jeudi 6 avril 2023

Euthúmèma XXVII (réflexions)

[Depuis le 06 avril 2023, avec mises à jour périodiques. — Since April 06th 2023, with periodical updates.]

Le problème qui surgit, lorsque le penseur s’intéresse à la décadence culturelle, c’est que le processus qui l’apporte se produit imperceptiblement dans l’immédiat et que ses effets se font sentir sur les générations et les siècles de sorte que, lorsque l’on s’aperçoit de sa présence, elle est fermement installée, sans possibilité réelle de la déloger, d’en neutraliser les conséquences perverses et de rétablir la société qui la subit à un état antérieur, au moment où elle a semé les germes de la déliquescence sociale qu’elle a instaurée.

Il y a un côté merveilleux à la Métaphysique de Descartes qui n’est pas sans évoquer les 1001 nuits: comme Aladdin, pour qui existe un trésor — celui qui comble le désir —, Descartes songe à un trésor — intellectuel, cette fois-ci —, celui de la connaissance vraie et certaine que peut atteindre l’esprit; mais à l’opposé d’Aladdin, pour qui le Génie de la lampe est le moyen d’obtenir le trésor convoité, Descartes entrevoit, grâce à la lampe de son esprit, un Malin Génie dont les artifices l’empêchent d’entrer en possession de son trésor; et si Aladdin doit se garder de perdre la possession de la lampe, grâce à laquelle il peut conjurer son Génie, Descartes doit trouver un moyen de contourner les ruses du Malin Génie, fourbe et trompeur, afin de pouvoir entrer en possession de son trésor, de la vérité que dorénavant personne ne pourra lui dérober.

Le sujet épistémique qui ne croit pas qu’une connaissance parfaite, vraie puisqu’elle est éternelle et universelle, existe hors de soi et que la conscience peut parvenir à celle-ci, doit se contenter d’aspirer à une connaissance imparfaite, éventuellement tenue pour être vraie, éternelle et universelle et susceptible d’être imposée comme telle, voire faussement, au nom de la valeur éminente qu’elle est censée représenter pour les esprits judicieux et profonds: telle est la prétention de toutes les idéologies contingentes qui ont constitué, dans l’histoire de l’humanité, un fardeau inique pour elle, avec son lot d’injustice, de souffrance et de misères injustifiables en droit ou apparemment et superficiellement justifiées au plan juridico-politique.

La philosophie peut se concevoir et se définir comme étant une quête authentique de la vérité, pleine par l’universalité de son contenu et entière par l’éternité de sa visée: ce qui en subvertit le projet, c’est la subreption par laquelle l’intelligence accepte pour être entièrement vrai ce qui ne l’est aucunement, ou ce qui l’est incomplètement , une action insidieuse qui répond toujours à un intérêt particulier et qui, se fondant sur un mobile secret, dont le fait de l’inconscience est ignorée par l’intelligence elle-même, déforme et ampute la vérité d’une manière qui n’est pas intentionnelle ou qui, résultant d’un motif délibéré, reconnaît cette impulsion, agit en conséquence de celle-ci et produit un effet un effet analogue, tout en le soustrayant au regard du voisin, pour que celui-ci ne puisse y répondre par un calcul semblable, si cela était son désir et son inclination.

Si le lecteur n’aime pas le propos que formule un livre emprunté à la bibliothèque, il n’a qu’à le déposer, afin de faire cesser son tourment, et l’y rapporter, sans s’en prendre à l’auteur qui a exprimé ses idées en toute candeur, malgré qu’elles aient encouru, sans qu’il ne l’ait cherché, son entier déplaisir.

L’idée transcende l’histoire et l’histoire est le terrain de la réalisation de l’idée laquelle, dans ces deux cas, est le produit d’un esprit qui possède la faculté de l’une et de l’autre action, théorique, quant à la conception intellectuelle développée, et pratique, quant à la possibilité illustrée de lui fournir une réalité.

L’école étant le milieu en lequel l’ignorance se voit comblée, par l’expérience qui en recule les limites et apporte avec elle l’occasion de formuler les conceptions qui en dissipent les vacuités, on peut dire alors, sans trop exagérer, que l’expression «l’école de la vie» décrit tous les milieux, souvent informels, qui s’offrent à la conscience afin de lui fournir les expériences qui enrichissent ses vues et favorisent la profondeur et la maturation du caractère.

Le mystère de l’en-soi est l’en-soi du mystère.

L’innovation pour l’innovation, sans qu’elle ne produise d’amélioration sensible pour ceux qu’elle touche, l’amélioration pour l’amélioration, sans qu’aucun changement substantiel n’en résulte pour ceux qu’elle affecte, sont autant de tactiques employées afin d’empêcher que n’opère une transformation réelle et significative de la réalité visée.

La question d’importance à se poser, dans l’histoire de la France, consisterait à savoir comment, et pour quelle raison, une civilisation qui a atteint son apogée, sous Louis XIV, en vient à succomber à une Révolution aussi terrible et dévastatrice qui n’en laissa que le souvenir, et parfois même la nostalgie, plus de deux siècles plus tard.

La liberté n’est pas au départ une fin, mais un moyen, celui de parcourir et de réaliser la plénitude de la vie et elle ne devient qu’une fin que lorsqu’elle est déficiente, que l’on en est privé, car alors ne reste-t-il aucun moyen, ou seulement un moyen restreint, d’y atteindre, mais encore est-ce porter injure à l’aspiration légitime de tout homme de pouvoir y aspirer.

À l’intérieur d’une société décadente (de l’état noétique jusqu’à l’état hylétique, en passant par l’état psychique), même la conception que l’intelligence se forme le bien subit la corruption qui caractérise son état.

La structure hiérarchique sociale, que la stratification qu’elle opère se fonde sur la vertu, la réputation, la fortune, le prestige, la gloire, la classe ou la race, lorsqu’elle érige l’actualité de son état en schéma idéal absolu, digne d’être admiré par tous les membres de la société, de faire l’objet de leur contribution au maintien de son existence et d’être reproduite à l’infini dans l’ailleurs temporel et culturel, mais peu susceptible de tendre à une perfection nouvelle, puisque considérant l’avoir déjà réalisée en son état, s’expose à connaître et à générer la violence, soit au nom de ces groupes ou de ces individus qu’elle exclut injustement, en raison pour ceux-ci d’aspirer au même idéal de perfection, voire par des voies formelles différentes, mais toutes aussi valables, à bien les considérer, soit au nom de ceux qui dénient la validité de cette quête même et qui s’en excluent eux-mêmes, tout en revendiquant un droit à l’existence qu’ils pourraient se voir niés par conséquent.

Tout objet devient un appât lorsque, offrant la promesse de combler un manque ou de répondre à un désir, il devient l’occasion d’une déperdition physique et morale et de la déception, ainsi que la souffrance, pouvant aller jusqu’à la perte de l’intégrité qui pourrait en résulter: il devient le moyen d’une fraude lorsque l’abus occasionné s’inscrit à l’intérieur d’une délibération conscience et d’un dessein intentionnel.

On déconsidère et on déprécie, aux yeux de ses semblables, la chose dont on veut s’approprier à moindre prix (une œuvre, une chose meuble ou de l’immobilier), pour en profiter au plus haut point, par l’exploitation que l’on en fait, en omettant bien sûr de reconnaître, et de récompenser à leur juste valeur — et parfois même à les dévaloriser et à compromettre leur intégrité, lorsque cela s’avère utile  — ceux qui ont la bonne fortune de la produire, de la découvrir, de l’occuper ou de la posséder à l’origine.

Dès que l’unanimité est requise, afin d’effectuer une décision collective, l’unique détracteur à une intention qui reçoit l’assentiment général — en autant que cela soit véritablement possible — en vient à posséder de facto le droit de véto.

Combien longtemps peut-on s’attendre à ce qu’un ordre social se maintienne dans ses formes légales et par l’entremise de leur application effective, lorsque la moralité de l’ensemble qui fonde leur légitimité se trouve amenuisée par la corruption qui lui porte atteinte peu à peu et culminant  jusque dans sa disparition complète, avec la généralisation de son effet déliquescent ?

Par essence, l’égalitarisme moral présuppose en chacun une moralité équivalente, distincte par la variété des modes de l’expression qu’elle serait susceptible de comporter, mais non pas en raison de la culture de l’excellence qu’elle révèle, ni de la perfection, de la valeur ou de la subtilité de l’âme qui en témoigne; sous sa forme militante, cette idéologie s’attaquera à la vertu dont la présence porte ombrage à la médiocrité de son principe, alors que la seule égalité concevable légitimement vise la perfection dont chacun peut faire l’émulation, tout en sachant que son actualisation véritable échappe aux possibilités des êtres vivants.

Le problème socio-économique fondamental: l’intérêt de soi dans son rapport à l’intérêt d’autrui et à l’intérêt en général; la déviation socio-politique essentielle qui lui est reliée: l’inauthenticité qui accompagne la conscience fausse et la mauvaise foi.

Influer sur des consciences libres et autonomes afin qu’elles assument leur condition humaine et organiser le territoire et la société de manière à pouvoir réaliser cette fin; conditionner des individus qui y sont disposés à être régentés inexorablement dans leur conduite par la volonté d’autorités constituées, spontanément reconnues ou délibérément auto-proclamées; tels sont les enjeux majeurs de la politique, tels qu’ils sont susceptibles d’être identifiés dans l’opposition liberté — tyrannie.

L’amour, c’est la potentiation, les uness par les autres, de la vie et de la liberté des amants.

Les deux défauts majeurs de l’intelligence: s’emballer pour une idée, peu importe la valeur de vérité de son essence ou la valeur morale des implications pratiques qui peuvent en découler; demeurer aveugle à la qualité véridique et/ou pratique d’une idée, en raison de l’écart trop grand qui existe entre une conception initiale, déjà présente en l’esprit, et celle que l’idée lui présenterait et de l’effort de la volonté requis afin de la considérer et de l’appliquer à la réalité de la nature physique et e la substance morale qui seraient susceptibles de l’accueillir.

La bonté de l’intention, la pureté du cœur, la vérité du propos et la justice de l’action sont les quatre critères moraux contre lesquels évaluer le contenu d’un récit historique ou mythologique.

Toute action, toute création, toute opinion, toute pensée ne sont recevables par la conscience individuelle et collectives qu’en autant où elles sont le reflet d’une valeur morale — la bonté pour l’action, la beauté pour la création et la vérité pour la pensée (l’idée que constitue l’esprit) et l’opinion (l’expression que la conscience en fait) — de sorte qu’en réalité, la liberté se fonde sur la promotion de la moralité et de la perfection de ces idées-valeurs transcendantes et sur le jugement qui est porté sur ses productions (les œuvres, les conduites, les théories et les actions qui en sont issues font toujours référence, implicitement sinon explicitement à ces idées-valeurs).

Quant à la liberté, l’ironie, pour ne pas dire l’absurdité, serait de rechercher à réaliser, étant libre, un degré d’incomplétude ou d’imperfection analogue à celui qu’obligerait à maintenir un état de contrainte et qui justifierait que l’on veuille s’y opposer et le répudier.

L’absolutisme, sous sa forme la plus rigide, qui n’admet pour aucune lacune, ni dans sa Weltanschauung, autant quant à ce qui est que quant à ce qui devrait être et quant à la désirabilité des moyens appropriés, utilisés pour l’atteindre, ni dans l’interprétation qu’elle est susceptible de recevoir, autant quant aux significations qu’elle véhicule que quant à la flexibilité avec laquelle adapter son message à la réalité de l’histoire, exigera par définition que l’on accorde à ses adeptes le droit d’exister et de vivre selon ses enseignements, au nom d’un principe de droit général, tout en excluant de sa visée morale et politique les consciences qui seront en désaccord avec ses principes, au nom d’un droit particulier — celui qui cautionne et qui promeut sa supériorité indéniable —.

Comme pour l’homme, la liberté consiste, pour la femme, en la possibilité effective dont elle dispose d’accomplir, conformément à sa nature et à sa capacité, le plus grand et le plus admirable bien concevable et réalisable.

La résistance à l’évocation d’un traumatisme ou d’une situation éprouvante réside très souvent en le refus de revivre, dans le souvenir, l’expérience qui se rapporte à ces événements, en raison de la douleur intense que cette anamnèse fait surgir en la conscience, et qui semble à ce point intolérable à celles-ci — peut-être en raison du passage du temps et de l’amplification subséquente de la blessure à l’amour-propre qui en a résulté — que l’éventualité de la revivre devient inadmissible, sauf si elle est accompagnée de la satisfaction de se savoir justifié dans son innocence, puisque la conscience peut s’estimer être pure de toute participation à la production de son occurrence.

Plus une situation devient complexe, plus elle requiert que l’on se penche sérieusement sur elle afin de la comprendre, plus l’analyse que l’on en accomplira afin de l’appréhender sera intensive, profonde, extensive et exhaustive et plus la théorie formulée afin de l’élucider sera complexe et abstraite et comportera des risques de se tromper.

La raison d’être de l’État est le droit que l’idée adéquate de la justice inspire: ainsi serait-il surprenant si, ayant perdu son idéal et s’étant vu corrompre par des agents que l’intérêt individuel mène avant la poursuite de celui de l’état, il puisse se rétablir et retrouver son élan vers la perfection qui auparavant le caractérisait, sans qu’il ne dût sacrifier ces prévaricateurs et les remplacer par des serviteurs que la pureté du cœur et la droiture de l’esprit permettent d’espérer un retour à la finalité première.

Aimer une personne en raison de la promesse qu’elle représente de combler ses désirs les plus chers, voilà ce qui est sans doute le sentiment le plus naturel de l’être humain; mais aimer une personne pour ce qu’elle est, parce qu’elle est qui elle est, y compris en vertu du devenir le plus élevé auquel cet être peut aspirer (et que, dans sa liberté, elle peut choisir de ne pas accomplir), voilà ce qui représente en effet la forme la plus élevée et la plus profonde de l’amour.

L’anonymat est un état ambigu en ce qu’il permet e faire le bien en toute humilité mais aussi de commettre le mal en toute impunité.

Le bien comme le mal sont tous deux des concepts sociaux en ce que leur essence se révèle, directement ou indirectement, aux conséquences bonnes ou mauvaises sur la personne de son ou de ses semblables: accomplis sciemment et intentionnellement, ils sont attribuables à la bienveillance ou à la malveillance de leur auteur; accomplis sans dessein préalable ou sans préméditation, ils sont attribuables soit à l’innocence, soit à la naïveté influençable, soit à l’inconscience de leur auteur.

Se considérer libre d’agir comme on agit, parce que l’on en a la possibilité, illustre une puissance
alors que se considérer libre d’agir ainsi que l’on agit parce que l’on accomplit le bien illustre, en plus de la puissance, la bonté: la première forme de la liberté illustre la vie sous sa forme la plus brute, la seconde, sous sa forme la plus sublime et morale.

Il faudrait éviter de dire, paraît-il, «Fontaine, je ne boirai plus jamais de ton eau»: mais comment parvenir à l’obéissance complète à la signification de cet adage, dès lors que celle-là est, selon toutes les apparences, à jamais tarie.

Le droit d’aînesse et le droit d’auteur se ressemblent en ce que, si beaucoup reconnaissent la légitimité de ces principes, peut la reconnaissent en réalité dans les faits.

La mauvaise foi est à la raison canonique, étant un défaut de la raison droite, comme la pensée inadéquate est à la bonne foi, c’est-à-dire une carence de l’authenticité du mobile.

Comme l’on peut, à l’instar de Rilke, souhaiter à chacun sa propre mort (et non celle qui est réservée à un autre), l’on pourrait aussi souhaiter à chacun la femme qui lui est destinée, ou à chacune le mari qui lui convient, cela de tout temps, sans égard pour le caprice des circonstances et des humeurs d’un destin aveugle et étroit.

Opter en faveur du moindre mal, ce n’est pas encore désirer le plus grand bien et œuvre à l’accomplir; établir les conditions qui produisent des maux, dont l’un est le moindre de l’autre, n’est pas encore mettre en place celles qui susciteraient des choix qui tendent toujours à vouloir et à produire le plus grand bien possible.

Aucun effort d’offusquement — qu’il soit actif, comme pour en nier le fait, ou simplement passif, comme étant la conséquence du passage du temps et d’une préoccupation trop grande pour l’immédiateté actuelle —, ne pourra faire totalement faire oublier que la matière originelle de la philosophie fut la mythologie et que, au même titre qu’elle, celle-ci fut une tentative d’expliquer l’immédiateté d’une actualité dont les effets et les enseignements seraient toujours contemporains, malgré le passage du temps et la suite des générations successives.

Les mythes Grecs attribuent à Eros l’extraction du monde du chaos originel à l’intérieur duquel il était renfermé, un effet et une action que la pensée moderne attribueraient à la raison, en voyant en celle-ci la faculté apte à organiser un état selon des catégories en vue de réaliser une fin: ainsi, la raison originelle qui a agi selon ces mêmes principes a-t-elle été désignée par les Anciens sous le vocable d’Eros, ce qui nous amène à conclure que la raison ordonnatrice du monde est la raison d’Eros et nulle autre que celle-ci.

La véritable anarchie consiste non pas tant en un refus et un rejet des structures établies, qui sont appelées pourtant à se transformer et à évoluer, conformément à une entéléchie qui est immanente à leur essence, en réponse aux conditions changeantes du milieu et aux impératifs nouveaux qu’elles peuvent faire naître et de la conception adéquate, peut-être plus élevée, qui en résultent, par les principes transcendants qu’elle porte à énoncer , comme devant fonder la statique de l’organisation naturelle et sociale et la dynamique culturelle et vitale du monde et de ses populations diverses, allant du plus simple au plus complexe et du moins perfectionné au plus perfectionné.

Le sentiment de la vie — celui que la conscience de l’être éprouve d’être vivant — est le sentiment le plus fondamental que possède l’être vivant et il antécède la conscience qu’il en possède, comme aussi celle de l’univers qui l’entoure, quoique l’état de celui-ci — dans sa statique, sa dynamique, sa spécification, sa diversité infinie et son immédiateté — en constitue un aspect important et nécessaire, en raison du rôle et de la fonction essentielle, joué par lui dans son maintien et sa préservation.

Plus de péchés, mais des crimes ou des accidents; plus de fautes, mais des erreurs et des imprévoyances.

Si Gaïa n’avait pas causé que se produise l’émasculation de son époux Ouranos, en incitant son fils Cronos à commettre cet acte abominable sur son père, celui-là aurait-il pu accéder à un règne qu’il estimait pouvoir protéger seulement en dévorant ses enfants ? Par ailleurs, s’il advenait que non, nul besoin alors que Rhéa, l’épouse de Cronos, protège Zeus de la cruauté de son père, en établissant alors la condition de la résurrection de ses autres frères et sœurs Olympiens, préalablement ingestés par leur père.

Le double principe dynamique du statu quo: ignorer, ou discréditer, les initiatives valables ou les idées admirables, en provenance du milieu social, appréciables en vertu de la bonté de leur promesse pour le bien-être de l’ensemble; encourager, ou du moins ne pas décourager, les idées et les initiatives qui, en perpétuant l’état actuel, ont le mérite de n’être ni exceptionnelles par leur valeur, ni excellentes par leur qualité.

Le Verbe (Verbum, Logos, Paël) réalise, dans l’action qui en procède, la réconciliation des opposés qui sont apparues au cours des siècles et des millénaires, à l’intérieur des cultures et des civilisations de l’humanité, entre le Logos et l’Eros.

Le crime parfait est celui que l’on commet avec la sanction voire passive des autorités, n’étant pas légalement constitué en délit, ou encore l’action que, par habitude, l’on n’identifie pas comme étant de nature délictueuse.

Le droit étant une émanation de la justice, le principe de l’égalité de tous devant la loi, pour être légitime, présuppose que la loi est au départ juste, c’est-à-dire adéquate et impartiale, autrement celle-ci en invalide la portée et l’intention.

L’hypocrisie de l’amour est un concept qui renvoie à la conformité aux formes de l’amour, telles qu’elles peuvent être socialement commandées et artificiellement instituées, comme étant le produit d’une culture, sans qu’elles ne répondent à aucune substance réelle, sauf celle qui est requise afin d’en rencontrer les prescriptions.

La force vitale qui détruit constitue également l’expression de la vie et cette action peut être soit consciente et délibérée, soit inconsciente et volontaire, tout en étant soi bénéfique — lorsqu’un médecin tue le microbe qui compromet la santé de l’individu ou d’un ensemble d’individus — soit malveillante — lorsque la destruction cause aléatoirement et sans justification possible une souffrance ou une douleur qui peuvent aller jusqu’à une déficience permanente et la perte de la vie —; cependant, lorsque la destruction émane d’une action involontaire et inconsciente, elle risque aussi de porter un préjudice irrémédiable à des sujets qui sont nécessaires à la conservation  de sa propre vitalité et entraîner sa propre disparition, tellement le lien qui unit les êtres vivants entre eux est organique et complémentaire, car non seulement le sacrifice de son semblable à un caprice ou à un désir égoïste est-il injuste et cruel, il est aussi immoral et criminel.

La princesse attend avec impatience que son Prince charmant vienne la tirer du profond sommeil qui engourdit son existence, mais qui vient réveiller le Prince charmant pour lui inspirer sa mission salvatrice ?

Au logos spermatikon corrrespond le terreau fertile de l’intellect passif qui en transforme la substance prolifique en matière nouvelle, intellectuelle ou sensible — une idée, une théorie ou une œuvre — et qui, afin d’accomplir cette action, lui procure la richesse de l’expérience et l’imagination qui la conserve dans l’esprit afin de d’assurer sa correspondance avec la réalité de l’existence qui, dans sa continuité, s’avère toujours changeante, par la multiplicité des aspects sous lesquels elle s’offre à la conscience.

Il y a certes là de la perversité à voir de la perversité, là où il n’en existe aucune et encore plus à faire naître de la perversité, là où ne se trouvait aucune perversité antérieurement.

L’égalité que l’on réalise suppose doublement l’inégalité: celle qui existe préalablement et que l’on se sent le devoir d’abolir; et celle en vertu de laquelle l’on rend possible cette abolition, en l’imposant d’abord, en illustrant une puissance prédominante, et en la maintenant ensuite, en assurant la continuité de cette ascendance.

La philosophie peut se concevoir comme étant la transcendance, à la fois théorique et pratique, de l’habitus individuel et collectif que la conscience estime être inutile, onéreuse, perverse, contre-productive ou autrement moralement indésirable.

 La raison n’est que l’instrument de la justification théorique et rhétorique et de l’actualisation pratique et technique des idées et des valeurs qui, elles, procèdent de l’intelligence qui les découvre par la contemplation de l’ordre, de l’être et l’introspection de l’ordre de l’esprit et, pour cette raison, elle est au service de l’intellect qui en encadre et en gouverne l’activité, par les choix que celui-ci l’amène à vouloir concrétiser et réaliser.

Le négativisme idéologique entraîne doublement la négativité de l’action: d’abord en encourageant l’action contraire à l’état et à la position à laquelle elle oppose son idée; mais aussi en semant le doute dans l’esprit qui pourrait être disposé à défendre celle-là, de sorte à causer la suspension de l’action qui la soutiendrait, du moins durant le temps pour lui de regagner la confiance en la valeur de sa matière.

Tout effet, même positif et bénéfique, qui se produit sur un état établi, étant susceptible d’en perturber le cours et de requérir une adaptation de la part de l’ensemble et de ceux qui sont affectés par lui, il est inévitable qu’il suscite une opposition qui est proportionnelle à l’importance de la cause et à la magnitude du résultat qui s’ensuit.

Toute situation établie est l’expression d’un fait accompli, comme le laisse entendre la formule qui en reconnaît la fatalité, le «c’est ainsi» qui le constate et qui peut sembler l’excuser, lorsqu’il invite à la résignation ou à l’indifférence; mais lorsque l’on sait que le fait est censé confirmer le droit, autant celui qui prévaut et dont la conscience est pénétrée que celui qui est pré-existant, en raison de l’éternité et de l’universalité de son essence, c’est la qualité événementielle propre de son avènement, dans le reflet effectif de la bonté qu’il représente, ou qu’il serait censé représenter, qui devient la considération primordiale incitant soit à l’approuver, soit à le condamner, en évoquant le concept même du droit qui, en raison de la moralité dont il est le défenseur, serait censé attester de sa légitimité ou au contraire de constater combien il dérogerait d’une valeur salutaire; alors seulement, le «c’est ainsi» devient-il le premier moment d’une découverte ou d’une redécouverte de la liberté, en mettant la situation ou l’événement qui porte à l’énoncer sur la voie qui en aperçoit la moralité réelle et effective, seule condition possible d’une liberté véritable et intégrale.

En maintenant sans distinction ni questionnement le statu quo, comme les formes juridiques qui sont le moyen par lequel l’état actuel s’est établi, l’intelligence présuppose alors que, à l’instar de Panglosse, «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes», i.e. que la justice parfaite prévaut, que chacun la réalise intégralement, en actualisant une moralité accomplie, et que chacun reçoit la reconnaissance adéquate de sa qualité, de son mérite, de sa vertu et de la valeur réelle de sa contribution.

L’obsession du pouvoir que détiennent les autorités, constituées ou auto-proclamées, porte les éducateurs à obliger les étudiants à se rallier à une forme d’ignorance collective, telle que les lacunes incontestables de la doctrine officielle la leur représenterait, et les agents politiques à agir d’une manière analogue face aux citoyens en général, voire même à recourir à la violence afin d’accomplir cette répression de la vérité, telle que des consciences naïves peuvent l’intuitionner et les consciences éclairées l’exprimer.

L’ignorance dont elle ne peut dépasser l’horizon est peut-être le plus grand empêchement à son développement que peut rencontrer la culture d’une institution ou d’une société, à un moment ou à une époque de leur histoire, à ce point tel que, si elle ne sait la surmonter, la décadence qui en résultera inévitablement en viendra à compromettre les possibilités de son existence même.

Dans un régime totalitaire, qu’il se fonde sur le charisme du chef ou de ses élites ou qu’il s’établisse sur une doctrine unique et imparfaite, les seuls crimes qui resteront impunis sont ceux qui se commettraient par lui, par l’entremise de ses agents politiques et de ceux qui agissent en son nom, par une espèce de solidarité partisane avec eux, en invoquant une raison d’État défectueuse, alimenté par l’ignorance, l’incompétence, l’intérêt mal compris (ou trop bien compris), le zèle excessif, la malice ou simplement l’imperfection inhérente à la nature humaine, et lorsque les autorités les châtieront, elles le feront sous le couvert du secret, afin de ne pas compromettre son image aux yeux d’une population cynique et exacerbée.

Afin de mieux encore asseoir le statu quo de la médiocrité, l’on banalise l’extraordinaire qui s’offre spontanément à la conscience, souvent en noyant la conscience publique avec un spectaculaire artificiel et controuvé, et on cherche à procurer à l’ordinaire un caractère exceptionnel et spectaculaire.

Tels sont ceux qui dénoncent formellement la guerre tout en agissant de telle manière à l’engendrer, par les injustices qu’ils ne cessent de commettre et qui ne peuvent que soulever l’indignation de la part des consciences justes et éveillées.

Comment ceux à qui échappe la présence effective de la vertu en eux sauraient-ils reconnaître celle qu’illustre manifestement leurs semblables; comment ceux qui ignorent tout de l’honneur pourraient-ils se laisser inspirer par le sens de l’honneur qui anime leurs congénères ?

Si la plénitude de la vie est la fin légitime de tout être vivant, comme l’on pourrait s’y attendre dès que l’on y songe bien — car quel individu doué de la vie et appréciant le bienfait de son état ne souhaiterait-il pas que celui-ci se magnifie et se perpétue sans interruption ? — la vertu agissante qui le procure en devient alors le moyen par excellence de son actualisation.

L’expression: «Plus ça change, plus ça reste pareil» révèle, par la paradoxe qu’elle énonce, une vérité phénoménale du mouvement de l’esprit historique par lequel, matériellement, l’on puisse observer des transformations dans l’organisation de la nature et de la société alors que, formellement, les principes, les valeurs, les idées, les désirs et les mobiles qui les produisent demeurent invariables et constants dans leur capacité des nouvelles manières de se manifester.

Les nationalismes ethnocentriques ont la fâcheuse habitude de réserver à leurs congénères uniquement l’application de leurs excellents principes ainsi que la jouissance de leurs lois magnifiques, comme la protection qu’elle offre à leurs ressortissants, à l’exclusion des autres ethnies et des autres peuples, sauf lorsque c’est dans leur intérêt d’agir autrement et pour aussi longtemps que celui-ci est avantagé par cette tactique.

            pensée
---------->    connaissance    théorie   

MONDE    vie
----------->   
expérience    réflexion   
sagesse
            technique   
            ----------->
action    art    pratique   


Il existe une notion existentielle capitale qu’il vaudrait la peine d’approfondir, la condition de l’état, individuel ou collectif, par laquelle l’on tenterait de désirer et d’expliciter la réalité spécifique d’un au monde, tel qu’il est influencé par une multitude de facteurs contingents — la culture, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’expérience de vie, telle que vécue et éprouvée subjectivement —, mais néanmoins déterminants pour l’individu qui, les subissant, est susceptible de se laisser dominer par elles, souvent au prix de l’intégrité de son individualité, de son unicité et de sa particularité, ou qui, les surmontant par l’action et les transcendant par la pensée, par les transformations qu’il leur apporte et par la prise de conscience qu’il peut en faire, permet d’accomplir.

Quel besoin a-t-on d’invoquer le droit et de se conformer à ses sains principes lorsque la fonction que l’on exerce ou que la position sociale que l’on occupe autorisent à faire l’usage de la force ou de la ruse afin de réclamer ce que la convoitise ou le caprice commandent de s’approprier: tel est l’argument du voyou et du coquin qui se cache derrière un semblant de dignité afin de mieux encore réaliser son forfait.

Si l’Église consent à courir avec les loups, ce ne doit être que pour sauver les agneaux et non pour concourir à les sacrifier: mais peut-on jamais entreprendre, par ces moyens, de poursuivre une si noble fin et espérer s’en tirer indemne ? Cf. le père Gabon dans la «Chute des Aigles» qui collaborait avec l’OKRA, la police tsariste, et en tirait des contributions dans l’espoir uniquement d’aider les travailleurs et qui, ayant été dénoncée par elle auprès des révolutionnaires, finit ses jours sur l’échafaud.

La stratification sociale est la réponse qu’apporte la société dans l’effort qu’elle déploie de se réorganiser après la dissolution sociale occasionnée par la «déhiérarchisation» opérée sur elle, au nom de la liberté, par les réformes et les actions révolutionnaires.

Toute stratification sociale s’opère en raison de distinctions fondées sur les qualités, grâce auxquelles les élites peuvent se démarquer face à la généralité, selon le degré de leur réalisation et de leur actualisation à l’intérieur de la population.

L’intelligence se définit toujours par rapport à un intérêt: or, c’est dans la nature de celui-ci — noétique, psychique ou hylétique — que l’on doit en découvrir la valeur réelle et la portée effective, existentiel et pratique pour celui-ci, émotionnel et équilibré pour le second et transcendant, universel et éternel pour le premier.

Une manière de duplicité: on met en suspens le droit, avec l’aide de complices et avec l’accord tacite de témoins complaisants, lorsque l’on y trouve quelque bénéfice ou avantage mais l’on se réfugie derrière des principes admirables et excellents, lorsque sa propre sécurité et son propre bien-être sont à risque et pourraient bien être compromis.

L’hypothèse du déterminisme historique se pose dès lors qu’aucune volonté apparente d’infléchir le cours des événements ne parvient à prévaloir et qu’aucune possibilité raisonnable n’est entrevue de produire un tel effet, ce qui ne signifie pas qu’aucune volonté n’est à l’œuvre afin d’orienter l’ordre de l’actualité, voire même qu’elle n’est pas apte présentement à être identifiée.

Chaque instant, chaque moment de l’histoire exprime, soit en l’embrassant, soit en le niant, soit en l’approximant, mais toujours en la manifestant et en substantifiant l’essence d’une volonté transcendante qui constitue le cours éternel de la réalité qui ne se laisse pas observer dans les péripéties mêmes de son développement, mais qui se laisse appréhender uniquement en rétrospective et avec un recul suffisant pour en déceler les patrons et conclure à un aboutissement qui, à ce moment, prendra l’aspect d’une occurrence irréversible et d’un destin apte à conditionner tous les mouvements historiques futurs.

C’est souvent au nom d’une perfection plus grande que souhaiterait réaliser et obtenir le contradicteur que celui-ci oppose le refus de la perfection actuelle qui prévaut — et qui fonde l’ordre qui en concrétise les valeurs et les principes qui en inspirent l’instance —, mais quelle garantie existe-t-il que l’alternative envisagée constitue réellement une amélioration de ce qui existe ou qu’il est en son pouvoir de lui apporter la bonification qu’il prétend instaurer ?

La lutte des sexes est à la droite des ayants-droit, acquis au prix de luttes historiques ou favorisés dans leur état par une constitution politique et sociale qui leur est favorable, comme la lutte des classes est à la gauche des sans-droits, ceux-ci en étant dépourvus, privés qu’ils en sont ou autrement aliénés qu’ils en furent.

La qualité du chef de l’État que reçoit une société afin de l’encadrer et de la diriger constitution l’attribution au plus haut point de l’excellence à laquelle les membres de la société peuvent espérer pouvoir réaliser eux-mêmes de sorte que plus un chef d’État est admirable et louable par la profondeur et la compréhension de ses aptitudes et par l’excellence et la valeur de leur réalisation, plus les membres de la société trouveront un encouragement à réaliser la perfection de leurs propres dispositions, sauf à se complaire eux-mêmes dans l’inertie que leur procure un statu quo qui répond à leur suffisance et qui n’exige pas qu’ils sachent se dépasser eux-mêmes en aspirant à une perfection qui témoignerait de l’importance qu’ils accordent à la vertu et à la droiture du caractère.

Un État amoral fera tout en son pouvoir afin de se conserver en son état, lequel peut être excellent à certains points de vue — et peut-être à de multiples égards — et méritoire de cet effort à l’auto-conservation — la vie étant le premier des bienfaits et certainement celui que chacun prise par-dessus tout les autres — en vue de parvenir à une excellence encore plus achevée, mais aussi médiocre à d’autres et, afin de réaliser cette fin, il invoquera la raison d’État en vue de se justifier intégralement aux yeux de ses détracteurs et ainsi les moyens qu’il songe employer — voire qu’ils soient parfois douteur, d’un point de vue moral, et répréhensibles lorsqu’ils engagent la moralité individuelle et la recrutent en des sens qui tairaient les voix de la conscience personnelle — qui lui assurerait, pour un temps, la stabilité qu’il se propose de maintenir indéfiniment.

Quelle que soit la direction que prend l’histoire, celle-là provoquera l’apparition de sa part d’irréductibles (mais non pas les mêmes d’une direction à l’autre) et la résistance qui s’ensuivra, en raison des intérêts différents et distincts qu’elle compromettra et de la volonté de les préserver nonobstant: cette généralisation se vérifiera, que l’on assiste à un progrès tourné vers l’avenir, un régression vers un temps supposément plus heureux ou une stagnation qui voudra préserver les acquis préalables qui fondent les configurations de l’actualité; ainsi, seuls ces esprits pénétrants qui sauront déceler dans les battements de la vie des peuples et des civilisations l’expression d’une volonté universelle et transcendante, et qui seront prêts à régler leurs conduites et leur actions sur l’interprétation qu’ils en feront, seront épargnés l’ignominie d’une relégation aux confins de l’échec et de l’oubli, sauf évidemment à l’intérieur d’un régime où toute référence à la transcendance et à l’universalité prend l’aspect d’un tabou, en lequel cas ils risquent l’exclusion et la marginalisation s’ils n’ont pas acquis l’habileté de se fondre dans le décor.

Le problème avec la dialectique hégélienne, c’est que par définition elle pose l’existence d’un d’un relativisme généralisé des idées transcendantes, n’allouant pour la perfection de la conception, ni de la bonté, ni de la vérité, ni de la bonté et donc, en justifiant, au nom d’une idée meilleure à celle qui est proposée, la négation qui se transforme, en raison même de cette relativité implicite, en la proposition d’une forme alternative censément supérieure, alors qu’autrement, elle n’en serait qu’une manifestation distincte que conditionne un monde divers et changeant.

Lorsqu’un individu fait partie d’un ensemble, il ne peut à vrai dire agir de façon autonome et indépendante sur lui afin d’en transformer la nature, mais il doit opérer à l’intérieur de celui-ci d’une manière qui corresponde à sa propre essence, comme à celle de l’ensemble et éventuellement résister à l’action que peut subir ce tout, et l’affecter en tant qu’il est un individu, mais sans pouvoir la conditionner effectivement, ni l’arrêter entièrement, puisqu’il en est ni l’auteur, ni la conscience agissante et dirigeante, lesquels sont indépendants du tout sur lequel ils opèrent l’action déterminante qui est entreprise, pour quelque motif que ce soit.

L’histoire de l’humanité dans ce qu’elle a de plus tragique, autant au plan collectif qu’au plan individuel, est fondé sur un rapport de la mémoire à l’infidélité dont se sont rendus responsables ses membres, résultant de l’oubli que l’on tente de faire de ses conséquences terribles et jusqu’à sa commission, un oubli qui peut être intentionnel lorsque le particulier s’engage consciemment sur la voie de la félonie, afin d’éviter la conscience de la responsabilité de ses manquements — on parle alors de répression —, mais qui peut être aussi inconscient, lorsque la douleur engendrée par une infidélité, subie ou imposée par un agent malveillant, et les effets désastreux qui s’en sont ensuivis, est trop importante pour continuer à être présente dans la conscience du souvenir — on parle alors de refoulement —.

Dans l’Antiquité, l’on parlait d’idolâtrie lorsque l’adoration qu’il revenait à la Divinité de recevoir se déplaçait sur la représentation sensible de la Divinité, tenue alors pour L’être devenue effectivement; dans la Modernité, l’on parle d’idolâtrie lorsque le sujet conscient devient lui-même l’objet de cette forme substitutive d’adoration et, puisque le concept même de Divinité a été occulté, à l’intérieur de la pensée générale — de l’épistémè — de cette époque, c’est la notion de narcissisme qui en exprime la réalité.

La loi physique est à la nature comme la loi morale est à la liberté: et puisque toutes les deux émanent d’une puissance qui en dicte l’expression, il est logique de conclure qu’elles sont interdépendantes et qu’elles s’influent mutuellement, d’une manière qui peut-être échappe à l’entendement, mais qu’il appartiendrait à l’intelligence de savoir discerner et adéquatement apprécier.

L’homme est plus à la merci de ses hormones qu’il n’en est conscient — de l’oppression et de la peur pour ce qui est des hommes; de la sexualité et de la sécurité pour ce qui est des femmes — et seule la discipline sur soi que confère un programme d’éducation physique raisonné, accompli en conformité avec les dispositions institutionnelles de chacun, peut parvenir à donner à chacun une mesure de contrôle conscient sur les pulsions inconscientes qui en conforment les manifestations.

Deux principes sont éventuellement à l’œuvre et se conjuguent afin d’expliquer l’imperfection de la réalité: le principe d’incomplétude qui est inhérent à la perfectibilité ontologique de la nature, résultant de ses états qui sont susceptibles de compromettre le bonheur des hommes; et le principe de la corruption par lequel l’on recherche, passivement — par le défaut délibéré d’agir —, ou activement — en empêchant intentionnellement une action ou en créant les conditions de son absence —, cette compromission au nom de son propre bonheur ou de ce qui est pressenti comme tel.

L’idéal, si élevé fût-il et par conséquent si inatteignable qu’il parût à l’esprit des contemporains dont il se recrute l’aval et la conviction, n’est peut-être après tout, lorsqu’il est apprécié à la lumière du potentiel immense de la nature humaine, tel que voulu par le Créateur, que l’impératif hypothétique grâce auquel non seulement il peut espérer recevoir une actualisation, mais encore se relever de la décadence profonde dans laquelle les choix moraux malheureux des générations antérieures l’ont plongée.

La loi du moindre effort exige de profiter le plus possible d’une situation et d’en extraire le maximum des bénéfices pour soi, en veillant à dépenser le moins d’énergie et en déployant le moins d’effort afin d’atteindre ce résultat, sans égard pour les bienfaits qui pourraient en résulter pour autrui ou pour l’ensemble de s’adonner à la pratique contraire et de recueillir, au moyen de l’action intentionnelle et de la volonté génératrice d’un travail correspondant, les fruits de son activité.

Pour un grand nombre, mieux vaut se taire et laisser-faire, devant l’injustice dont ils sont les témoins, qu’agir et risquer la tranquillité dont ils jouissent, eux et les leurs, mais peut-être aussi cela procède-t-il d’une mentalité généralisée à l’ensemble de la société, ou caractérisant un élément de celle-ci, suffisamment prépondérant pour lui imposer sa direction, qui tolère et peut-être promeut l’iniquité, par intérêt et par esprit de conformité, contre laquelle ils se sauraient ou se sentiraient impuissants d’opposer une action efficace.

La gravité des conséquences, pouvant résulter du fait de croire en l’amitié de celui qui n’exprime nullement cet état à son égard, peut parfois être inimaginable, mais elle ne saurait l’être autant que celle de croire que l’amitié n’existe pas ou qu’il n’existe personne pour en porter le flambeau et en témoigner auprès de ses semblables.

Platon est le porte-flambeau de l’idée; Aristote en est le témoin; Socrate en serait-il l’inventeur ?

Patience, dit la limace à la tortue: tous ne peuvent pas se déplacer à la même vitesse que toi !

Il est normal que les institutions d’un ordre politique et social en justifient l’existence, par leur pensées, leurs discours et les règles qui encadrent leurs actions, puisqu’elles en sont à la fois les gardiens, les inspirateurs, les formateurs et les agents, mais là où elles sont aptes à essuyer la critique, et éventuellement les reproches légitimes, c’est lorsqu’elles acceptent comme étant des a priori éminemment valables les valeurs et les principes qui sont à son fondement, comme s’ils étaient parfaits et parfaitement observés et qu’ils ferment les yeux sur son imperfection comme sur sa corruption (ainsi que la stagnation et la régression, voire la décadence, qui les caractérisent), comme si cette dégradation du droit était en réalité l’illustration d’un état indépassable et insurpassable, apte à susciter l’admiration chez tous ceux qui en observeront les réalisation et même à l’imposer, lorsque le régime qui l’exprime poursuivra ses fins iniques en recourant à la ruse et à la force.

Le mal commence à s’enraciner dès que la conscience n’aspire pas sincèrement et fermement à réaliser le plus grand bien et à mettre en œuvre tous les moyens aptes à réaliser cette ambition, et plus l’indifférence à l’actualisation et à la présence du bien est grande, plus celle-là se rapproche de moment où elle devra constater l’exacerbation du mal qui en résultera, du fait de sa médiocrité et de son inaction.

La légalité est la forme inférieure de la moralité et, lorsqu’elle n’est pas conforme à une notion élémentaire de la justice, elle ne peut être englobée dans le droit et devient alors la manifestation de la criminalité étatique — puisque c’est à l’État que reviennent, en droit, le devoir et la responsabilité d’appliquer les principes de justice et de formuler un droit conséquent et significatif qui les reflètent.

Afin de mieux pouvoir croire et faire croire en la valeur de sa propre théorie, il vaut mieux pour certains de détruire toutes les autres — y comprises celles qui sont véhiculées par la tradition et, lorsque cela sera possible, les tourner en dérision ou ridiculiser ceux qui les défendent —; et si, telle qu’elle est exprimée ainsi, cette stratégie peut paraître irrecevable, l’histoire nous apprend qu’elle est pourtant celle à laquelle ont recours un certain nombre d’idéologues qui, pour se donner une plus grande crédibilité, se présentent comme étant des penseurs de bon aloi.

Quand le contenu du savoir détermine la position existentielle qui est la sienne, conçue en termes de la situation sociale et de l’appartenance à la collectivité, avec tous les avantages en prestige, en autorité, en titres et en biens qu’elle procure à l’individu, toute remise en question de ce savoir, au-delà d’une marge de tolérance qui conforte et semble confirmer le sentiment de la liberté réelle dont il disposerait en cette situation, devient une remise en question de celle-ci, indépendamment de la valeur de vérité qu’elle représente, une telle attitude — érigée en loi sociologique — exprimant une forme de conservatisme primaire, c’est-à-dire instinctif, irrationnel et irréfléchi.

Lorsque l’on s’arrête à considérer la complexité, la subtilité, la profondeur et la sublimité de l’esprit humain, ainsi que sa capacité à accomplir la vilénie, l’horreur et à la nuisance à la vie, avec la variété de ses sentiments, de ses pensée et de ses émotions ainsi que l’unicité, à la fois de l’expérience qui en distingue la vie et de la virtualité (ainsi que la possibilité de l’individu) qui la réalise dans sa subjectivité, rien d’étonnant alors que la conscience veuille se réfugier dans l’intelligence approfondie et exclusive de la nature subjective et des potentialités qu’elle renferme qui, si elles participent, mais en moins, des qualités de l’esprit relevées plus haut, engageront la subjectivité de l’intelligence moins entièrement dans tout ce qu’elle comporte elle-même de cette dimension morale, voire que les techniques et les actions qui découleront de la science qu’elle fait naître sont aptes en même temps à les révéler au plus haut point.

La conscience des deux conceptions du temps: un temps cyclique — celui du mythe — qui se répète à l’infini, selon des phases significatives et récurrentes; et un temps linéaire — celui de science — qui consiste en une consécution de moments singuliers et discrets dans une seule direction, du passé vers l’avenir, constitue peut-être un des plus grands défis posé à l’intelligence humaine, dès lors qu’elle refuse de tomber dans le piège de voir en l’un ou en l’autre une conception exhaustive qui, à elle seule, est susceptible de rendre compte de la réalité de l’expérience, individuelle ou collective; mais elle suppose également que l’on acquiert une théorie adéquate du mythe et du savoir afin de comprendre en quoi l’un et l’autre sont, sous certains égards, également vrais, autant lorsqu’ils énoncent des propositions, dogmatiques pour le premier et apodictiques pour le second, que lorsqu’ils se contredisent ou qu’ils se complètent, le cas échéant.

Ceux qui n’ont jamais fait l’expérience de la plénitude de l’amour, n’ayant jamais véritablement aimé ou ayant aimé incomplètement, ne sauraient comprendre ce que peut être l’état en lequel se trouve la personne qui est amoureuse, ni en quoi l’amour éprouvé peut être à la fois envahissant et prédominer jusque sur les facultés morales et rationnelles de celui-ci.

La conscience de l’homme n’agit pas sur le temps de l’actualité à l’intérieur de laquelle le cours de son existence se déroule comme si aucune profondeur, ni aucune complexité ne venaient étayer l’être qu’il est devenu et comme si l’avenir qui en procéderait en était immanente et surgirait d’elle comme par magie, spontanément, sous l’effet d’aucune agence presciente et d’aucune imagination productive, en réponse peut-être à des lois biologiques mécaniques — celles qui sont propres à la génération et à l’instinct de la conservation de l’espèce — mais non pas à une intelligence qui transcende les catégories de l’espace et du temps pour se situer au plan de l’universel, de l’infini et de l’éternité: voilà quel est le drame humain de la période contemporaine de l’histoire de l’humanité — d’un côté, le gouffre d’un néant dont elle serait issue et, de l’autre, la promesse d’un inconnu dont elle ne saurait appréhender les contours ni raisonner la nécessité qu’il soit une continuation et une progression effectives.

Le paradoxe de la démocratie est qu’elle a recours au principe de l’inégalité utile afin de justifier implicitement l’instauration d’une hiérarchisation dont la fin est d’assurer, grâce à cette structuration, l’égalité sociale et politique de l’ensemble social.

On parle souvent du bras armé de la politique, afin de lutter contre ceux qui sont réputés être, à tort ou à raison, les ennemis de l’État, mais rarement évoque-t-on son bras subversif et perfide, souvent utilisé subrepticement afin de neutraliser les éléments qui sont estimés être des mauvais acteurs sociaux ou des gêneurs dérangeants de l’ordre établi.

L’esprit est la faculté de la connaissance impersonnelle, objective, comme le cœur est celui de l’expérience personnelle, subjective.

La réalité des trois idées transcendantes que sont la bonté, la vérité et la bonté s’expriment dans les trois facultés de la vie que sont la puissance, la science et la présence, dont l’action unifiée concertée manifeste l’unité et la cohésion de leur état, et leur plénitude se découvre dans l’omnipuissance, l’omniscience et l’omniprésence divines comme la dissociation que la pensée opère entre l’idée de l’essence et la réalisation qu’en opèrent les facultés exprime une décadence de la pensée que conditionnent uniquement la matière et le sens.

La tendance naturelle et irrésistible pour un être de persister en son état, un principe fondamental énoncé par Spinoza comme caractérisant et dynamisant l’être vivant et social, ne saurait avoir de sens au plan de la vie en société que s’il se complète de celui d’une tendance, toute aussi naturelle et irrésistible, pour un être à se porter garant de son semblable et à le protéger héroïquement, même au prix parfois de sa propre existence.

Puisque la sécurité est une condition de la paix et de la liberté, de la paix qui en signifie la présence et de la liberté qui l’apporte et la conserve, et que ces deux états exemplifient la qualité de la justice qui prévaut et du droit qui en spécifie les principes, sans lesquels elle ne saurait être instaurée, nulle paix ni nulle liberté ne sont véritablement réelles et actuelles sans une justice effective et véritable.

Si intelligent fût-il, l’homme particulier qui s’en tient à sa propre compréhension des choses se trouvera tôt ou tard confronté à la profondeur abyssale de sa propre ignorance mais, dans le cas de l’homme générique, à la formation duquel participe un nombre appréciable de générations, des siècles peuvent séparer le moment de la découverte de la puissance de sa faculté intellectuelle phénoménale et celui de la prise de conscience effective de ses limites.

Un État formaliste et procédurier, puisqu’il se content de définir les conditions de la vie en société, sans se sentir obligé de participer activement à son déroulement, s’il n’est pas entièrement désintéressé et, par conséquent, s’il ramène tout à la possibilité pour lui de maintenir son état, indépendamment de la qualité et de la bonté de sa nature, a la possibilité de transformer, à sa convenance, toutes les vertus en vices et tous les vices en vertus, pourvu que cela satisfasse à ses mobiles et à ses motifs de croître, de prospérer et surtout de se préserver lui-même.

Par un effet énigmatique qu’il resterait à expliquer, une science ancienne qui a été oubliée, soit qu’elle ne se soit pas transmise, faute de candidats pour en perpétuer la tradition, soit qu’elle ait péri avec la civilisation qui l’a inventée, est estimée n’avoir jamais existé et, puisqu’elle a été remplacée par une science plus actuelle, la conscience contemporaine en viendra à caractériser ceux qui l’ont peuplée comme étant des brutes et des ignorants, et la société qui l’a fait naître comme étant barbare et peu raffinée, comme si le génie scientifique était apparu avec la mémoire actuelle de son expression et comme si ceux qui l’avait précédée avait été incapable de quelque originalité et de quelque imagination que ce soit dans l’appréhension, la réalisation et la communication de la connaissance.

Pour qu’une société se fonde entièrement sur l’entraide et la coopération, ses membres doivent normalement avoir distingué quelles sont les qualités désirables, présentes en chacun, susceptibles de contribuer à cette action commune — laquelle suppose toujours une fin estimable que l’ensemble chercher à réaliser, chacune selon ses dispositions et ses capacités — mais encore doivent-ils avoir appris à savoir les reconnaître en leurs congénères, ce qui suppose qu’ils posséderont le désintéressement requis afin de bien les apercevoir, comprendre leur particularité et les apprécier, le tout dans la mutualité la plus complète et la générosité la plus achevée.

Trois mouvements, auxquels s’associent les agents, les patients, les sympathisants et les simples spectateurs, caractérisent toute vie: un mouvement progressif, ascendant, perfectif, par lequel un être vivant se réalise et s’accomplit selon ses virtualités les plus élevées (l’anabase); un mouvement régressif, descendant, imperfectif selon lequel un être vivant néglige cet achèvement et déchoit, en retournant à un état qualitatif antérieur (la catabase); et, afin d’éviter soit l’effort requis pour le premier, soit les risques inhérents du second, celui où il se maintien dans un statu quo ante et se contente d’une médiocrité statique qui tente de préserver les qualités acquises, souvent en proposant avoir atteint l’optimum désirable ou en prétextant être incapable d’un  changement et d’une amélioration nouveaux, en raison d’un état physiologique ou sociologique acquis — v.g. la détérioration de l’âge ou l’accession à l’âge de la retraite professionnelle —, sans pour autant démériter par rapport à elles (l’isostase).

L’expression «Personne n’est irremplaçable» est en réalité terrible puisque, si elle signifie que parfois l’on dusse se réconcilier avec la contingence de l’existence et avec la réalité de la disparition ou de l’éclipse d’un individu, dont l’importance de la fonction était le gage d’une sécurité et d’une prospérité pour ceux qui l’entourent, elle tend néanmoins à nier ou du moins à occulter l’unicité de la personne, la valeur de sa qualité, l’excellence particulière de son apport à la société et à la nature et le fait que ceux-ci pourraient faire regretter amèrement son absence et même créer les conditions d’une nostalgie que seul son retour pourrait dissiper: telle est la raison de mythes tels que ceux du «roi endormi» (Arthur, Charlemagne) qui se trouve séquestré dans un lieu mystérieux et inconnu et qui un jour se réveillera pour revenir régner sur son peuple et même de la croyance en la résurrection finale et du jugement des fautes et des mérites qui l’accompagnera.

Tels sont ceux pour qui l’injonction d’«aimer» qui est faite à leur prochain n’est en réalité qu’un langage codé, utilisé afin de les inciter à «endurer» et à «subir».

Le pouvoir politique émane-t-il de la situation économique ou le bien-être économique est-il issu de l’ascendant politique et de l’action qui en procède ?

Il y aurait un parallèle à établir entre le suicide de Léda — qui s’est jetée dans le vide du haut du rempart de la ville —, l’épouse du roi de Sparte Tindare que Zéus aurait séduite après son mariage et celui de Lucrèce — qui s’est plongée une épée dans le sein —, la femme légitime d’un proche du roi Tarquin de Rome, que le fils de ce roi aurait déshonorée en la prenant de force; un rapprochement pourrait également être effectué entre ces deux situations et le suicide, raconté dans la série Rome, réalisée par J. Milius, de Niobé —  qui se serait laissé choir du haut d’un balcon —, en raison de s’être laissé séduire par son beau-frère, le mari de sa sœur et d’avoir donné à son mari, un centurion romain qu’elle croyait avoir été tué au combat, un fils illégitime qu’elle aurait fait passer quelque temps pour l’enfant de sa fille, avant d’être découverte et confrontée par celui-là, lorsque son action fut dénoncée par une mauvaise langue ennemie ainsi que celui de Didon qui, éplorée et chagrinée par le départ de son amant Énée vers son destin et ne se sentant plus apte à survivre à cette peine profonde que lui causa cette séparation, se prépara un bûcher et se fit la proie de ses flammes.

Lorsque n’existe aucune incitation, aucune exhortation, aucune excitation formelle à la vertu, lorsque prévaut un relativisme moral tel que le vice se trouve à égalité avec la vertu et que la plus grande vertu consiste à plier à une législation qui se veut amorale, sauf pour les intérêts prédominants qu’elle avantage, sans évoquer le meilleur ou le plus grand bien, soit au plan individuel, soit au plan collectif, alors qu’il ne peut résulter d’une telle posture la décadence de la culture et le sacrifice des individus, souvent les plus excellents et méritoires: telle est la triste réalité du royaume de Mammon.

Comme l’on ne parle que de ce qu’on l’on sait, on juge seulement d’après ce que l’on sait et, ce qui est déplorable, on ne cherche à savoir, par esprit de partisanerie ou par intérêt, que ce qui peut confirmer un préjugé comme on préfère ignorer ce qui pourrait l’infléchir dans le sens de la vérité.

L’irrationnel — ce qui, étant, n’est pas encore compris, soit dans sa raison d’être, soit dans sa finalité, soit dans les modalités de son existence, soit dans celles de ses manifestations — est la matière du rationnel, lequel se fonde sur la faculté conjointe de l’intelligence et de la raison afin de lui apporter une intelligibilité et un sens, selon le principe qui veuille que ce qui n’est ni compris, ni élucidé peut éventuellement trouver une explication et une interprétation — qui dit inexpliqué ne dit pas nécessairement inexplicable, qui dit inconnu ne dit pas en même temps inconnaissable — de sorte que ce qui est tenu pour être ni expliqué, ni explicable tiendra du mystère, ou sera réputé tenir du mystère, tant et aussi longtemps qu’il le demeurera.

L’envergure que l’on ne saurait se donner, et qui pourtant est essentielle à l’exercice d’un pouvoir que l’on détient, que l’on acquiert ou auquel l’on contribue, grâce à un talent inné qu’un travail constant et sérieux verra à faire fructifier, soit en raison d’une collaboration mutuelle avec des collègues ou d’un échange enrichissant avec des amis, devra alors être réquisitionné auprès de participants involontaire, soit en leur soutirant le fruit de leur travail, soit en recrutant leur action, souvent sous le couvert de la ruse et de la séduction dont l’objectif est de produire cette finalité: telle est souvent la source de l’inégalité et de la réification du prochain à l’intérieur d’une société qui déchoit à l’idéal de s’édifier sur l’égalité et la dignité du concitoyen.

Il existe un lien intégral, intime et mutuel, entre l’expérience que l’on vit et l’esprit qui l’éprouve: ainsi, la nature et la qualité de l’expérience immédiate conditionneront-elles l’essence et le contenu de la pensée, comme la valeur et la subtilité de la pensée, altérée par les souvenirs d’expérience précédentes et l’effet qu’ils auront eus sur elle, influeront-elles sur la perception que l’intelligence et la conscience en auront et l’interprétation qu’elles en feront.

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