient savoir; et ceux qui savent et qui ne devraient pas savoir.

Il n’existe pas d’attitude moins scientifique que celle de considérer comme étant pleinement avérées, les idées et les conceptions qui, si brillantes fussent-elles par ailleurs, en raison de la plausibilité à laquelle leur logique interne et leur cohérence explicative accorde un pouvoir de conviction encore plus grand, et de la puissance de l’imagination qui a procuré cette invention, ne trouvent pas dans l’expérience objective une confirmation indépendante et réelle.

Le présage, tout comme la prophétie, ne sauraient trouver de confirmation autrement que ex post facto, c’est-à-dire lorsque leur réalisation se sera effectivement avérée.

L’utilité, c’est l’activité qui n’a de valeur que pour soi ou encore celle que l’on ne reconnaît pas avoir de valeur pour autrui; le travail, c’est l’activité qui, indépendamment de la valeur, réelle ou virtuelle, qu’elle comporte pour soi, possède une valeur, définie ou susceptible de l’être, pour autrui et pour l’ensemble de la société.

La décadence d’une société commence le jour où ses membres choisissent d’adopter une conduite immorale, d’abord subrepticement, puis de plus en plus ouvertement, sous le regard de concitoyens qui, sans nécessairement approuver, préfèrent considérer leurs actions sous le regard d’une indifférence morale, si ce n’est d’une «amoralité» pratique.

L’illégitimité ne saurait se soutenir et se justifier par l’illégitimité, car seul ce qui est juste peut recourir aux principes de la justice afin de trouver en elle les motifs de sa justification et que, par conséquent, le jugement qui l’apprécie fait la distinction entre ce qui est juste et ce qui en déroge, de près ou de loin, en tout ou en partie.

Le cartésianisme est véritablement le moment capital d’une rupture épistémique radicale dans l’histoire de la pensée, un bris dont l’importance ne saurait être ni exagérée, ni occultée: car au lien d’inciter les penseurs à réfléchir sur la valeur de l’enseignement hérité jusqu’alors par tous les intellectuels de l’époque, qu’une histoire de la philosophie et un enseignement traditionnel, propagé par des canaux parfois formels, comme les milieux de l’éducation officielle, parfois informels, comme dans les milieux familiaux et du commerce entre les particuliers, avaient apporté jusqu’à eux, il a cru bon de tout rejeter en bloc, de tout considérer comme illusoire, comme étant l’artifice magistral d’un quelconque Malin Génie, afin de retrouver les bases sur lesquelles édifier une épistémologie nouvelle, bases qu’il établit en identifiant la pensée comme étant le fondement à la fois de l’existence de la nature, de celle de l’homme et de celle de Dieu, mais sans pour autant reconnaître l’essence de ceux-ci, telle qu’avait pu le lui révéler une expérience intime avec les choses, sans recourir au truchement d’une pensée qui se mettait en doute, en admettant la possibilité d’une errance illusoire certes, mais en gardant néanmoins confiance en sa capacité de découvrir le vrai et de savoir le distinguer du faux.

La transcendance est l’attitude de la conscience par laquelle celle-ci s’extrait de la réalité, se détache d’elle et la «survole», pour ainsi dire, afin d’en saisir la particularité et la singularité et, ce faisant, en apercevoir et en concevoir l’essence, indépendamment de ses propres déterminations physiques, mais non pas en les niant et en les anéantissant autrement, mais en en suspendant la perception interne, afin de porter et de concentrer plus implicitement son attention sur la dimension de l’expérience qui est extérieure à elle, dans la compréhension qu’elle en effectue et qu’elle en acquiert: ainsi permet-elle de réaliser en plus haut une des deux postures fondamentales de l’esprit — l’être-en-dedans de l’intelligence, de l’intériorité, de la réflexion et de la contemplation —, l’autre étant l’être-en-dehors de l’extériorité, de la sensation, de la perception, de l’émotion, de la raison et de la volition menant à l’action, lorsque l’objet de cette présence ne dépasse pas un certain seuil dela sensibilité ou, dans le cas contraire, du réflexe produisant une réaction.

La théorie de l’égoïsme intéressé, qui propose que ce sentiment trouve naturellement un frein dans les effets, délétères pour soi, que la conduite qui en procède produira pour le milieu, autant physique que naturel et social, ne saurait trouver de justification adéquate en droit, mais seulement une confortation subjective, en raison des avantages plus ou moins immédiats qui procéderont de cette suffisance dont on retiendra les «bienfaits» pour soi, mais en omettant de considérer, ou en les considérant incomplètement, les dommages qui en résulteront, autant pour soi que pour autrui et pour le milieu: pourtant, ceux-ci ne sont pas inexistants, en raison du lien organique qui existe entre l»’individu et son milieu et ce n’est que dans un acte e générosité — contraire à l’égoïsme — que celui-ci parviendra à s’extraire de sa complaisance et à désirer pour la nature comme pour la société un bien qui en minera la caractère involutif et décadent.

Le mythe est une histoire dont le référents du langage qui le constitue sont connus des auditeurs et des locuteurs de l’époque, mais ils sont transformés par le temps qui en codifie, en altère et en occulte les usages, de sorte à échapper ainsi aux auditeurs et aux locuteurs des époques futures: pour le comprendre adéquatement, il faudrait par conséquent, en autant que faire se peut, lui restituer son langage propre et le réinterpréter dans un langage contemporain, afin de la rendre plus accessible aux auditeurs et aux locuteurs qui en prendront connaissance dans le futur, sans se trouver soumis aux caprices d’un entendement dont les référents sont étrangers à ceux qui les ont constitués à l’origine afin de recevoir une signification qui, tout en leur semblant être de la plus haute authenticité, n’en restera pas moins fantaisiste et construit.

Lorsque l’on définit la moralité par la puissance de faire une chose, plutôt que par l’essence qui est réalisée par son entremise, l’on accomplit un glissement moral qui est inadéquat puisque non seulement toute puissance procède-t-elle d’une essence qui, étant une nature douée de conscience, de jugement et d’intelligence, évalue la qualité et la valeur de l’effet qui en résultera pour elle-même, mais encore s’exerce-t-elle en vertu également de l’essence qu’elle affecte et sur laquelle elle produit un effet dont la force et la valeur sont aptes à être connus, conçus et estimés par la conscience puissante et agissante, apte également à exercer son libre arbitre afin d’en maintenir, d’en empêcher, d’en transformer et d’en optimaliser la finalité, l’intensité et la modalité, selon les valeurs du bien, du vrai et du beau, une action convient en tout à un être qui est libre et moral, susceptible par conséquent d’orienter et de déterminer la puissance qu’il lui appartient d’exprimer.

La puissance est un moyen qui ne peut se suffire à lui-même, car alors elle s’exerce aveuglément, un peu à la manière d’une énergie sans objet qui se consume, sans que les bienfaits de son irradiation ne puissent se faire sentir par un destinataire, ni qu’elle même ne connaisse de satisfaction, soit à la production de son action, soit à la réalisation de l’effet qui en résulte: ce n’est que lorsqu’une puissance émane d’une essence qu’elle réalise sa potentialité, à la fois par rapport à cette essence, et aussi aux existences qu’elle affecte, et cela uniquement si elles les accomplit, autrement elle participe à la dégradation et à la destruction de leur être, sans qu’il n’en résulte aucun bienfait pour ces objets, ni pour le monde qui les accueille et qui les maintient; c’est que la puissance est un facteur de réalisation ou d’empêchement qui, afin que la conscience puisse en apprécier l’importance, doit laisser se mesurer son effet en référence à un ordre de valeurs qui, s’il en inspire adéquatement l’action, permettra de juger de sa pertinence et de sa signification pour le monde en lequel elle manifeste la qualité de l’essence dont elle émane et elle exprime la valeur de l’effet sur les existences qu’elle affecte et qu’elle transforme.

L’ambition effrénée est au mieux le fossoyeur de l’amitié et au pire son ennemi.

Si les sciences de l’homme peuvent parfois révéler, dans les cas particuliers, les instances d’une injustice, de même qu’elles peuvent permettre à la conscience d’arriver à en formuler une conception adéquate, compréhensive et intensive, elles ne sauraient, si elles sont conformes aux principes de leur déontologie, constituer une tentative pour elle de se réconcilier ni avec sa présence, ni avec son occurrence, sauf à découvrir dans le répit qu’un tel atermoiement peut offrir, un moyen de l’apercevoir et de redresser les circonstances où elle prévaut.

Le mal n’est point une essence, puisqu’elle en est la privation — celle du bien —, mais il est une qualité qui décrit le fait de cette privation, comme la méchanceté et la mauvaiseté décrivent la disposition à rechercher cette absence activement, en agissant positivement en vue de la produire, ainsi que la souffrance qui peut en résulter, soit passivement, en s’abstenant de toute action qui pourrait tantôt l’empêcher, tantôt l’atténuer et tantôt le faire disparaître, selon la possibilité qui est laissée à l’agent d’agir ainsi.

La disposition sociale est généralement positive ou négative et elle devient le reflet de la qualité des expériences qui ont été éprouvées par la conscience dans ses rapports avec autrui, depuis le commencement de son existence (ce qui permet de remonter jusqu’à la naissance de l’individu et même au-delà, dans les vies antérieures, lorsque celles-ci deviennent l’objet d’une anamnèse et d’une réminiscence qui la confirme, du moins subjectivement), telles qu’elles l’affectent dans l’intériorité de son être, qu’elles soient accessibles dans son souvenir ou qu’elles exercent sur celui-ci une influence implicite, sans que celui-ci ne se les remémore consciemment: positive, elle porte à vivre son rapport avec autrui de manière optimiste, aimante, active et constructive; négative, celui-ci prendra une coloration indifférente, passive, pessimiste et défaitiste et parfois même destructive, lorsqu’il résulte d’une haine qui naît en sa personne, suite à l’expérience qu’il a vécu.

Tel est celui qui, dans la société civile, en temps de paix et dans un contexte où serait censé prévaloir l’esprit de collégialité, trouve à s’exhausser, ou l’institution, ou l’organisation, ou le groupe auxquels il appartient, en veillant à diminuer autrui, à l’humilier, à le dévaloriser et en général à le déshonorer, soit en pensées, soit en paroles ou soit en actions.

L’effectivité d’une action se laisse apprécier à la nature et à la qualité de l’effet qu’elle produit: mais comment parvient-on à estimer l’importance de celle-ci lorsque l’action d’où est issue la conséquence est subtile et les moyens qu’elle emploie afin de produire ses résultats est imperceptible et peut-être même insaisissable, sauf pour les esprits les plus perspicaces et les plus clairvoyants.

Le mal est le terme qui recouvre tout ce qui ne réalise pas le bien qui aurait pu s réaliser et dont le degré illustre quel est l’écart entre le bien qui aurait pu se manifester et celui qui survient dans l’actualité des événements; et lorsque l’on évoque une disposition au mal — la méchanceté —, celle-ci signifie une négativité par laquelle soit l’agent moral ne contribue pas à la réalisation du bien, soit en favorise et en encourage la non-réalisation, soit il s’oppose activement à elle, en produisant une forme qui en représente l’antipode et le contraire, soit il demeure impassible devant cet état d’inertie ou d’opposition.

L’ignorance est un état de non-connaissance; or la connaissance est l’acte de l’appréhension de ce qui est; donc l’ignorance est la défaut de l’appréhension de ce qui est: mais qu’est-ce que ce qui est vrai ? ce que notre expérience révèle à la conscience comme l’étant ? ce que l’autorité révèle à la conscience comme l’étant ? ce que l’autorité juge digne de révéler à la conscience ce qui l’est ? ce que l’autorité érige en système de savoir comme étant, de droit, l’unique conception de ce qui est digne d’être révélé à la conscience ? et que se produit-il lorsqu’il existe une contradiction entre l’expérience personnelle et l’autorité constituée, de sorte que ce qui est su par la conscience comme étant distinct de ce que l’autorité estime être digne d’être su par la conscience comme étant ce qui est vrai et, sans le contredire, le complète, le dépasse, le parfait, l’accomplit et l’enjoint à rejoindre un état de plus grande intelligence encore ? et ce faisant, remet en question, sans peut-être même le désirer ou chercher à le faire, ni même l’avoir anticipé, le statut que s’est vu octroyé l’autorité, par sa propre volonté, par l’histoire, par la tradition et par l’assentiment commun, d’être l’unique source et le dépositaire le plus sûr et le plus élevé, de la matière et du contenu de ce qui est estimé digne d’être connu et révélé comme étant ce qui est, et par conséquent de ce qui est vrai ? et quelle reconnaissance l’autorité a-t-elle le devoir d’exprimer et se sent-elle obligée de témoigner envers celui et tous ceux qui lui permettent de lever le voile sur le mystère de ce qui est, jusque lors inexploré et inexprimé ? l’autorité a-t-elle une quelconque responsabilité morale face aux intelligences qui lui permettent de déborder ses cadres épistémologiques et qui peut-être même l’incitent à le faire? toutes ces questions illustrent quel serait son intérêt à se maintenir dans un état d’ignorance ...

La subordination de la compétence à la puissance, à la qualité du mode de l’être, de sa sagesse et de sa vertu de sainteté au degré de la présence de l’être et à la capacité à s’imposer à son environnement physique et social et à le dominer selon les virtualités de son être, indépendamment de la valeur de celui-ci, estimé selon les valeurs transcendantes du bien, du vrai et du beau, représente l’échec de la civilisation occidentale par le divorce qui s’est opéré entre, d’une part, ses réalisations technologiques et, de l’autre, l’harmonie qui existe dans l’âme des particuliers et dans les rapports qui caractérisent leurs interactions, comme en témoigne l’incidence élevée et accrue des guerres, en suivant la courbe de progression de la Révolution industrielle, et l’état déplorable de l’environnement, y compris jusque dans la prolifération des maladies et des conflits intra-sociaux: seul un retour à un état où la puissance se met au service de la compétence, conçue comme étant l’expression d’une moralité excellente, devient le moyen de son rayonnement et de sa progression permettra de rétablir cette situation et, en ce qui concerne l’humanité, de retrouver une dignité qu’elle a délaissée dans sa quête d’une puissance nue et brute qui se rapproche de la sauvagerie.

La puissance d’un État se réalise dans la force institutionnalisée (représentée par la police, l’armée ainsi que les services de renseignement qui en orientent les activités, tels que tous ceux-ci sont encadrés par un code et un appareillage juridique qui, ultérieurement, reposent sur l’institution politique) et suppose qu’elle ait une compréhension et une intériorisation de la qualité de son mode d’être; par ailleurs, celle-ci se réalise dans le gouvernement qui en supervise et en cautionne l’activité et sous-entend une compréhension et une extériorisation de la puissance et l’équilibre entre ce deux états est assurée par la magistrature ainsi que la bureaucratie qui leur donnent une instantiation dans les jugements qu’ils produisent, celle-ci dans l’activité quotidienne des programmes qu’elle met en œuvre et qu’elle gère, celle-là par la caution et/ou la sanction qu’elle leur apporte, lorsqu’elle est amenée à en confronter la pertinence aux lois qui sont censées régir leur application et les moyens qu’elle se donne afin de produire leur effectivité.

L’amitié constitue la condition du passage de la puissance à l’acte, lorsque cette action lorsque cette action est gouvernée par l’idéal transcendant de la bonté, de la vérité et de la beauté et, dans le champ des trois facultés éthiques et morales du vouloir, du savoir et du pouvoir, elle est le facteur qui détermine, dans cette forme de la relation qui implique, dans la mutualité et dans la réciprocité des réceptivités et des efforts,  un être plus accompli, généralement ou à un certain plan seulement, participant à la complétude d’un autre être en voie d’accomplissement et visant à la plénitude de son être, que la puissance de la volonté devienne l’acte de vouloir, celle de l’intellect, celui de savoir, et celle de la capacité et du talent, celui du pouvoir; ainsi, pour toute faculté éthique et morale, il existe le savoir en puissance qui, étant en acte, devient un savoir savoir, le vouloir en puissance qui, devenant en acte, devient le vouloir vouloir, et le pouvoir en puissance qui, se réalisant en acte, devient le pouvoir pouvoir, comme au plan philosophique et ontologique, le savoir en puissance devient, lorsqu’il est actuel, un savoir-savoir, un savoir-vouloir et un savoir-pouvoir, le vouloir en puissance, maintenant en acte, un vouloir-savoir, -vouloir et -pouvoir, la pouvoir en puissance, se réalisant actuellement, un pouvoir-savoir, -vouloir et -pouvoir.

Lorsqu’on hurle avec le loups, comme le veut l’expression, il faut veiller, si cela est du tout possible, à ce que la différence dans la qualité du hurlement ne tarde à éveiller l’attention, et peut-être même la suspicion.

Y en aura-t-il qui voudront nier que la liberté, comme le bonheur qui l’accompagne, lorsqu’elle et utilisée à bon escient, soit un bien précieux qui vaille vraiment la peine d’être préservé: et même lorsque le sentiment est de vivre pleinement cet état, c’est une question légitime de se demander si on est réellement libre et, si oui, que doit-on faire afin de la conserver et de la préserver, si non, qu’est-ce qui empêche d’en jouir et que doit-on faire pour l’acquérir, sans pour autant nuire à la liberté, légitimement acquise, que peut vivre autrui, car autrement, ce serait la liberté qui se nuit à elle-même afin de se réaliser, ce qui serait contredire autant son essence — on ne saurait vouloir être libre pour soi, tout en niant qu’autrui puisse également jouir de la liberté — que sa réalité — une liberté ne saurait exister pour soi, sans pour autant exister également à l’intérieur de l’univers social qui voit en elle une valeur aussi bien individuelle que collective à promouvoir —.

Si le Christianisme est une religion d’esclaves, comme l’affirme en plusieurs endroits Simone Weil, comment expliquer que des esclaves, tels Épictète, aient préféré les Stoïcisme à celui-là ou, a contrario, que des familles Romaines et patriciennes entières, établies dans l’Urbs et dans l’Empire depuis de nombreux siècles, se soient converties à ses enseignements ? Peut-être n’a-t-elle pas adéquatement résolu l’aporie apparente que représente la dialectique du maître et de l’esclave de la phénoménologie de Hegel ?

La pornocratie est le pendant de la ploutocratie puisque, ne pouvant découvrir le monde de l’esprit au-delà de la cause matérielle de l’existence, lequel devient comme une figuration du Bien, à travers les biens qui viennent à le signifier, il ne reste plus qu’à le situer en la persona féminine qui le mieux est apte à le réaliser, voire incomplètement, puisqu’elle ne saurait l’en extraire entièrement,  au plan concret de la richesse et de l’avoir.

Sans droit, la justice n’est qu’un souhait vain et futile; comme sans justice, le droit n’est qu’une puissance illusoire et fictive.

Les imputations «baillons» de l’entorse à l’étiquette sont à l’expérience sociale ce que sont les ombres projetées sur un trottoir, de poteaux et de panneaux de signalisation qui le bordent, par un soleil propice dont ceux-ci interrompent le rayonnement: des distractions certaines et inévitables que seule l’utilité commune peut qualifier et justifier éventuellement.

La thèse fondamentale à une conception radicale de la démocratie, apte à être examinée en profondeur, autant en fait comme en droit, c’est que le peuple, érigé en institution, est légitimé à ne rien reconnaître comme devoir ou comme obligation que ce à quoi il a librement donné son consentement ou, dans l’éventualité que se produise un événement ou un surgissement imprévisibles, rien que ce à quoi il serait susceptible de donner son consentement, si tout loisir lui avait été laissé de considérer les solutions qui s’offraient à lui.

Dans un État qui est juste et bon — juste parce qu’il est bon et bon parce qu’il est juste —, aucun droit ne saurait interdire, ni empêcher ou autrement entraver, l’action qui est bonne, ni celle qui tente de réaliser le bien, que le bien et sa réalisation ne s’effectuent actuellement comme aucun droit ne saurait encourager que se produisent des actions qui dérogent à se principe, et encore moins à en récompenser les auteurs, en préconisant celles qui nient le bien ou qui tendent à en diminuer, soit l’importance, soit la désirabilité, tout en admettant que se déroule une discussion sérieuse et sincère sur ce qui constitue l’essence, la nature, le fondement, la source et la finalité du bien, comme des dispositions individuelles et collectives qui sont aptes à le réaliser et à généraliser les bienfaits qui en résulteraient à l’ensemble social, par l’entremise des individus qui le composent.

Il y a des choses que l’on ignore parce qu’elles sont au-delà de notre capacité à les appréhender, vu les limites propres à l’entendement humain; celles que l’on ignore, parce que manque au champ de la conscience l’expérience qui suscite en elle la connaissance appropriée, au regard de celles qui sont effectivement requises afin de produire un savoir correspondant; celles que l’on ignore encore, parce que l’on ne se donne pas la peine d’explorer, par l’introspection et par l’analyse critique, les expériences que l’on a éprouvées afin d’en retirer les enseignements qui pourraient s’avérer salutaire et bienfaisantes, cela étant; celles qui nous échappent parce que, nous étant révélées par un tiers, elles ne rencontrent pas la réceptivité voulue — en effort dépensé à les comprendre ou en imagination générée à en saisir l’applicabilité à notre situation existentielle propre — afin d’en retirer un profit adéquat; et celles que l’on ne développe jamais parce que fait défaut l’intuition requise afin de les extraire des souvenirs laissés dans la mémoire existentielles ou l’inspiration qui fait naître en nous, spontanément, les idées nouvelles et les concepts originaux qui sont la substance d’une aperception créative et la matière d’une communication innovante et inspirante auprès de nos semblables.

L’humanité en serait-elle à ce point venue à se trouver dépourvue d’une intelligence naturelle qu’elle se sentirait obligée de suppléer à ce manque en instituant une intelligence artificielle ?

À l’encontre de tous ceux qui ne sauraient voir en la tristesse une valeur positive, celle-ci résiderait non pas en encourageant la pérennité de cet état, mais en la constatation qu’elle révèle la présence d’une incomplétude dont elle est l’expression et qu’elle incite à la découverte de sa nature et des moyens susceptibles de la combler et ainsi, de rapprocher la personne d’une complétude encore plus parfaite.

L’inconscient est agissant, en ce sens qu’il porte spontanément à agir avant toute intelligence et toute volonté, de manière pulsionnelle et en réponse à un attrait qui ainsi s’exerce d’une manière inconsciente, le tout selon des lois qui s’exercent conformément à l’histoire singulière des individualités impliquées, qu’il s’agit de décoder et de comprendre, autant d’un point de vue subjectif, par les principaux intéressés, que d’un point de vue objectif, par les observateurs de la nature et de la condition humaine.

L’hystérisme constitue cette tendance en l’individu à agir inconsciemment — positivement ou négativement —, c’est-à-dire de façon irrépressible, sans désir ni volonté d’assumer cette action, s’il y a lieu, ni même d’en apprécier consciemment la nature, par crainte de la censure sociale qui en réprouverait jusqu’à la possibilité, en raison de son aspect problématique et des questions, existentielles et morales, que cet avènement soulève pour la société et pour la compréhension de la nature humaine que fonde sa constitution et son opération.

La nostalgie, c’est le regret de ce qui n’est plus; l’espérance, le désir de ce qui pourrait réellement être; la satisfaction, le contentement de ce qui est, que légitime le savoir que c’est juste, et par conséquent bon; le rêve, l’illusion de parvenir à une réalisation, sans que celle-ci n’ait la possibilité de se concrétiser; le bonheur, la satisfaction de savoir que ce qui est, tout en étant éminemment juste et bon dans son principe, réalise pleinement cette condition dans les faits.

L’idéal que la personne s’applique à réaliser au meilleur de ses capacités — avec l’encouragement des amis qui en reconnaissent la valeur et leur participation à cette fin, lorsque l’effort requis afin de le réaliser dépasse les moyens d’une seule personne et requiert une concertation coordonnée des talents et des volontés — et celui qui demeure seulement esthétiquement et moralement désirable, est la différence entre la véritable liberté, dans l’autonomie d’une destinée qui s’accomplit et le destin dont l’individu subit les péripéties et les vicissitudes.

Une police a pour fonction générale de protéger et éventuellement, à un plan pratique, d’améliorer la vie collective de l’ensemble dont elle assure la sécurité et le bien-être physique et moral et, avec elle, les formes de cette vie que sont la pensée qui se manifeste et les actions qui l’expriment, dont l’État est à la fois le garant, en tant qu’il en établit la présence, et le modèle, en tant qu’il est l’extériorisation de l’esprit collectif, sa représentation auprès de la conscience collective et son incarnation dans les membres qui le composent: ainsi, la fonction policière est-elle à la fois autonome, en tant qu’elle a une conscience aigüe de sa mission, et exécutive, en tant qu’elle actualise les volontés de l’État, et c’est dans le maintien d’un équilibre précaire, mais nécessaire, entre les libertés individuelles, la réalisation de la vie et de l’esprit collectifs et la moralité des conceptions légales et statutaires, comme des conceptions administratives par lesquelles elle les sanctionne, guidée en cela par la magistrature, qu’elle parviendra à réaliser pleinement la noblesse de sa tâche publique.

Si, comme le laisse entendre Bottéro, dans un de ses textes [Au commencement étaient les dieux, Fayard, 2012, p. 2.], la mythologie explique les choses par le vraisemblable, et non par le vrai, alors que la philosophie, elle, cherche le vrai, cette distinction entre le vraisemblable et le vrai, entre ce qui est véridique et ce qui est vérisimilaire, est capitale à la distinction que l’on souhaite faire entre la philosophie et la mythologie. § Mais, si cela est, l’on doit alors convenir qu’il existe des instances où l’explication d’une choses, tout en étant apparemment vraie, ou tout au moins plausible, puisse être seulement approximative, si ce n’est fausse, et où l’explication des choses, tout en semblant inventée, i.e. tout en semblant dépasser ce qui est concevable dans l’imagination, puisse être juste et vraie, ou à tout le moins plus juste et plus vraie que ce que l’on en conçoit. § Et dès que l’on admet qu’une explication puisse être ni entièrement factice, puisqu’elle contient un élément de la vérité, ni complètement véridique, puisqu’elle ne parvient pas à épuiser la compréhension et la profondeur de l’essence qu’elle prétend élucider, puisque donc elle peut être encore plus vraie, l’on s’aperçoit alors qu’il puisse exister une interpénétration du mythe et de la philosophie et que la critique qui cherche à distinguer l’un de l’autre s’articule autour de cette distinction entre le véridique et le vraisemblable.

Le conservatisme primaire propose que rien ne change afin que l’inertie ainsi engendrée d’une stabilité que rien ne saurait ébranler, suscite la condition d’une situation que l’on estime privilégiée, de crainte qu’elle ne se détériore; le révolutionarisme primaire veut que tout change, car ainsi, estimant n’avoir rien à perdre et tout à gagner, les transformations apportés ne sauraient que produire des avantages qui n’existaient pas auparavant pour soi — ces deux propensions existentielles sont en réalité deux formes de la désespérance politique puisque ni l’une ni l’autre ne voient la possibilité d’une évolution à laquelle la conscience collective pourrait consentir naturellement et de manière intelligente, d’un changement qui puisse constituer une amélioration pour soi, comme pour ses concitoyens, et qui se fonderait sur une appréciation sage de la situation sociale, requérant tantôt que l’on en préserve la bonté et la justice du caractère et tantôt que l’on en cherche une forme plus accomplie et plus adéquate, en opérant sur lui la transformation concertée, plus ou moins radicale selon la réalité de la situation.

Deux vérités s’affrontent, dans la conception que l’on s’en forme, le monde contemporain insistant plutôt sur la première forme puisque, étant objective et donc accessible aux sens extérieurs, elle est en principe susceptible d’un consensus général quant à sa nature et à son existence, alors que la seconde forme, étant plutôt subjective et accessible aux sens internes, devient pour cette raison dubitative et contestable par ceux qui ne s’entendent, ni sur l’existence d’un sens interne, ni sur sa nature (ce qu’il est), ni sur son statut épistémologique (sur la certitude à laquelle cette conception peut prétendre): ce sont la vérité épistémologique par laquelle une proposition intellectuelle correspond effectivement à la nature de l’objet sur lequel elle porte; et la vérité ontologique selon laquelle l’objet correspond, dans sa nature, à la forme et au degré de l’existence que son type (son genre) révèle, selon la perfection qu’elle peut éventuellement et effectivement atteindre et dont l’archétype et le modèle sont la représentation dans l’imaginaire.

L’état policier, en lequel l’État ne reconnaît, de facto, sinon de jure, de puissance légitime qu’aux agents politiques, dans l’usage de la force qu’ils seraient habilités à employer dans l’exercice de leur fonction, ne saurait être un état égalitaire alors que celui-ci reconnaît à tous les acteurs sociaux, conformément à leur disposition et à leur capacité à effectuer le bien, dont le droit qui règle leur conduite est le garant en toute justice, en conjonction et en harmonie avec celle de leurs congénères.

Le vraisemblable est de cinq (5) sortes: soit ce qui, tout en veillant à sembler vrai, est manifestement faux (le mensonge); soit ce qui, tout en ayant la même prétention à une qualité véridique, la possède parce qu’elle est effectivement vraie (la certitude); soit ce qui, tout en ayant toutes les apparences de la vérité, a pour cette raison toutes les probabilités d’être vraies (le probable); soit ce dont, malgré qu’il semble être vrai, ne permet d’affirmer ni qu’il est vrai, ni qu’il est faux (l’incertitude); soit ce dont, malgré toutes les apparences de la vérité, ne permet pas encore de conclure qu’il est tel (le doute).

La raison ne saurait exposer ce qui n’est pas d’abord, avant tout, contenu dans l’intelligence et, en tant que méthode au service de l’intelligence, elle comporte deux facettes distinctives: celle qui étudie la matière qui suscite son intérêt et déclenche le processus par lequel elle en aperçoit les principes et les relations constantes qui en découlent (les lois); et celles qui rendent compte, dans la communication, de ces éléments qui, une fois découverts, deviennent incontestables et constitutifs d’un dogme, la Révélation étant la communication des principes accessibles à une raison plus élevée et procédant d’une intelligence plus complète, ne saurait procéder autrement dans l’illustration des principes véridiques qui illuminent sa compréhension et des lois inébranlables qui inspirent son action.

 La pire haine que l’on puisse recevoir est celle que suscite le bien que l’on accomplit et qui est souvent proportionnel, dans l’intensité qu’elle illustre, à l’importance et à l’abondance de celui-ci, surtout lorsqu’elle prend faussement l’aspect d’une reconnaissance et d’une gratitude qui n’en est que le désaveu honteux.

Lorsque l’intellect, étant désintéressé, est ouvert à toutes les vérités qui peuvent se présenter à lui et qu’il a toutes les capacités afin de les appréhender comme de se montrer prêt à faire tous les efforts afin de pénétrer les arcanes les plus obscures et les plus complexes afin d’en percer tous les secrets, ce sont alors les limites de la culture et l’ignorance en laquelle elle se complaît, lorsqu’elle répand et qu’elle enseigne une science incomplète et superficielle, qui expliqueront que l’esprit avide de connaissance ne puisse s’épanouir au maximum de ses possibilités.

La raison moderne, en devenant empiriste, i.e. tournée sur l’expérience et sur l’existence qui la procure à la conscience, et en s’interrogeant exclusivement sur le modus existendi des choses — leur événementialité et les effets qui en découlent la situation et pour l’expérience que la conscience en fait —, s’en tient presque exclusivement au principe de la raison suffisante afin de gouverner son activité, alors qu’elle s’éloigne peu à peu, mais certainement, du principe de l’identité qui s’intéresse au modus essendi des choses (et en particulier des êtres vivants) et qui les considère selon et pour ce qu’elles sont, dans leur essence, pour ne plus voir en elles que des accidents que l’on met au service de l’événementialité, plutôt que comme des agents libres et moraux en vertu de leur essence, et donc aptes à la régénérer et à la perpétuer, sous les formes transcendantes de la bonté, de la vérité et de la beauté.

La suffisance et la vanité sont les deux côtés d’une même pièce, l’une étant le sentiment exacerbé de la dignité associée à un état optimal, désirable et durable dont l’individu ferait l’expérience et qui autoriserait à se montrer indifférent à la situation d’autrui comme à s’imaginer par ailleurs que tout lui serait dû, en vertu de son prestige et de sa situation individuels; l’autre étant celui d’une affectation qui est éprouvée, lorsque cet état est à nouveau confirmé par de nouveaux événements, ou au contraire contredits par ceux-ci, résultant dans un exhaussement ressenti de sa valeur propre, ou par un offusquement de ne pas être pleinement reconnu, en raison de cette contrariété.

Quelle que soit l’ampleur et la portée d’une vérité, son extension et sa profondeur, elle sera toujours interprétée par la conscience subjective dans le sens qui sera le plus favorable à sa puissance, i.e. à l’être existant en tant qu’il s’inscrit durablement dans le monde sous la forme optimale de l’état qu’il éprouve, sauf à être complètement désintéressé quant à la connaissance de cette vérité, du savoir sur lequel elle se fonde et de ses implications pour la vie individuelle des individus qui la composent et de la culture qui en émane.

Livrer un étranger que l’on sait être innocent de tout blâme ou dénoncer un proche que l’on sait être entièrement coupable du tort qui lui est reproché: y a-t-il un drame humain et un dilemme moral plus poignants et saisissants ?

Dans une société que caractérise l’anomie, lorsque l’on n’aime guère un individu, tout en se trouvant dans l’obligation de subir sa présence, la tendance est alors de chercher quels intérêts combler malgré cette situation désagréable; et lorsque cette attitude, répercutée à l’échelle du groupe et de l’ensemble, devient mutuelle et réciproque, l’on assiste alors à une indifférence généralisée face à autrui et à une instrumentalisation de chacun par son voisin, par laquelle chacun recherche prioritairement son bénéfice et son avantage, souvent par son exclusion, ou par l’exclusion d’un tiers qui devient alors le moyen de préserver cet équilibre aberrant qui se développe autour d’un sentiment défectueux.

L’art d’attiser la flamme déclinante de l’amour entre deux personnes sincèrement éprises l’une avec l’autre, comme il arrive parfois, sinon souvent, dans les relations amoureuses durables, telles le mariage, st hélas ! un sujet sur lequel on porte trop peu d’attention sérieuse et prolongée.

Le paradoxe qui veuille que trop de liberté mène inévitablement à la perte de la liberté vient de ce qu’un certain nombre d’individus pour qui la liberté n’est pas un état moral de personnes engagées véritablement dans la quête du plus grand bien pour tous et pour chacun, mais uniquement l’occasion de satisfaire à leurs propres pulsions et à leurs propres inclinations, indépendamment du bien-être d’autrui et de l’ensemble social, sauf lorsqu’il est utile, au plus haut point, pour eux de la considérer et d’y contribuer, emploieront toutes leurs ressources et toutes leurs facultés à la détruire pour autrui mais à la préserver pour soi.

En sacrifiant les conjectures sur les causes formelles et sur les causes finales, au profit d’un intérêt exclusivement centré sur les causes matérielles et les causes efficientes, la philosophie empirique contemporaine, en ignorant les premières, parce qu’elles échappent aux sens, et donc à la mesure, n’en a pas éliminé l’existence mais en a déplacé l’essence, hors de la dimension de la transcendance et de la pensée vers le monde naturel et les a fait se réaliser en l’homme agissant sur la nature et produisant la culture, en incarnant par conséquent en sa personne les mouvements de la pensée et les essences transcendantes qui en fondent l’efficiente et en réalisent les finalités.

D’un point de vue existentiel, la connaissance la plus sûre — en puissance — que l’on puisse acquérir est celle qui justifie l’état actuel de l’organisation sociale, si véridique ou si fausse que fût cette justification, et si parfaite ou si défectueuse que fût celle-ci.

Dans l’innocence, la subjectivité et l’objectivité, c’est tout un.

Aimer, une puissance qui procède de la vie et qui l’infuse, à la hauteur de sa qualité et de son intensité, est un acte qui est entièrement et spontanément libre: voilà donc pourquoi il est à la fois absurde de vouloir commander son apparition et d’en dicter la présence et contraire à une nature véritablement aimante de songer le faire laquelle, tout au plus, ne peut qu’en enseigner le caractère essentiel et l’importance de l’exemplifier dans sa propre vie, ce qui explique la difficulté que l’on rencontre, lorsque l’on désire l’imposer dogmatiquement en principe politique unique.

Tel qu’il est mis en pratique sous sa forme la plus outrancière, le rationalisme est l’éducation des cœurs jusqu’en n’en plus avoir, car rares sont les rationalités qui ne justifient ni le fait accompli, ni l’état existant, de sorte que l’éducation à un état amoral pré-existant ne peut que conduire, chez le pupille, à un sentiment de désillusion et de désabusement qui n’auront d’autre effet, en raison de l’absurdité de la situation d’anomie, à susciter de l’indifférence et de l’apathie.

Dans la pensée courante, rien ne ressemble plus à un dogme qu’une vérité irréfutable, i.e. nécessaire et universelle, mais c’est précisément parce qu’il révèle une telle vérité qu’un dogme est érigé en dogme: peut-être doit-on voir en un tel paradoxe l’expression d’une réticence à devoir accepter comme étant vrai un principe ou une loi que l’on n’a pas soi-même pensée ou découverte et ainsi céder de son autonomie intellectuelle et donner son assentiment à une compréhension de la réalité qui ne procède pas de son propre entendement et de l’illustration appropriée de ses facultés à saisir soi-même ce qui est apparu clairement — et peut-être de façon privilégiée, comme dans la révélation — à l’esprit qui les a aperçues et énoncées.

La trivialité du discours est souvent le signe de l’impréparation ou de l’incapacité à considérer les principes les plus élevés, pour le pas dire les grands principes ou les plus importants pour le cours de l’univers et la présence de la vie.

Lorsque le penseur se montre incapable de surmonter ses propres intérêts, afin de servir, par sa pensée, les intérêts de la vérité, la compréhension qu’il possède des choses se verra réduite au profit qu’il pourra en retirer pour soi et les termes sous lesquels il l’exprimera seront les reflets d’une vision qui ne saurait surpasser les visions immédiates, existentielles, conditionnées par l’espace et le temps, qui concernent et mobilisent sa pensée: ce n’est que dans la mesure où il parviendra à en faire l’abstraction qu’il réussira à se libérer de la douce contrainte que lui imposent ces conditions existentielles et à élever ces considérations au plan de la vérité des principes nécessaires et universels, grâce auxquels il transcendera sa condition humaine, étant limité en cela uniquement par la finitude d’une pensée et d’une imagination qui, si vastes fussent-elles, ne sauraient entièrement faire fi d’une réalité humaine soumise aux nécessités d’une existence biologique et d’une culture sociale.

L’existence que réfléchit l’intelligence de la conscience et que théorise le travail de la raison n’en demeure pas moins un état irréductible, premier, essentiel et nécessaire à ces activités de la pensée et elle représente à la fois le fondement réel et la puissance virtuelle, grâce auxquelles elles peuvent s’élaborer et s’accomplir dans leur quête de la vérité: elle est un préalable à celle-ci — d’où le principe sartrien de l’existence qui précède l’essence, dans la constitution du savoir —, mais cette priorité ontologique vaut d’abord pour l’être raisonnable et pensant qui s’engage sur la voie de la réflexion philosophique, mais ne saurait constituer l’ultima ratio d’une pensée qui s’active, se découvre et se réalise, puisque celle-ci apparaît comme étant l’achèvement d’une existence qui se vit et que, en la transcendant afin d’en découvrir la nature et les principes, elle se distingue d’elle et en fait abstraction, sous la forme d’un détachement qui, pour aboutir à sa perfection — la science, au plan intellectuel, et la sagesse, au plan moral — doit être en même temps désintéressé, ou se trouver dans la situation de pouvoir l’être, ce qui ne nie pas l’état de l’existence, mais l’applique à cette mission épistémologique et morale.

Puisque l’action d’aliéner signifie «|priver quelqu’un de ses droits», que ceux-ci soient naturels, civiques, sociaux, individuels ou collectifs, comment expliquer alors que si peu d’avocats se montrent empressés à spontanément relever cette entorse et à défendre généreusement ceux qui sont les victimes ?

Lorsque l’on considère une situation ou lorsque l’on interprète un propos, afin d’en dégager une signification, la tendance naturelle est d’accomplir cette action de manière à optimiser la puissance de vie qui est la sienne, en vertu de la nature et de la qualité de la situation qui conditionne son existence de sorte que toute conclusion ou toute généralisation qui viendront le compromettre seront jugées irrecevables, souvent a priori subjectivement, voire même qu’ils fussent de la plus haute vérité, lorsqu’elles sont considérées objectivement et de manière tout à fait désintéressée.

La justification ex post facto d’un état, qu’il soit politique, social ou particulier, lorsqu’elle s’avère amorale, c’est-à-dire lorsqu’elle se fonde simplement et exclusivement sur le désir habituel d’exister, plutôt que sur un désir d’exister qui est optimal, utilisera de tous les arguments suffisants à réaliser cette finalité afin de l’accomplir, et ne considère nullement comme étant nécessaire ni leur véridicité, ni leur cohérence, ni même leur éventualité.

Tout le mal consiste à choisir le moindre bien et plus l’on s’éloigne du meilleur bien à accomplir, plus le mal qui en résulte prend de l’ampleur et de l’importance et plus cet éloignement s’accomplit sciemment et en visant et en réalisant l’opposé du bien à réaliser, plus cela dénote la perversité du caractère chez ceux qui manifestent une telle disposition.

Le mal est la subversion du bien, soit en l’opposant directement et en commettant l’acte qui mène à l’effet qui lui est contraire, soit en minant sa réalisation et en causant que sa puissance se manifeste d’une manière moins complète qu’elle ne le pourrait autrement, si ce travail amenuisant ne s’était pas opéré.

La modernité, et cela devient plus clair avec Spinoza, a fait passer la conception de la vie d’un stade abstrait plus élevé, la puissance de l’être dans la plénitude de son essence, à la puissance de l’étant dans l’exacerbation de son existence, ce qui a signifié la substitution de la valeur contingente, temporelle et éphémère de l’avoir à celle, primordiale, éternelle et durable de l’être.

La censure est souvent le voile que jette la conscience critique sur un état, un événement, une situation, un savoir, une proposition ou une assertion qui ont jusqu’alors échappé à son examen et qui, en raison de leur surgissement inopiné, posent problème à son entendement, cela afin à la fois de ne pas avoir à admettre, à soi-même comme à autrui, son ignorance et de pouvoir les examiner en vue de déterminer leur vérité, leur éventuelle utilité ainsi que les risques qu’ils pourraient poser, comme les conséquences inattendues qui pourraient en résulter pour l’état de la société, la constitution de l’État qui l’oriente et la gouverne ainsi que la sécurité des particuliers qui la composent et qui, en diverses capacités, participent à sa vie et à son fonctionnement.

Suivre la lettre de la loi, mais non son esprit, c’est-à-dire utiliser la lettre de la loi afin de se soustraire aux impératifs de son esprit, constitue la manière la plus usuelle de l’illégalité, en lui conférant, par ce subterfuge trompeur, un degré de respectabilité qu’elle ne mérite pas de recevoir.

L’expression «crime parfait» est un oxymore puisque, ne sachant être bon, par définition, en raison de la matière de l’intention qui lui donne forme — quoiqu’il puisse être bon par accident, en vertu de l’effet bienfaisant qui en résulte de manière aléatoire —, il ne peut prétendre à une perfection matérielle et ne comporte de valeur morale pour son auteur que dans la possibilité pour lui d’échapper à toute poursuite juridique et pénale, ne pouvant être positivement identifié comme l’accomplissant, alors même qu’il est la cause effective de sa commission.

L’œuvre de l’homme ne peut s’accomplir sans égard pour la nature qui, directement, en utilisant ses matériaux ou des matériaux qui dérivent de ceux-ci, ou indirectement, en opérant sa configuration et en adaptant sa conduite et ses habitudes à celle-ci, la transforme et imprime sur elle un nouveau caractère: sauf que cette opération ne s’effectue pas gratuitement, puisqu’elle possède une finalité dont la qualité peut se comparer à des modèles optimaux, i.e. transcendants, qu’infusent en commun les idées du vrai, du bien et du beau qui, au moment de les réaliser, apparaissent comme étant paroxystiques, mais dont on s’aperçoit par la suite qu’ils peuvent être à nouveau perfectionnée — avec de nouvelles conceptions et de nouveaux matériaux — de sorte à en améliorer la composition toujours plus, à l’intérieur d’un processus qui a toutes les apparences d’être inépuisables: c’est seulement lorsque l’homme s’extrait de ce processus, par intérêt ou par amour-propre, que l’on peut dire alors qu’il échoue à sa mission civilisatrice.

L’ambition de toute institution étant de perdurer intégralement et d’une manière définitive, elle ne peut espérer réaliser cette permanence que si elle est effectivement parfaite, i.e. complètement et constamment à la hauteur de l’idéal originel qu’elle se propose d’accomplir — pourvu que celui-ci soit lui-même parfait et corresponde à une aspiration universelle et éternelle, à défaut de quoi il devient périmé, étant dépassé par ce qui l’est effectivement —, sauf à prétendre l’être afin de maintenir l’illusion d’un tel accomplissement. § Mais comme ce qui est parfait est susceptible d’une plus grande perfection encore — puisqu’il est dans la nature de la perfection de se parfaire à l’infini, sauf à nier le propre du vivant d’atteindre à une plénitude toujours plus grande de la vie —, toute prétention à une perfection effective, sans éventualité de connaître des transformations futures dans le sens d’une perfection plus grande encore, susceptible d’accommoder toutes les conceptions de la perfection, selon une idée adéquate du bon, du vrai et du beau, ne peut qu’être artificielle et factice, sauf à reconnaître qu’étant, elle est susceptible de devenir encore plus ce qu’elle est déjà effectivement.

D’un point de vue superficiel, le politique maintient, préserve, constitue et perpétue une manière d’être idéale, dont les élites sont réputés être les modèles et les membres de la société ses représentants vivants, aspirant à la réaliser pleinement; mais à un plan plus profond et essentiel, c’est une essence et une qualité de l’être que réalise, ou tend à le faire, le politique dans son action et celles-ci convient à la vie qui en anime et en finalise l’actualité ainsi qu’à la conception que la conscience s’en forme afin de constituer son existence et partage avec les consciences semblables dans leur existence commune, de sorte que la manière d’être qui caractérise un groupe social — amis et connaissances, famille, association, ethnie, peuple, État, nation — est toujours révélatrice — en puissance sinon en réalité, puisqu’un voile protecteur peut en masquer la vérité, soit par pudicité, soit pour la sophistiquer — d’une essence qui lui est propre et qui participe, à un degré plus ou moins adéquat, à celle de la Vie dans toute la plénitude de sa possibilité et de son accomplissement.

Ne pas garder le silence, lorsque l’on devrait s’exprimer, et parler pour ne dire que des choses qui sont sans conséquence; ne pas être présent, lorsque l’on devrait l’être et être présent, lorsque c’est indifférent que l’on y soit; ne pas se souvenir, lorsque ce serait nécessaire de se remémorer et se souvenir d’autres choses que ce qui est juste et vrai; ne pas dire ce qu’il importerait de révéler et dire ce qui est banal et superficiel: voilà autant de situations qui requièrent à la fois une conscience morale développée, un discernement pratique des enjeux de l’existence et des capacités individuelles requises afin de répondre adéquatement aux défis qu’ils soulèvent pour elle.

L’esprit colonial, lorsqu’il s’accompagne d’un complexe de supériorité culturelle, ce qui est souvent le cas, parvient le plus souvent à trouver sa propre confirmation dans l’expérience, mais non pas de manière impartiale: car estimant à prime abord être doué d’une qualité morale ou intellectuelle supérieure, en raison d’être issu d’une civilisation au passé brillant et glorieux et d’avoir bénéficié de la richesse d’une éducation privilégiée, ce qui justifierait le rôle acculturant qu’il est actuellement appelé auprès des membres d’une culture étrangère, le mentor tendra à évaluer le rendement de celui-là à la lumière des théories et des valeurs qui lui furent enseignées et inculquées, sans estimer que celles qui habitent l’intelligences de se pupilles et de ses protégés puissent les valoir, voir même les surpasser et, les évaluant en conséquence, ne peut que conclure en leur inadéquation et donc à l’infériorité morale et intellectuelle de ceux qui les possèdent.

Plus la connaissance est complète et parfaite, plus l’âme acquiert l’humilité sincère et profonde, car cette connaissance inclut — nécessairement — le sentiment de la majesté et de la grandeur de Dieu.

Tout communiquer, seulement par des gestes, sans prononcer de mots, ou en demeurant discret, énigmatique et mesuré dans l’usage de la parole, voilà la fin de l’action symbolique.

Dans le débat historique qui oppose la continuité de l’histoire à sa discontinuité, et nonobstant toutes les péripéties qui pourraient caractériser son mouvement et qui, dans les distinctions radicales que celles-ci pourraient laisser entrevoir — les changements de régime (conquêtes, usurpations du pouvoir  et révolutions), les ruptures épistémologiques, les changements de paradigmes et les crises axiologiques (à l’origine de l’alternance des époques et des civilisations), les perturbations écologiques majeures et les catastrophes majeures (suscitant l’alternance des périodes glaciaires et des périodes de réchauffement, l’extinction majeure des espèces) ainsi que, depuis l’avènement de la vie intellectuelle et rationnelle sur la terre, les renversements idéologiques et l’altération des mentalités populaires comme l’apparition des conceptions religieuses innovatrices — et qui tendraient à confirmer la thèse de la succession des discontinuités, il y a une continuité qui se laisse entrevoir, à l’intérieur d’un schéma ontologique, à savoir celle de la matière (i.e. de l’univers) qui donne suite à l’apparition de la vie et d’espèces, de plus en plus complexifiées et diversifiées, puis de la conscience, du sentiment et de la raison, une genèse qui révèle bien une manière de discontinuité, mais dans le sens d’une perfection qui se réalise, d’une entéléchie qui appartient à la fabrique de l’univers, et qui renvoie à la continuité d’une essence et d’une substance qui sont originaires à ce commencement et à ce déroulement.

Toute expression de soi, pourvu qu’elle trouve son origine en soi, constitue une manière d’auto-justification, c’est-à-dire une émanence dont la qualité, valable plus ou moins universellement puisqu’elle est estimable autant par autrui que par soi en tant qu’elle reflète les valeurs transcendantes du beau, du vrai et du beau, et qu’elle est d’autant plus admirable et digne d’émulation qu’elle les représente, à des degrés divers, dans leur plénitude, devient l’argument du mérite qu’il y aurait à l’affirmer par sa conduite, à la chérir, à la conserver, à la perpétuer, à la préserver, à l’entretenir, à la défendre et à la diffuser.

C’est l’amour de la justice qui prescrit le devoir, l’amour du prochain qui en sent la nécessité et le désir sincère et profond de l’accomplir, l’un et l’autre, qui en forme et en informe l’action: sans ces sentiments, la justice n’est plus qu’un ordonnancement à effectuer, le devoir n’est plus que préceptes à appliquer et à faire appliquer, l’action, une conformité à l’obligation, et le prochain, un moyen vers une fin: l’impératif catégorique de Kant, qui proscrit cette instrumentalisation d’autrui, cache en réalité un impératif moral encore plus important qui s’ancre, non plus dans la raison, comme cela est enseigné habituellement dans les milieux universitaires — quoique celle-ci en soit le moyen par excellence de son énonciation —, mais dans le complexe du désir qui associe l’intelligence de la valeur à réaliser et le sentiment de la valeur éminemment morale de celle-ci.

La question de la relation entre le fait et le droit est le problème juridique fondamental, non seulement en ce qui concerne les situations actuelles, mais aussi dans la formation, l’application, l’évolution et la perfection du droit qui doit toujours composer avec le fait à chaque moment de sa vie dans l’histoire et dans la civilisation qui en cultive l’action.

En raison d’un défaut du souvenir, dont la cause reste toujours à être découverte, l’hystérisme se caractérise par une ignorance inconsciente — refoulée diront certains, et par ailleurs susceptibles d’opposer une résistance à leur anamnèse  — des conditionnements produits par les expériences du passé sur les conduites actuelles et, en raison de cette atrophie du souvenir, de la prédisposition et de la détermination qu’ils opèrent sur les attitudes habituelles de la personne qu’elle tient sous son voile opaque.

Une réflexion critique sur l’actualité demeure une réflexion sur un monde qui évolue et les interprétations qui en sont issues tendent à s’inscrire à l’intérieur de ce mouvement et confirmer, affirmer ou infirmer les valeurs qui en apporteront l’issue la plus favorable , telle que les conceptions, les croyances, les valeurs permettront de l’entrevoir: ce n’est que lorsque l’actualité est révolue, qu’elle peut se désigner être l’histoire, que son évaluation peut s’accomplir de manière plus détachée, mais cette fois-ci à la lumière des conceptions, des croyances et des valeurs plus universelles, spécifiées cependant par la culture dont elle est issue et la tradition et la culture qui en forme le cadre épistémologique et idéologique.

La vertu et le vice se concevant plus aisément lorsqu’il s’agit de les définir dans leur essence, mais la tâche la plus difficile consiste à les identifier, agissants, en chaque personne individuellement, alors que le vice, afin de mieux réaliser son efficace corrupteur, se pare très souvent des atours de la respectabilité — en hommage sûrement à la valeur intrinsèque indéniable de la vertu à laquelle elle reconnaît une antériorité, une priorité et une primauté —, tout en demeurant foncièrement mauvais et maléfique (v.g. le vicomte Valmont dans Les Liaisons dangereuses) et que la vertu, parfois et peut-être souvent exposée, hélas !, à la corruption avant même qu’elle ait pu se connaître, et développant inconsciemment des habitudes qui correspondent à cet avilissement, parfois même à l’insu du principal intéressé, n’est visiblement présente que chez les âmes qui, en raison de leur clairvoyance et de leur perspicacité, ont eu la bonne fortune de la conserver et la capacité infuse d’en connaître la présence et la valeur pour elle.

Si ce n’est déjà fait, la sociologie devrait porter une attention particulière aux détournements de la parole, tels que la médisance, la calomnie et les jugements téméraires et hâtifs, autant d’actes verbaux ad hominem, souvent fondés sur des préjugés individuels, familiaux, de classe et culturels, ainsi que leur formes dérivées formelles, telles les allégations judiciaires, les imputations médiatiques et les diagnostics médicaux, ou informelles, telles les caractérisations infamantes et les analyses dérogatoires, utilisées dans l’opération des mécanismes sociologiques ou politiques du contrôle social et dans l’attribution des biens sociaux, les récompenses et les titres, garants du prestige social et moral.

L’on oublie trop souvent que l’ignorance, au plan de la connaissance, et de l’inexpérience, à celui de la pratique, sont des formes de l’inconscience, même chez les personnes douées de la meilleure des volontés au monde, et qu’elles peuvent concourir à promouvoir et à maintenir l’injustice sociale, d’où le rôle important, dans la vie de la culture et de la société, de l’éducation et de la supervision, aptes à compenser l’une et l’autre déficience, dans le perfectionnement professionnel d’un individu.

Le caractère inévitable de l’erreur et de la faute, qui sont susceptibles d’être commises en raison de l’imperfection et de la perfectibilité de la nature humaine — l’une et l’autre étant un aspect complémentaire de la réalité de l’homme —, n’est pas exclusif, cela étant, du devoir que chaque personne et, le cas échéant, chaque organisation ont d’en reconnaître la présence, d’en réparer les conséquences délétères, d’amender les dispositions et les actions qui ont pu entraîner leur occurrence et de compenser, dans la mesure du possible et en autant où cela tient de son ressort, les inconvénients et les préjudices subis par les individus qui en furent les victimes.

La conception inadéquate qu’autrui entretient au sujet de soi-même, qu’elle soit incomplète ou erronée, qu’elle se fonde sur la simple ignorance ou sur la malice qualifiée, plutôt que sur la bienveillance et la mansuétude, le préjugé individuel ou la perspective issue de la mentalité familiale ou culturelle — une forme de l’ignorance qui s’ignore —, peut devenir une prison sur la personne, surtout lorsqu’elle se recrute l’aval d’une autorité extérieure, ou qu’elle procède directement de celle-ci, laquelle utilisera les moyens sociaux et politiques à sa disposition afin de la réaliser concrètement.

La vertu et le vice se conçoivent plus aisément lorsqu’il s’agit de les définir dans leur essence, mais la tâche la plus ardue consiste à les identifier agissants en la personne individuelle, alors que le vice, afin de mieux encore réaliser son efficace corrupteur, se pare des atours de la respectabilité, tout en demeurant pervers et maléfiques (v.g. le vicomte Valmont dans le roman épistolaire Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos) et que la vertu, souvent même exposée aux tentatives avilissantes de la corruption avant même qu’elle ait pu se connaître, et développer une conscience d’elle-même, et développant inconsciemment, à l’insu du principal intéressé, des habitudes faussées qui correspondent à ce détournement, n’est ostensiblement présente que chez les âmes qui, en raison de la force de leur disposition intérieure, de leur clairvoyance et de leur perspicacité, appuyées en cela par un entourage vigilant, ont la capacité infuse et la bonne fortune de la reconnaître et d’échapper à leurs pièges.

Qu’ils soient fondés sur les fins de la raison, sur les sentiments du cœur ou sur les inclinations des sens, les motifs qui fondent les relations amoureuses, transitoires et plus ou moins éphémères, mirent et reproduisent ceux qui président à la formation des couples qui est plus durable et plus stable, ou qui a toutes les apparences de l’être, les réunissant à des degrés divers, séparément ou en combinaison, et selon un ordre de priorité qui variera d’un couple à l’autre.

La plus haute mission de l’homme, comme de la femme, consiste à réaliser la vie, ce qui signifie non seulement fonder une famille, mais aussi définir  les conditions, tant matérielles que culturelles, sociales, politiques et spirituelles de sa préservation et de son accomplissement, autant dans son aspect individuel des personnes que dans la dimension collective des ethnies, des sociétés et des États — un projet ambitieux, s’il n’en est —, puisqu’il implique de surmonter l’égoïsme et de fonder les relations, autant commerciales, financières, politiques, économiques que sociales et inter-personnelles, sur la justice et le droit qui en font la promotion, dans la reconnaissance mutuelle et l’interdépendance des rapports, que caractérise l’émulation des qualités et des vertus des individus qui les entretiennent.

Le problème de la quadrature du cercle est né de la volonté de résoudre le dilemme, apparemment insoluble, que pose à l’infini l’action, soit d’enclore le carré dans le cercle, soit d’inclure le cercle dans le carré, alors que le premier argument appelle l’autre dans la raison, selon un mouvement dialectique qui fait intervenir la préférence de l’un des deux arguments sur l’autre et de la valeur symbolique qu’ils peuvent éventuellement représenter.

L’ignorance est un mur impénétrable, opposé par le savoir, ou à pénétrabilité variable, selon l’importance de la disposition à l’erreur, un obstacle contre lequel se heurte l’esprit de vérité dans sa tentative d’examiner toutes les sciences traditionnelles éventuelles qui prétendent y conduire et en énoncer les matières, ou encore de partager avec ses semblables celles qui lui sont devenues évidentes, à l’occasion d’une recherche pondérée et sérieuse: cette barrière devient osmotique lorsque la vérité énoncée semble plausible et apte à se réconcilier avec les connaissances acquises ainsi que l’épistémè ambiante qui prévaut, méritant par conséquent un examen approfondi afin d’évaluer, non seulement sa recevabilité, en vertu de respecter le critère de la vérité pleine et entière, adéquatement conçue, autant dans sa profondeur que dans sa compréhension, mais encore les conséquences éventuelles, aptes à être produites sur la stabilité de l’ordre social et politique sur lequel repose le trésor des idées préalablement reçues et cautionnées par l’autorité épistémologique de la culture.

S’il existe un devoir de mémoire, c’est qu’il existe également une disposition à oublier jusqu’aux souvenirs marquants et significatifs pour une collectivité, comme singulièrement pour les individus: ceci constitue également un aspect de l’ignorance qui, lorsqu’il est associé aux sentiments de la honte, de l’humiliation, du remords ou de la culpabilité, peut alors devenir un mobile de l’oubli, lorsqu’il est intentionnel, ou du refoulement, lorsque les raisons de cet offusquement trouvent leur racine dans l’inconscient.