mercredi 10 juillet 2024

Euthúmèma XXX (réflexions)

[Depuis le 10 juillet 2024, avec mises à jour périodiques. — Since July 10th 2024, with periodical updates.]

Si la liberté se définit comme étant uniquement la possibilité de faire ce que l’on se sent impulsé à faire, une telle définition serait insuffisante car elle ne toucherait qu’à la liberté d’agir sans égard pour la qualité de l’action qui est suscitée. § Or, une liberté pleine et entière suppose la possibilité de réaliser une action qui soit la meilleure possible pour soi comme pour autrui, comme pour l’ensemble de la société, entendu dans son sens le plus large et compréhensif, ce qui suppose une connaissance de cet état excellent et l’adéquation de celui-ci à l’idée que l’on serait susceptible d’en posséder, en même temps que l’aptitude complète et sans empêchement à le produire.

La seule puissance qui puisse réellement l’emporter sur l’amour, en admettant que cela fût possible, c’est un amour encore plus fort et encore plus grand.

Le désintéressement des uns n’excepte pas les autres, ni les exempte, de leur devoir de justice.

Les cinq composantes psychologiques du langage, se manifestant sur deux axes, celui de l’intériorité (in foro interno) et celui de l’expression (in foro externo), sont la spontanéité, la profondeur, l’authenticité, la cohérence et la compréhension: la spontanéité décrit la facilité de l’accès, par la conscience, au contenu de la pensée et de son expression; la profondeur, la capacité d’explorer le contenu de la pensée, autant en remontant à sa source que dans l’appréhension de ses principes et de ses conséquences comme de ses fins et de ses virtualités, comme dans la possibilité qu’elle a d’exprimer ses significations et d’en entendre les manifestations; l’authenticité, celle d’en saisir clairement et d’en ressentir adéquatement la matière, et celle de l’exprimer telles qu’elle se manifeste à l’intelligence et à l’esprit, sans les modifier et avec le désir de la révéler entièrement, sans altération ni censure; la cohérence, celle de rendre conforme le contenu de la pensée, autant à la nature et à la complétude de l’expérience intérieure, qu’aux propos qu’il génère qu’aux conduites et aux actions qui en résultent; la compréhension, celle d’embrasser l’entièreté de l’expérience intérieure, autant de la pensée que de l’expérience à laquelle elle est exposée, dans la motivation qu’elle éprouve d’en saisir et d’en percer les arcanes, les énigmes et les mystères.

L’égoïsme ou l’altruisme sont les deux états moraux fondamentaux qui président aux rapports de l’homme avec son milieu et conditionnent les deux idéologies primordiales de la pensée humaine: lorsqu’ils influent sur le conservatisme, ils déterminent son orientations prioritaire, qui est celle de maintenir un statu quo, soit en fonction exclusivement de la préservation de soi et de ses biens, parfois même, sous sa forme radicale, au détriment de celle d’autrui, soit en fonction de la justice sociale qui se fonde sur le principe aristotélicien de rendre à chacun son dû, parfois même, lorsque la justice le commande, au détriment de soi et de ses biens, lorsque l’injustice qui prévaut a pu influer sur l’état individuel ou social en lequel se retrouve le particulier et jusqu’au groupe de son appartenance sociale et économique, s’il advenait un juste retournement des choses; lorsqu’ils influent sur le libéralisme, la distinction se maintient au plan de la justice et considère, d’une part, les transformations qui s’opèrent dans son état, fondées uniquement sur le désir de la puissance de produire une amélioration qui ne bénéficie d’abord qu’à soi et aux siens, sans égard, sous sa forme radicale, pour celle qu’autrui pourrait désirer pour soi-même et les siens, et de l’autre, celle qu’un principe de justice, adéquatement et équitablement conçu, en vertu de distinctions essentielles et naturelles dûment reconnues, même au détriment de soi et des siens: lorsque ce principe de la justice le commande, et afin de préserver l’équilibre entre ces deux tendances, il sera juridique de faire prévaloir le principe de la justice sur celui de l’intérêt et de faire reposer l’intérêt individuel sur la reconnaissance mutuelle de celle d’autrui qu’éclaire une connaissance adéquate et complète, à la fois théorique et pratique, du principe de la justice et de son application effective aux diverses situations et aux circonstances variées qui reçoivent son examen.

Une sexologie qui se respecte doit non seulement reconnaître le principe fondamental qui est le fondement d’une relation harmonieuse entre les sexes — l’amour dans sens adéquat et premier, tel que l’intuition individuelle comme une étude de la philosophie, de la mythologie, et de la théologie l’enseignent, mais encore l’opposition première et fondamental qui est apte à la détruire, celle qui privilégie le hédonisme, la recherche exacerbée du plaisir, fondé sur la recherche de la sécurité et du sens de la connaître, qu’un sentiment correspond confirme à chaque moment, au détriment du bonheur qui résulte de son accomplissement complet selon l’expression d’une moralité achevée et des moyens qui peuvent être employés afin de faire primer une option morale sur l’autre, le tout dans le plus pur respect du principe de la liberté.

Toute œuvre est le produit d’une conjoncture qui réunit, en vue d’un résultat, l’action (ou l’inaction), l’intention, la condition (ou la prédétermination), la fin (le motif), un agent, un objet, une expérience, une existence, un milieu (l’environnement), une pensée (le logos), un raison (la ratio), un cœur (le mobile), une volonté, un savoir, un ordre de valeurs, ainsi qu’un sens de l’organisation comme de l’excellence.

Toute profession — sauf à être par nature réellement criminelle dans sa recherche et dans son activité, en lequel cas le principe qui suit s’appliquera à l’intérieur d’un ordre parallèle dont la justification en prendra, mais faussement, les apparences et les symboles — agit à l’intérieur d’un ordre social clairement défini en fonction d’un ordre de valeurs estimable, bienveillant et optimal et requiert la participation de la société afin de réaliser son action en vue des bienfaits qui en résultent éventuellement. § Ainsi en est-il de la médecine et de toute profession aidante pour lesquelles ce principe doit servir à l’appréciation de sa contribution et de la valeur de ses initiatives, de sorte que l’aide médicale à mourir doit se subsumer à un bien individuel et social que cautionne la société ainsi définie juridiquement et moralement et peut-être même elle serait une extension de sa propre action — la propulsion à mourir peut être elle-même active (sous la forme d’un encouragement) ou passive (sous la forme d’une indifférence) —. § Combien mieux alors ne serait-ce pas si en contrepartie, sinon à l’origine, une aide médicale à vivre, qui serait le complément plus pointu, spécialisé et délibéré, d’une aide sociale à vivre — active par l’encouragement positif apporté en ce sens chez ceux qui seraient démotivés dans ce mobile ou passive par le sentiment qui se dégage en chacun de ses membres à soutenir et à promouvoir l’élan vital et la volonté de vivre présents en tous et en chacun.

Le narcissisme masculin commande que la femme cesse d’être femme, en renonçant à ce qui constitue l’essence de sa féminité, afin de mieux témoigner de son amour pour l’homme: ainsi en va-t-il pour le narcissisme féminin, lorsque la femme pose la même condition à l’homme, en exigeant qu’il trahisse sa masculinité afin de mieux savoir l’aimer: voilà quel est l’enseignement moral du mythe d’Uranus et de Ge (ou de Gaïa).

Lorsque l’on considère toutes les ‘raisons’ pour lesquelles l’on disqualifie son congénère de recevoir toute considération à ses yeux — l’âge, le niveau d’éducation, l’appartenance culturelle, sociale, matérielle, religieuse, le niveau social et/ou économique, l’état civil et/ou professionnel, etc. —, l’on retrouve là-dedans autant de raisons que l’on se donne afin de ne pas avoir à se confronter à la seule chose qui importe vraiment, l’essentiel, ni même à concevoir ce que pourrait en être la nature ou encore la réalité même de son essence et de son existence.

La conception protagoréenne qui veuille que l’homme soit la mesure de toute chose signifie que toute science ne saurait en puissance dépasser les capacités de l’homme à la concevoir, lesquelles capacités, si immenses fussent-elles ne sauraient prétendre à être infinies, l’homme n’étant lui-même qu’une essence finie, sauf à concevoir l’intelligence et la raison comme étant des facultés en puissance, ce qui poserait l’aporie d’expliquer qu’une faculté infinie — la conscience — puisse informer une individualité finie, sans que celle-ci ne puisse en être, ni la cause, ni la source, ni même la raison ultime de son essence.

L’esprit de contestation est souvent l’attitude par laquelle la personne, devant l’ambiguïté d’une conjoncture ou d’une situation, éprouve celle-ci en refusant systématiquement de s’y adjoindre en vue d’en clarifier la nécessité et d’interroger le destin sur ce que celui-ci leur présenterait comme en étant la seule voie véritable à suivre: ainsi, de la négativité viscérale qui la révèle originellement procédera une compréhension de plus en plus précise et raffinée quant à ce qui serait l’expression suprême du bien qu’il serait impératif de manifester et d’exprimer.

Harmonisations éventuelles qu’il serait concevable d’atteindre dans l’intellect et qu’il serait désirable au plan de l’existence: la théorie avec la pratique; l’essence et l’existence; l’acte et la puissance; le phénomène et le noumène; la vie avec la réalité; l’amour avec la sexualité; le droit avec la médecine; l’idée avec l’objet; le corps avec l’âme et l’esprit; l’immanence avec la transcendance; le droit civil et le droit coutumier; le droit profane et le droit canon; les religions entre elles; la morale et la politique; le bien, le bon, le vrai entre eux; l’Église, l’État, la société, la communauté entre elles, etc.

Trois conditions nécessaires, en interaction et en potentialisation constantes, dans la réalisation de l’amour: l’attraction mutuelle, souvent mystérieuse quant à son apparition et inexplicable quant à sa raison d’être, au plan des esprits et des cœurs, et dont le développement est favorisé par la possibilité de se reconnaître et de cultiver un lien psychique; l’interpénétration ontologique des âmes et des corps qui est le résultat naturel et spontané des sentiments qui, par le désir et la rencontre physique rend possible cette virtualité et la réalisation qui en résulte et qui, par elle, trouve son épanouissement.

Le miracle, c’est le désir qui, étant conforme à la justice et valable en droit, se réaliser mystérieusement dans l’immédiateté de sa possibilité; la progression, celui dont la valeur juridique se confronte aux conditions d’une réalité afin de se réaliser éventuellement, grâce à l’effort en ce sens.

Tel est celui qui, tout en professant regretter amèrement ses fautes, profite allègrement de leurs fruits.

L’ironie de l’expérience et de l’état de la vertu éprouvée au creuset du temps et des expériences vécues, c’est que les conclusions que l’intelligence serait légitimée à formuler, quant à leur valeur effective, deviennent vite invalidées par un critère extérieur — tel que la jeunesse et l’énergie qu’elle autorise à dépenser, ou encore la difficulté matérielle qu’il y aurait à mettre en œuvre des solutions raisonnables qui s’imposent en vertu d’une analyse approfondie et compréhensive — que l’on vient arbitrairement à imposer comme étant la condition nécessaire à leur exemplification et à leur illustration.

Aimer Dieu plutôt que la femme (ou l’homme dans l’éventualité contraire), souvent proposé devant l’expérience de l’amour déçu ou en prévision d’une telle déception, afin de pallier aux douleurs que les contrariétés de l’amour apportent souvent avec elles, mais ce qui semblerait être une meilleure alternative encore serait d’aimer Dieu dans et par la femme (ou inversement, pour la femme, dans et par l’homme), dans l’attente de celle (ou de celui) qui est destiné en ce sens et avec la grâce de la patience et de la résolution requises afin de témoigner de la foi que l’amant (ou l’amante) possède que cette rencontre se produira bel et bien un jour.

Avoir raison, c’est bien; mais ce qui est encore mieux, parce que plus satisfaisant, c’est de constater que la justesse de l’appréciation qui mène à cette conclusion trouve à persuader à des esprits sérieux de la validité et de l’importance de ce jugement pour l’amélioration de la situation sur laquelle il porte et les entraîne à agir en ce sens sur les circonstances qui la déterminent autrement.

L’on propose souvent que le pouvoir, la richesse et le plaisir, seuls ou ensemble, sont les faux ressorts du bonheur, mais l’on omet souvent d’ajouter à cette liste le prestige et la gloire.

Peut-on nommer une vertu qui, étant présente en l’homme, serait estimée être honorable et qui, l’étant en même temps chez la femme, d’une manière qui est entièrement conforme à sa nature, ne le serait pas également et au plus haut point ?

Le paradoxe, c’est que, en général, l’on se défend moins bien contre la personne qui, par ignorance, agit erronément, voire sans malice, que celle qui agit avec malveillance, dans l’intention pleinement délibérée de commettre son forfait: car si celle-ci n’a aucune prévention à agir par calcul comme elle l’entend, puisqu’il y va exclusivement de son intérêt, quelqu’en soit la nature, sans égard pour celui d’autrui, celle-là agit souvent en croyant avoir épuisé sa science, sans réaliser qu’elle est imparfaite, et dans l’illusion d’ainsi accomplir le bien d’autrui. § Ainsi, afin de se défendre de calculs somme tout malhonnêtes, il suffit de savoir pressentir la vilénie de ses mobiles, malgré l’artifice employé à mieux masquer le jeu qui les déploie  — ce qui ne va quand pas sans poser des difficultés, proportionnées au génie du coquin —, alors que pour les desseins bienveillants mais exécutés de manière malhabile, il s’agirait d’avoir une science universelle, ou en tout cas plus complète que celle de leur agent, en plus de constamment se méfier d’une habileté trompeuse, ce qui s’avère particulièrement pénible, puisque toute action sociale se fonde sur une confiance mutuelle et que, en refusant de l’accorder, l’on participe à la dissolution du tissu social dont la cohésion est assurée par l’acte de foi qui en est issue en même temps que l’on refuse à l’individu la possibilité de commettre des erreurs, dont ensuite il peut éventuellement  apprendre.

Cinq aspects constituent l’histoire: le structurel, le conjoncturel, le matériel, le substantiel et l’informationnel, le tout en vue d’une finalité — le Bien — qui donne un sens et donc une raison d’être à la conscience qui en anime le mouvement, considéré en termes d’une progression et / ou d’une régression.

Puisque l’on est toujours le barbare de quelqu’un, il serait souhaitable alors, afin de mieux reconnaître l’expression de la civilité, dont on se défend avec cet épithète, d’en encourager l’état et d’en favoriser l’avènement, le développement ainsi que la préservation, définir ce que serait la nature de la barbarie, en décliner la qualité ainsi que les manifestations afin de leur opposer ce qui en nuirait à la fois l’exemplification, les effets déplorables et la contagion.

Une collectivité réellement vivante ne peut se constituer autrement qu’avec des membres, agents politiques et acteurs sociaux, réellement vivants et elle le sera d’autant plus complètement et entièrement que ceux qui appartiennent à celle-ci le sont également, sincèrement et fermement engagés qu’ils sont à l’être, individuellement et en synergie, et à le devenir plus encore.

L’expérience active, c’est l’affirmation continuelle que la personne accomplit de sa propre existence; la conscience qu’il en possède et qu’il en communique en est la justification objective et la dimension inconsciente qu’elle comporte subjectivement, pour soi et pour autrui, en sont les ressorts automatiques ou habituels qui la caractérisent, sans que la personne n’en saisisse ni l’action implicite ni les raisons qui s’ancrent dans des conditionnements préalables, résultant d’expériences antérieures qui entrent en résonance intérieure avec la totalité de son expérience individuelle, autant celle qui est inscrite dans sa mémoire, parce qu’elle s’est déjà formée, que celle qui est appelée à s’y additionner de la même manière, puisqu’elle doit toujours subvenir, selon le mouvement général de la vie, des conditionnements qui ont développé en lui comme une seconde nature et que la personne cherche à appréhender, en interrogeant son souvenir et celui qui habite la mémoire de ses proches et jusqu’à la mémoire collective — y compris celui qui renvoie à une expérience familière ou analogue, avec les nuances et les distinctions qu’il convient de leur apporter —.

Ce n’est pas parce qu’un tiers le dit que l’on est aliéné, individuellement, socialement, politiquement ou culturellement, ni parce qu’aucune opinion en ce sens n’a été préalablement formulé que l’on ne l’est pas, mais lorsqu’une telle aliénation existe et qu’elle est imperceptible, même en la personne qui l’éprouve, elle peut être à ce point profonde et le processus qui l’a produite durable, continuel, implicite et insidieux, qu’elle est assumée complètement par la conscience à l’intérieur de la personnalité, de sorte que la première prise de conscience que la personne en fait est celle qui résulte de la réalisation, souvent intuitive et spontanée, qu’elle pourrait devenir une personne autre, si seulement elle parvenait à cerner ce je-ne-sais-quoi — susceptible de prendre ultérieurement l’aspect d’un blocage intellectuel, émotionnel et parfois même corporel — qui l’empêche de s’épanouir, de s’améliorer et de se perfectionner, c’est-à-dire de devenir la personne la plus achevée qu’elle est réellement, avec le sentiment concomitant, si infime et silencieux fût-il à l’origine, d’une insatisfaction d’être actuellement qui elle est, comme elle est, et comme elle et devenue.

Voilà quel est le terrible paradoxe de l’état de la sécurité que l’on ressent être complète: d’un côté, le sentiment de pouvoir réaliser sa nature librement et sans entrave, en vue d’un accomplissement complet et optimal; de l’autre, la tentative de fuir ces occasions remplies d’incertitude et de possibilités adverses qui pourraient priver de cette jouissance d’une tranquillité que rien ne perturbe et ainsi de ne pas savoir faire confiance en la jouissance suprême de la protection accordée par une Providence bienveillante et salutaire, un sentiment qui émane lorsque l’on est exposé à des épreuves non-sollicitées et même imméritées, dont la difficulté appréhendée paraîtrait  être au-delà de la capacité que l’on possède de les surmonter, ce qui aura pour effet de ne plus savoir porter attention à Ses manifestations subtiles mais néanmoins réelles qui viennent ébranler les certitudes les certitudes les plus solides et défier les suffisances les plus tenaces.

L’entêtement et la résolution appartiennent pour l’essentiel à la même catégorie d’attitude morale et ce qui les distingue, quant à leur raison d’être et à la valeur qu’ils mériteraient de recevoir, c’est la bonté et la justesse du motif qui en fonde la justification que l’on cherche à leur apporter, autant à l’un qu’à l’autre.

La philosophie, résumée brièvement, c’est l’action par laquelle la conscience éprouve le désir de parvenir à l’intelligence des choses, la volonté d’initier les moyens de cette réalisation, le courage de les mettre en œuvre, la capacité d’en exprimer les intuitions que l’on en acquiert ainsi que de régler ses conduites et ses actions, individuelles et/ou collectives, sur elles.

Les écrits sont comme des vins: certains sont prometteurs, et d’autres le sont peu, et ils confirment le sentiment qui leur est porté, soit en réalisant leur promesse, soit en ne démentant pas l’impression de médiocrité qu’ils laissaient alors que d’autres, exceptionnellement, paraissent  d’une excellence telle qu’ils soulèvent toutes les espérances de ne pas décevoir, devant l’épreuve du temps qu’ils affronteront nécessairement alors que d’autres sembleront à prime abord quelconques, mais acquerront une qualité telle, avec le passage du temps, qu’ils parviendront à marquer les générations futures par la qualité du génie qu’ils révèlent.

Depuis qu’elle est science, cette discipline se définit positivement, c’est-à-dire qu’elle étudie le résultat obtenu, lorsque l’on fait intervenir la variable X, ou une combinaison de variables X, Y, Z sur une situation qui autrement demeure constante. § Mais il existe en théorie une science que l’on pourrait nommer négative qui, elle, s’intéresserait à un résultat obtenu si, pour une situation constante quelconque, l’on négligeait de faire intervenir une variable X, ou une combinaison de variables X, Y, Z (que l’on sait ou que l’on devine, par hypothèse, être nécessaires ou importants) et il importerait qu’une telle forme de la science, qui participe actuellement surtout de la connaissance informelle et traditionnelle, celle dite d’expérience, acquiert dorénavant un statut épistémologique formel.

En admettant que Éros est la puissance de la vie, une action X, ou l’inaction correspondante -X, peut, selon les circonstances, agir sur une situation et selon un jugement — c’est-à-dire une discrimination — salutaire de manière à promouvoir et à favoriser la vie: ainsi, lorsque l’on administre un médicament — ou que l’on mette en œuvre toute autre pratique bienfaisante — afin de guérir une personne, ou que l’on empêche que cette personne n’ingère une substance vénéneuse qui pourrait la rendre malade; et tout aussi bien obtiendra-t-on un résultat analogue mais contraire, si on commettait un ace Y, ou si l’on omettait de produire un acte -Y, par exemple en administrant un poison afin de faire perdre la vie à un individu ou en n’empêchant pas, sciemment, une telle action, si l’on avait la possibilité de le faire, ce qui conduirait au même résultat funeste. § Une science qui étudierait les premières formes de cette causalité — soit l’action qui soit apporte la vie, soit cause la mort — serait dite «positive» et celle qui discernerait les secondes formes — l’inaction qui produit un effet semblable — serait dite «négative».

En ploutocratie, l’utilité que l’on attribue à la balance de dikè est de beaucoup moins importante que celle qui est accordée à celle de hadès (ploutos).

Les droits que l’on prend la peine de déterminer, de spécifier et de garantir sont ceux qui, dans la réalité, sont inexistants (puisqu’ils sont uniquement pensés et pensables) et qu’il s’agirait alors d’instaurer et de déployer l’effort collectif, ainsi que les efforts individuels, en ce sens, autrement quel sens et quelle utilité y aurait-il à les énoncer, s’ils étaient déjà reconnus, agissants et effectifs, sauf à dire éventuellement que ces droits sont ceux dont jouissent déjà, de facto, certains privilégiés et que, par un souci d’équité — avec la charité, l’un des deux piliers de la justice —, le législateur et le juriste souhaiteraient, de jure, l’étendre à la généralité ?

La sociologie anthropologique a défini trois types de culture: celles qui se fondent sur le sentiment de la culpabilité afin d’assurer la conformité de ses membres et ainsi la cohésion sociale; celles qui se fondent sur la honte afin de réaliser la même fin; et enfin celles qui privilégient l’évocation de la crainte. § Les premières définiront alors plutôt une société civile, basée sur le développement d’un sens de la moralité; les secondes, une société politique pour laquelle l’extrincésité des codes civiques, fondées sur une pensée éthique, constitue la manière consensuelle d’envisager les rapports sociaux; et la dernière, une société autoritaire pour laquelle la volonté de l’ensemble est gouvernée par une volonté générale, telle qu’elle est incarnée dans la personne d’un souverain — une personne ou un corps d’individus — et exprimée par les institutions qui le représentent. § Et puisque ces trois sentiments coexistent, à des degrés et selon des proportions différentes, à l’intérieur de chaque société, l’on retrouve habituellement le mélange des trois formes de contrôle social et de gouvernement, à l’œuvre à l’intérieur de l’ensemble social: or seul un idéal commun, le plus élevé qui soit puisque lui seul est apte à inspirer la conscience collective et à rallier les consciences particulières qui la constituent, et un courage invincible, susceptible de surmonter les obstacles qu’il rencontrera afin de passer, de l’être de raison qu’il était, en être véritablement réel, que fondent les idées transcendantes de la Bonté, de la Beauté et de la Vérité en coexistence mutuelle et réciproque.

Devant toute situation, y comprises celles qui engagent d’autres personnes et d’autres individualités, l’on fait face au dilemme, soit d’avantager les différents éléments de celle-ci, lorsque cela est possible, soit de s’avantager à travers ceux-ci, lorsque cela est nécessaire. § Et puisqu’il est toujours nécessaire de s’avantager à travers les situations que l’on rencontre — autrement, le phénomène conjoncturel révélerait a priori une absurdité incompréhensible et sans issue qui offrirait un défi absolu à l’intelligence et à la raison ainsi qu’à leur raison d’être, qui est celle de découvrir un sens aux événements et aux circonstances et d’œuvrer dans le sens de leur accomplissement, sans parler qu’il remettrait en question, par cette insolubilité radicale, la possibilité même d’exister afin d’en prendre conscience et d’en réaliser la «gratuité»  — et que, en exerçant la faculté de la prévoyance, l’on ne saurait le faire indéfiniment en n’avantageant pas les situations qui nous fournissent l’occasion de nous avantager nous-mêmes, la seule résolution bienfaisante devient celle qui cherche, pour l’individu comme pour l’espèce, à s’avantager lui-même en avantageant la situation qui permet de s’avantager et certes non pas au détriment de celle-ci, tel l’agriculteur qui n’épuise pas le champ qu’il cultive, en le laissant en jachère périodiquement ou en pratiquant la rotation des cultures, ou la société qui, en appliquant les principes de la justice et et les règles du droit à sa population, assure le bien-être de ses membres grâce auxquels elle est assurée de réaliser avec excellence ses activités.

Il y a ceux qui ne possèdent pas tel attribut et qui désireraient pouvoir en être revêtus; et il y a ceux qui le possèdent, sans désirer, et sans avoir désiré, le posséder: pour l’un, il existe un désir d’accomplissement et, pour l’autre, une indifférence existentielle qui masque le souhait de l’inaccomplissement — que peut donc signifier un tel contraste et un tel déni existentiel, autant pour celui qui en est à l’origine apparemment privé que pour celui qui a évité la privation sans mérite apparent de sa part et même en étant inconscient de la faveur exceptionnelle dont il jouit ?

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