[Depuis le 06 avril 2023, avec mises à jour périodiques. — Since April 06th 2023, with periodical updates.]
Le
problème qui surgit, lorsque le penseur s’intéresse à la décadence
culturelle, c’est que le processus qui l’apporte se produit
imperceptiblement dans l’immédiat et que ses effets se font sentir sur
les générations et les siècles de sorte que, lorsque l’on s’aperçoit de
sa présence, elle est fermement installée, sans possibilité réelle de
la déloger, d’en neutraliser les conséquences perverses et de rétablir
la société qui la subit à un état antérieur, au moment où elle a semé
les germes de la déliquescence sociale qu’elle a instaurée.
Il y
a un côté merveilleux à la Métaphysique de Descartes qui n’est pas sans
évoquer les 1001 nuits: comme Aladdin, pour qui existe un trésor —
celui qui comble le désir —, Descartes songe à un trésor —
intellectuel, cette fois-ci —, celui de la connaissance vraie et
certaine que peut atteindre l’esprit; mais à l’opposé d’Aladdin, pour
qui le Génie de la lampe est le moyen d’obtenir le trésor convoité,
Descartes entrevoit, grâce à la lampe de son esprit, un Malin Génie
dont les artifices l’empêchent d’entrer en possession de son trésor; et
si Aladdin doit se garder de perdre la possession de la lampe, grâce à
laquelle il peut conjurer son Génie, Descartes doit trouver un moyen de
contourner les ruses du Malin Génie, fourbe et trompeur, afin de
pouvoir entrer en possession de son trésor, de la vérité que dorénavant
personne ne pourra lui dérober.
Le sujet épistémique qui ne
croit pas qu’une connaissance parfaite, vraie puisqu’elle est éternelle
et universelle, existe hors de soi et que la conscience peut parvenir à
celle-ci, doit se contenter d’aspirer à une connaissance imparfaite,
éventuellement tenue pour être vraie, éternelle et universelle et
susceptible d’être imposée comme telle, voire faussement, au nom de la
valeur éminente qu’elle est censée représenter pour les esprits
judicieux et profonds: telle est la prétention de toutes les idéologies
contingentes qui ont constitué, dans l’histoire de l’humanité, un
fardeau inique pour elle, avec son lot d’injustice, de souffrance et de
misères injustifiables en droit ou apparemment et superficiellement
justifiées au plan juridico-politique.
La philosophie peut se
concevoir et se définir comme étant une quête authentique de la vérité,
pleine par l’universalité de son contenu et entière par l’éternité de
sa visée: ce qui en subvertit le projet, c’est la subreption par
laquelle l’intelligence accepte pour être entièrement vrai ce qui ne
l’est aucunement, ou ce qui l’est incomplètement , une action
insidieuse qui répond toujours à un intérêt particulier et qui, se
fondant sur un mobile secret, dont le fait de l’inconscience est
ignorée par l’intelligence elle-même, déforme et ampute la vérité d’une
manière qui n’est pas intentionnelle ou qui, résultant d’un motif
délibéré, reconnaît cette impulsion, agit en conséquence de celle-ci et
produit un effet un effet analogue, tout en le soustrayant au regard du
voisin, pour que celui-ci ne puisse y répondre par un calcul semblable,
si cela était son désir et son inclination.
Si le lecteur n’aime
pas le propos que formule un livre emprunté à la bibliothèque, il n’a
qu’à le déposer, afin de faire cesser son tourment, et l’y rapporter,
sans s’en prendre à l’auteur qui a exprimé ses idées en toute candeur,
malgré qu’elles aient encouru, sans qu’il ne l’ait cherché, son entier
déplaisir.
L’idée transcende l’histoire et l’histoire est le
terrain de la réalisation de l’idée laquelle, dans ces deux cas, est le
produit d’un esprit qui possède la faculté de l’une et de l’autre
action, théorique, quant à la conception intellectuelle développée, et
pratique, quant à la possibilité illustrée de lui fournir une réalité.
L’école
étant le milieu en lequel l’ignorance se voit comblée, par l’expérience
qui en recule les limites et apporte avec elle l’occasion de formuler
les conceptions qui en dissipent les vacuités, on peut dire alors, sans
trop exagérer, que l’expression «l’école de la vie» décrit tous les
milieux, souvent informels, qui s’offrent à la conscience afin de lui
fournir les expériences qui enrichissent ses vues et favorisent la
profondeur et la maturation du caractère.
Le mystère de l’en-soi est l’en-soi du mystère.
L’innovation
pour l’innovation, sans qu’elle ne produise d’amélioration sensible
pour ceux qu’elle touche, l’amélioration pour l’amélioration, sans
qu’aucun changement substantiel n’en résulte pour ceux qu’elle affecte,
sont autant de tactiques employées afin d’empêcher que n’opère une
transformation réelle et significative de la réalité visée.
La
question d’importance à se poser, dans l’histoire de la France,
consisterait à savoir comment, et pour quelle raison, une civilisation
qui a atteint son apogée, sous Louis XIV, en vient à succomber à une
Révolution aussi terrible et dévastatrice qui n’en laissa que le
souvenir, et parfois même la nostalgie, plus de deux siècles plus tard.
La
liberté n’est pas au départ une fin, mais un moyen, celui de parcourir
et de réaliser la plénitude de la vie et elle ne devient qu’une fin que
lorsqu’elle est déficiente, que l’on en est privé, car alors ne
reste-t-il aucun moyen, ou seulement un moyen restreint, d’y atteindre,
mais encore est-ce porter injure à l’aspiration légitime de tout homme
de pouvoir y aspirer.
À l’intérieur d’une société décadente (de
l’état noétique jusqu’à l’état hylétique, en passant par l’état
psychique), même la conception que l’intelligence se forme le bien
subit la corruption qui caractérise son état.
La structure
hiérarchique sociale, que la stratification qu’elle opère se fonde sur
la vertu, la réputation, la fortune, le prestige, la gloire, la classe
ou la race, lorsqu’elle érige l’actualité de son état en schéma idéal
absolu, digne d’être admiré par tous les membres de la société, de
faire l’objet de leur contribution au maintien de son existence et
d’être reproduite à l’infini dans l’ailleurs temporel et culturel, mais
peu susceptible de tendre à une perfection nouvelle, puisque
considérant l’avoir déjà réalisée en son état, s’expose à connaître et
à générer la violence, soit au nom de ces groupes ou de ces individus
qu’elle exclut injustement, en raison pour ceux-ci d’aspirer au même
idéal de perfection, voire par des voies formelles différentes, mais
toutes aussi valables, à bien les considérer, soit au nom de ceux qui
dénient la validité de cette quête même et qui s’en excluent eux-mêmes,
tout en revendiquant un droit à l’existence qu’ils pourraient se voir
niés par conséquent.
Tout objet devient un appât lorsque,
offrant la promesse de combler un manque ou de répondre à un désir, il
devient l’occasion d’une déperdition physique et morale et de la
déception, ainsi que la souffrance, pouvant aller jusqu’à la perte de
l’intégrité qui pourrait en résulter: il devient le moyen d’une fraude
lorsque l’abus occasionné s’inscrit à l’intérieur d’une délibération
conscience et d’un dessein intentionnel.
On déconsidère et on
déprécie, aux yeux de ses semblables, la chose dont on veut
s’approprier à moindre prix (une œuvre, une chose meuble ou de
l’immobilier), pour en profiter au plus haut point, par l’exploitation
que l’on en fait, en omettant bien sûr de reconnaître, et de
récompenser à leur juste valeur — et parfois même à les dévaloriser et
à compromettre leur intégrité, lorsque cela s’avère utile — ceux
qui ont la bonne fortune de la produire, de la découvrir, de l’occuper
ou de la posséder à l’origine.
Dès que l’unanimité est requise,
afin d’effectuer une décision collective, l’unique détracteur à une
intention qui reçoit l’assentiment général — en autant que cela soit
véritablement possible — en vient à posséder de facto le droit de véto.
Combien
longtemps peut-on s’attendre à ce qu’un ordre social se maintienne dans
ses formes légales et par l’entremise de leur application effective,
lorsque la moralité de l’ensemble qui fonde leur légitimité se trouve
amenuisée par la corruption qui lui porte atteinte peu à peu et
culminant jusque dans sa disparition complète, avec la
généralisation de son effet déliquescent ?
Par essence,
l’égalitarisme moral présuppose en chacun une moralité équivalente,
distincte par la variété des modes de l’expression qu’elle serait
susceptible de comporter, mais non pas en raison de la culture de
l’excellence qu’elle révèle, ni de la perfection, de la valeur ou de la
subtilité de l’âme qui en témoigne; sous sa forme militante, cette
idéologie s’attaquera à la vertu dont la présence porte ombrage à la
médiocrité de son principe, alors que la seule égalité concevable
légitimement vise la perfection dont chacun peut faire l’émulation,
tout en sachant que son actualisation véritable échappe aux
possibilités des êtres vivants.
Le problème socio-économique
fondamental: l’intérêt de soi dans son rapport à l’intérêt d’autrui et
à l’intérêt en général; la déviation socio-politique essentielle qui
lui est reliée: l’inauthenticité qui accompagne la conscience fausse et
la mauvaise foi.
Influer sur des consciences libres et autonomes
afin qu’elles assument leur condition humaine et organiser le
territoire et la société de manière à pouvoir réaliser cette fin;
conditionner des individus qui y sont disposés à être régentés
inexorablement dans leur conduite par la volonté d’autorités
constituées, spontanément reconnues ou délibérément auto-proclamées;
tels sont les enjeux majeurs de la politique, tels qu’ils sont
susceptibles d’être identifiés dans l’opposition liberté — tyrannie.
L’amour, c’est la potentiation, les uness par les autres, de la vie et de la liberté des amants.
Les
deux défauts majeurs de l’intelligence: s’emballer pour une idée, peu
importe la valeur de vérité de son essence ou la valeur morale des
implications pratiques qui peuvent en découler; demeurer aveugle à la
qualité véridique et/ou pratique d’une idée, en raison de l’écart trop
grand qui existe entre une conception initiale, déjà présente en
l’esprit, et celle que l’idée lui présenterait et de l’effort de la
volonté requis afin de la considérer et de l’appliquer à la réalité de
la nature physique et e la substance morale qui seraient susceptibles
de l’accueillir.
La bonté de l’intention, la pureté du cœur, la
vérité du propos et la justice de l’action sont les quatre critères
moraux contre lesquels évaluer le contenu d’un récit historique ou
mythologique.
Toute action, toute création, toute opinion, toute
pensée ne sont recevables par la conscience individuelle et collectives
qu’en autant où elles sont le reflet d’une valeur morale — la bonté
pour l’action, la beauté pour la création et la vérité pour la pensée
(l’idée que constitue l’esprit) et l’opinion (l’expression que la
conscience en fait) — de sorte qu’en réalité, la liberté se fonde sur
la promotion de la moralité et de la perfection de ces idées-valeurs
transcendantes et sur le jugement qui est porté sur ses productions
(les œuvres, les conduites, les théories et les actions qui en sont
issues font toujours référence, implicitement sinon explicitement à ces
idées-valeurs).
Quant à la liberté, l’ironie, pour ne pas dire
l’absurdité, serait de rechercher à réaliser, étant libre, un degré
d’incomplétude ou d’imperfection analogue à celui qu’obligerait à
maintenir un état de contrainte et qui justifierait que l’on veuille
s’y opposer et le répudier.
L’absolutisme, sous sa forme la plus
rigide, qui n’admet pour aucune lacune, ni dans sa Weltanschauung,
autant quant à ce qui est que quant à ce qui devrait être et quant à la
désirabilité des moyens appropriés, utilisés pour l’atteindre, ni dans
l’interprétation qu’elle est susceptible de recevoir, autant quant aux
significations qu’elle véhicule que quant à la flexibilité avec
laquelle adapter son message à la réalité de l’histoire, exigera par
définition que l’on accorde à ses adeptes le droit d’exister et de
vivre selon ses enseignements, au nom d’un principe de droit général,
tout en excluant de sa visée morale et politique les consciences qui
seront en désaccord avec ses principes, au nom d’un droit particulier —
celui qui cautionne et qui promeut sa supériorité indéniable —.
Comme
pour l’homme, la liberté consiste, pour la femme, en la possibilité
effective dont elle dispose d’accomplir, conformément à sa nature et à
sa capacité, le plus grand et le plus admirable bien concevable et
réalisable.
La résistance à l’évocation d’un traumatisme ou
d’une situation éprouvante réside très souvent en le refus de revivre,
dans le souvenir, l’expérience qui se rapporte à ces événements, en
raison de la douleur intense que cette anamnèse fait surgir en la
conscience, et qui semble à ce point intolérable à celles-ci —
peut-être en raison du passage du temps et de l’amplification
subséquente de la blessure à l’amour-propre qui en a résulté — que
l’éventualité de la revivre devient inadmissible, sauf si elle est
accompagnée de la satisfaction de se savoir justifié dans son
innocence, puisque la conscience peut s’estimer être pure de toute
participation à la production de son occurrence.
Plus une
situation devient complexe, plus elle requiert que l’on se penche
sérieusement sur elle afin de la comprendre, plus l’analyse que l’on en
accomplira afin de l’appréhender sera intensive, profonde, extensive et
exhaustive et plus la théorie formulée afin de l’élucider sera complexe
et abstraite et comportera des risques de se tromper.
La raison
d’être de l’État est le droit que l’idée adéquate de la justice
inspire: ainsi serait-il surprenant si, ayant perdu son idéal et
s’étant vu corrompre par des agents que l’intérêt individuel mène avant
la poursuite de celui de l’état, il puisse se rétablir et retrouver son
élan vers la perfection qui auparavant le caractérisait, sans qu’il ne
dût sacrifier ces prévaricateurs et les remplacer par des serviteurs
que la pureté du cœur et la droiture de l’esprit permettent d’espérer
un retour à la finalité première.
Aimer une personne en raison
de la promesse qu’elle représente de combler ses désirs les plus chers,
voilà ce qui est sans doute le sentiment le plus naturel de l’être
humain; mais aimer une personne pour ce qu’elle est, parce qu’elle est
qui elle est, y compris en vertu du devenir le plus élevé auquel cet
être peut aspirer (et que, dans sa liberté, elle peut choisir de ne pas
accomplir), voilà ce qui représente en effet la forme la plus élevée et
la plus profonde de l’amour.
L’anonymat est un état ambigu en ce
qu’il permet e faire le bien en toute humilité mais aussi de commettre
le mal en toute impunité.
Le bien comme le mal sont tous deux
des concepts sociaux en ce que leur essence se révèle, directement ou
indirectement, aux conséquences bonnes ou mauvaises sur la personne de
son ou de ses semblables: accomplis sciemment et intentionnellement,
ils sont attribuables à la bienveillance ou à la malveillance de leur
auteur; accomplis sans dessein préalable ou sans préméditation, ils
sont attribuables soit à l’innocence, soit à la naïveté influençable,
soit à l’inconscience de leur auteur.
Se considérer libre d’agir comme on agit, parce que l’on en a la possibilité, illustre une puissance
alors
que se considérer libre d’agir ainsi que l’on agit parce que l’on
accomplit le bien illustre, en plus de la puissance, la bonté: la
première forme de la liberté illustre la vie sous sa forme la plus
brute, la seconde, sous sa forme la plus sublime et morale.
Il
faudrait éviter de dire, paraît-il, «Fontaine, je ne boirai plus jamais
de ton eau»: mais comment parvenir à l’obéissance complète à la
signification de cet adage, dès lors que celle-là est, selon toutes les
apparences, à jamais tarie.
Le droit d’aînesse et le droit
d’auteur se ressemblent en ce que, si beaucoup reconnaissent la
légitimité de ces principes, peut la reconnaissent en réalité dans les
faits.
La mauvaise foi est à la raison canonique, étant un
défaut de la raison droite, comme la pensée inadéquate est à la bonne
foi, c’est-à-dire une carence de l’authenticité du mobile.
Comme
l’on peut, à l’instar de Rilke, souhaiter à chacun sa propre mort (et
non celle qui est réservée à un autre), l’on pourrait aussi souhaiter à
chacun la femme qui lui est destinée, ou à chacune le mari qui lui
convient, cela de tout temps, sans égard pour le caprice des
circonstances et des humeurs d’un destin aveugle et étroit.
Opter
en faveur du moindre mal, ce n’est pas encore désirer le plus grand
bien et œuvre à l’accomplir; établir les conditions qui produisent des
maux, dont l’un est le moindre de l’autre, n’est pas encore mettre en
place celles qui susciteraient des choix qui tendent toujours à vouloir
et à produire le plus grand bien possible.
Aucun effort
d’offusquement — qu’il soit actif, comme pour en nier le fait, ou
simplement passif, comme étant la conséquence du passage du temps et
d’une préoccupation trop grande pour l’immédiateté actuelle —, ne
pourra faire totalement faire oublier que la matière originelle de la
philosophie fut la mythologie et que, au même titre qu’elle, celle-ci
fut une tentative d’expliquer l’immédiateté d’une actualité dont les
effets et les enseignements seraient toujours contemporains, malgré le
passage du temps et la suite des générations successives.
Les
mythes Grecs attribuent à Eros l’extraction du monde du chaos originel
à l’intérieur duquel il était renfermé, un effet et une action que la
pensée moderne attribueraient à la raison, en voyant en celle-ci la
faculté apte à organiser un état selon des catégories en vue de
réaliser une fin: ainsi, la raison originelle qui a agi selon ces mêmes
principes a-t-elle été désignée par les Anciens sous le vocable d’Eros,
ce qui nous amène à conclure que la raison ordonnatrice du monde est la
raison d’Eros et nulle autre que celle-ci.
La véritable anarchie
consiste non pas tant en un refus et un rejet des structures établies,
qui sont appelées pourtant à se transformer et à évoluer, conformément
à une entéléchie qui est immanente à leur essence, en réponse aux
conditions changeantes du milieu et aux impératifs nouveaux qu’elles
peuvent faire naître et de la conception adéquate, peut-être plus
élevée, qui en résultent, par les principes transcendants qu’elle porte
à énoncer , comme devant fonder la statique de l’organisation naturelle
et sociale et la dynamique culturelle et vitale du monde et de ses
populations diverses, allant du plus simple au plus complexe et du
moins perfectionné au plus perfectionné.
Le sentiment de la vie
— celui que la conscience de l’être éprouve d’être vivant — est le
sentiment le plus fondamental que possède l’être vivant et il antécède
la conscience qu’il en possède, comme aussi celle de l’univers qui
l’entoure, quoique l’état de celui-ci — dans sa statique, sa dynamique,
sa spécification, sa diversité infinie et son immédiateté — en
constitue un aspect important et nécessaire, en raison du rôle et de la
fonction essentielle, joué par lui dans son maintien et sa préservation.
Plus de péchés, mais des crimes ou des accidents; plus de fautes, mais des erreurs et des imprévoyances.
Si
Gaïa n’avait pas causé que se produise l’émasculation de son époux
Ouranos, en incitant son fils Cronos à commettre cet acte abominable
sur son père, celui-là aurait-il pu accéder à un règne qu’il estimait
pouvoir protéger seulement en dévorant ses enfants ? Par ailleurs, s’il
advenait que non, nul besoin alors que Rhéa, l’épouse de Cronos,
protège Zeus de la cruauté de son père, en établissant alors la
condition de la résurrection de ses autres frères et sœurs Olympiens,
préalablement ingestés par leur père.
Le double principe
dynamique du statu quo: ignorer, ou discréditer, les initiatives
valables ou les idées admirables, en provenance du milieu social,
appréciables en vertu de la bonté de leur promesse pour le bien-être de
l’ensemble; encourager, ou du moins ne pas décourager, les idées et les
initiatives qui, en perpétuant l’état actuel, ont le mérite de n’être
ni exceptionnelles par leur valeur, ni excellentes par leur qualité.
Le
Verbe (Verbum, Logos, Paël) réalise, dans l’action qui en procède, la
réconciliation des opposés qui sont apparues au cours des siècles et
des millénaires, à l’intérieur des cultures et des civilisations de
l’humanité, entre le Logos et l’Eros.
Le crime parfait est celui
que l’on commet avec la sanction voire passive des autorités, n’étant
pas légalement constitué en délit, ou encore l’action que, par
habitude, l’on n’identifie pas comme étant de nature délictueuse.
Le
droit étant une émanation de la justice, le principe de l’égalité de
tous devant la loi, pour être légitime, présuppose que la loi est au
départ juste, c’est-à-dire adéquate et impartiale, autrement celle-ci
en invalide la portée et l’intention.
L’hypocrisie de l’amour
est un concept qui renvoie à la conformité aux formes de l’amour,
telles qu’elles peuvent être socialement commandées et artificiellement
instituées, comme étant le produit d’une culture, sans qu’elles ne
répondent à aucune substance réelle, sauf celle qui est requise afin
d’en rencontrer les prescriptions.
La force vitale qui détruit
constitue également l’expression de la vie et cette action peut être
soit consciente et délibérée, soit inconsciente et volontaire, tout en
étant soi bénéfique — lorsqu’un médecin tue le microbe qui compromet la
santé de l’individu ou d’un ensemble d’individus — soit malveillante —
lorsque la destruction cause aléatoirement et sans justification
possible une souffrance ou une douleur qui peuvent aller jusqu’à une
déficience permanente et la perte de la vie —; cependant, lorsque la
destruction émane d’une action involontaire et inconsciente, elle
risque aussi de porter un préjudice irrémédiable à des sujets qui sont
nécessaires à la conservation de sa propre vitalité et entraîner
sa propre disparition, tellement le lien qui unit les êtres vivants
entre eux est organique et complémentaire, car non seulement le
sacrifice de son semblable à un caprice ou à un désir égoïste est-il
injuste et cruel, il est aussi immoral et criminel.
La princesse
attend avec impatience que son Prince charmant vienne la tirer du
profond sommeil qui engourdit son existence, mais qui vient réveiller
le Prince charmant pour lui inspirer sa mission salvatrice ?
Au
logos spermatikon corrrespond le terreau fertile de l’intellect passif
qui en transforme la substance prolifique en matière nouvelle,
intellectuelle ou sensible — une idée, une théorie ou une œuvre — et
qui, afin d’accomplir cette action, lui procure la richesse de
l’expérience et l’imagination qui la conserve dans l’esprit afin de
d’assurer sa correspondance avec la réalité de l’existence qui, dans sa
continuité, s’avère toujours changeante, par la multiplicité des
aspects sous lesquels elle s’offre à la conscience.
Il y a
certes là de la perversité à voir de la perversité, là où il n’en
existe aucune et encore plus à faire naître de la perversité, là où ne
se trouvait aucune perversité antérieurement.
L’égalité que l’on
réalise suppose doublement l’inégalité: celle qui existe préalablement
et que l’on se sent le devoir d’abolir; et celle en vertu de laquelle
l’on rend possible cette abolition, en l’imposant d’abord, en
illustrant une puissance prédominante, et en la maintenant ensuite, en
assurant la continuité de cette ascendance.
La philosophie peut
se concevoir comme étant la transcendance, à la fois théorique et
pratique, de l’habitus individuel et collectif que la conscience estime
être inutile, onéreuse, perverse, contre-productive ou autrement
moralement indésirable.
La raison n’est que l’instrument
de la justification théorique et rhétorique et de l’actualisation
pratique et technique des idées et des valeurs qui, elles, procèdent de
l’intelligence qui les découvre par la contemplation de l’ordre, de
l’être et l’introspection de l’ordre de l’esprit et, pour cette raison,
elle est au service de l’intellect qui en encadre et en gouverne
l’activité, par les choix que celui-ci l’amène à vouloir concrétiser et
réaliser.
Le négativisme idéologique entraîne doublement la
négativité de l’action: d’abord en encourageant l’action contraire à
l’état et à la position à laquelle elle oppose son idée; mais aussi en
semant le doute dans l’esprit qui pourrait être disposé à défendre
celle-là, de sorte à causer la suspension de l’action qui la
soutiendrait, du moins durant le temps pour lui de regagner la
confiance en la valeur de sa matière.
Tout effet, même positif
et bénéfique, qui se produit sur un état établi, étant susceptible d’en
perturber le cours et de requérir une adaptation de la part de
l’ensemble et de ceux qui sont affectés par lui, il est inévitable
qu’il suscite une opposition qui est proportionnelle à l’importance de
la cause et à la magnitude du résultat qui s’ensuit.
Toute
situation établie est l’expression d’un fait accompli, comme le laisse
entendre la formule qui en reconnaît la fatalité, le «c’est ainsi» qui
le constate et qui peut sembler l’excuser, lorsqu’il invite à la
résignation ou à l’indifférence; mais lorsque l’on sait que le fait est
censé confirmer le droit, autant celui qui prévaut et dont la
conscience est pénétrée que celui qui est pré-existant, en raison de
l’éternité et de l’universalité de son essence, c’est la qualité
événementielle propre de son avènement, dans le reflet effectif de la
bonté qu’il représente, ou qu’il serait censé représenter, qui devient
la considération primordiale incitant soit à l’approuver, soit à le
condamner, en évoquant le concept même du droit qui, en raison de la
moralité dont il est le défenseur, serait censé attester de sa
légitimité ou au contraire de constater combien il dérogerait d’une
valeur salutaire; alors seulement, le «c’est ainsi» devient-il le
premier moment d’une découverte ou d’une redécouverte de la liberté, en
mettant la situation ou l’événement qui porte à l’énoncer sur la voie
qui en aperçoit la moralité réelle et effective, seule condition
possible d’une liberté véritable et intégrale.
En maintenant
sans distinction ni questionnement le statu quo, comme les formes
juridiques qui sont le moyen par lequel l’état actuel s’est établi,
l’intelligence présuppose alors que, à l’instar de Panglosse, «tout est
pour le mieux dans le meilleur des mondes», i.e. que la justice
parfaite prévaut, que chacun la réalise intégralement, en actualisant
une moralité accomplie, et que chacun reçoit la reconnaissance adéquate
de sa qualité, de son mérite, de sa vertu et de la valeur réelle de sa
contribution.
L’obsession du pouvoir que détiennent les
autorités, constituées ou auto-proclamées, porte les éducateurs à
obliger les étudiants à se rallier à une forme d’ignorance collective,
telle que les lacunes incontestables de la doctrine officielle la leur
représenterait, et les agents politiques à agir d’une manière analogue
face aux citoyens en général, voire même à recourir à la violence afin
d’accomplir cette répression de la vérité, telle que des consciences
naïves peuvent l’intuitionner et les consciences éclairées l’exprimer.
L’ignorance
dont elle ne peut dépasser l’horizon est peut-être le plus grand
empêchement à son développement que peut rencontrer la culture d’une
institution ou d’une société, à un moment ou à une époque de leur
histoire, à ce point tel que, si elle ne sait la surmonter, la
décadence qui en résultera inévitablement en viendra à compromettre les
possibilités de son existence même.
Dans un régime totalitaire,
qu’il se fonde sur le charisme du chef ou de ses élites ou qu’il
s’établisse sur une doctrine unique et imparfaite, les seuls crimes qui
resteront impunis sont ceux qui se commettraient par lui, par
l’entremise de ses agents politiques et de ceux qui agissent en son
nom, par une espèce de solidarité partisane avec eux, en invoquant une
raison d’État défectueuse, alimenté par l’ignorance, l’incompétence,
l’intérêt mal compris (ou trop bien compris), le zèle excessif, la
malice ou simplement l’imperfection inhérente à la nature humaine, et
lorsque les autorités les châtieront, elles le feront sous le couvert
du secret, afin de ne pas compromettre son image aux yeux d’une
population cynique et exacerbée.
Afin de mieux encore asseoir
le statu quo de la médiocrité, l’on banalise l’extraordinaire qui
s’offre spontanément à la conscience, souvent en noyant la conscience
publique avec un spectaculaire artificiel et controuvé, et on cherche à
procurer à l’ordinaire un caractère exceptionnel et spectaculaire.
Tels
sont ceux qui dénoncent formellement la guerre tout en agissant de
telle manière à l’engendrer, par les injustices qu’ils ne cessent de
commettre et qui ne peuvent que soulever l’indignation de la part des
consciences justes et éveillées.
Comment ceux à qui échappe la
présence effective de la vertu en eux sauraient-ils reconnaître celle
qu’illustre manifestement leurs semblables; comment ceux qui ignorent
tout de l’honneur pourraient-ils se laisser inspirer par le sens de
l’honneur qui anime leurs congénères ?
Si la plénitude de la vie
est la fin légitime de tout être vivant, comme l’on pourrait s’y
attendre dès que l’on y songe bien — car quel individu doué de la vie
et appréciant le bienfait de son état ne souhaiterait-il pas que
celui-ci se magnifie et se perpétue sans interruption ? — la vertu
agissante qui le procure en devient alors le moyen par excellence de
son actualisation.
L’expression: «Plus ça change, plus ça reste
pareil» révèle, par la paradoxe qu’elle énonce, une vérité phénoménale
du mouvement de l’esprit historique par lequel, matériellement, l’on
puisse observer des transformations dans l’organisation de la nature et
de la société alors que, formellement, les principes, les valeurs, les
idées, les désirs et les mobiles qui les produisent demeurent
invariables et constants dans leur capacité des nouvelles manières de
se manifester.
Les nationalismes ethnocentriques ont la fâcheuse
habitude de réserver à leurs congénères uniquement l’application de
leurs excellents principes ainsi que la jouissance de leurs lois
magnifiques, comme la protection qu’elle offre à leurs ressortissants,
à l’exclusion des autres ethnies et des autres peuples, sauf lorsque
c’est dans leur intérêt d’agir autrement et pour aussi longtemps que
celui-ci est avantagé par cette tactique.
pensée
----------> connaissance théorie
MONDE vie
----------->
expérience réflexion
sagesse
technique
----------->
action art pratique
Il
existe une notion existentielle capitale qu’il vaudrait la peine
d’approfondir, la condition de l’état, individuel ou collectif, par
laquelle l’on tenterait de désirer et d’expliciter la réalité
spécifique d’un au monde, tel qu’il est influencé par une multitude de
facteurs contingents — la culture, l’histoire, la géographie, la
sociologie, l’expérience de vie, telle que vécue et éprouvée
subjectivement —, mais néanmoins déterminants pour l’individu qui, les
subissant, est susceptible de se laisser dominer par elles, souvent au
prix de l’intégrité de son individualité, de son unicité et de sa
particularité, ou qui, les surmontant par l’action et les transcendant
par la pensée, par les transformations qu’il leur apporte et par la
prise de conscience qu’il peut en faire, permet d’accomplir.
Quel
besoin a-t-on d’invoquer le droit et de se conformer à ses sains
principes lorsque la fonction que l’on exerce ou que la position
sociale que l’on occupe autorisent à faire l’usage de la force ou de la
ruse afin de réclamer ce que la convoitise ou le caprice commandent de
s’approprier: tel est l’argument du voyou et du coquin qui se cache
derrière un semblant de dignité afin de mieux encore réaliser son
forfait.
Si l’Église consent à courir avec les loups, ce ne doit
être que pour sauver les agneaux et non pour concourir à les sacrifier:
mais peut-on jamais entreprendre, par ces moyens, de poursuivre une si
noble fin et espérer s’en tirer indemne ? Cf. le père Gabon dans la
«Chute des Aigles» qui collaborait avec l’OKRA, la police tsariste, et
en tirait des contributions dans l’espoir uniquement d’aider les
travailleurs et qui, ayant été dénoncée par elle auprès des
révolutionnaires, finit ses jours sur l’échafaud.
La
stratification sociale est la réponse qu’apporte la société dans
l’effort qu’elle déploie de se réorganiser après la dissolution sociale
occasionnée par la «déhiérarchisation» opérée sur elle, au nom de la
liberté, par les réformes et les actions révolutionnaires.
Toute
stratification sociale s’opère en raison de distinctions fondées sur
les qualités, grâce auxquelles les élites peuvent se démarquer face à
la généralité, selon le degré de leur réalisation et de leur
actualisation à l’intérieur de la population.
L’intelligence se
définit toujours par rapport à un intérêt: or, c’est dans la nature de
celui-ci — noétique, psychique ou hylétique — que l’on doit en
découvrir la valeur réelle et la portée effective, existentiel et
pratique pour celui-ci, émotionnel et équilibré pour le second et
transcendant, universel et éternel pour le premier.
Une manière
de duplicité: on met en suspens le droit, avec l’aide de complices et
avec l’accord tacite de témoins complaisants, lorsque l’on y trouve
quelque bénéfice ou avantage mais l’on se réfugie derrière des
principes admirables et excellents, lorsque sa propre sécurité et son
propre bien-être sont à risque et pourraient bien être compromis.
L’hypothèse
du déterminisme historique se pose dès lors qu’aucune volonté apparente
d’infléchir le cours des événements ne parvient à prévaloir et
qu’aucune possibilité raisonnable n’est entrevue de produire un tel
effet, ce qui ne signifie pas qu’aucune volonté n’est à l’œuvre afin
d’orienter l’ordre de l’actualité, voire même qu’elle n’est pas apte
présentement à être identifiée.
Chaque instant, chaque moment de
l’histoire exprime, soit en l’embrassant, soit en le niant, soit en
l’approximant, mais toujours en la manifestant et en substantifiant
l’essence d’une volonté transcendante qui constitue le cours éternel de
la réalité qui ne se laisse pas observer dans les péripéties mêmes de
son développement, mais qui se laisse appréhender uniquement en
rétrospective et avec un recul suffisant pour en déceler les patrons et
conclure à un aboutissement qui, à ce moment, prendra l’aspect d’une
occurrence irréversible et d’un destin apte à conditionner tous les
mouvements historiques futurs.
C’est souvent au nom d’une
perfection plus grande que souhaiterait réaliser et obtenir le
contradicteur que celui-ci oppose le refus de la perfection actuelle
qui prévaut — et qui fonde l’ordre qui en concrétise les valeurs et les
principes qui en inspirent l’instance —, mais quelle garantie
existe-t-il que l’alternative envisagée constitue réellement une
amélioration de ce qui existe ou qu’il est en son pouvoir de lui
apporter la bonification qu’il prétend instaurer ?
La lutte des
sexes est à la droite des ayants-droit, acquis au prix de luttes
historiques ou favorisés dans leur état par une constitution politique
et sociale qui leur est favorable, comme la lutte des classes est à la
gauche des sans-droits, ceux-ci en étant dépourvus, privés qu’ils en
sont ou autrement aliénés qu’ils en furent.
La qualité du chef
de l’État que reçoit une société afin de l’encadrer et de la diriger
constitution l’attribution au plus haut point de l’excellence à
laquelle les membres de la société peuvent espérer pouvoir réaliser
eux-mêmes de sorte que plus un chef d’État est admirable et louable par
la profondeur et la compréhension de ses aptitudes et par l’excellence
et la valeur de leur réalisation, plus les membres de la société
trouveront un encouragement à réaliser la perfection de leurs propres
dispositions, sauf à se complaire eux-mêmes dans l’inertie que leur
procure un statu quo qui répond à leur suffisance et qui n’exige pas
qu’ils sachent se dépasser eux-mêmes en aspirant à une perfection qui
témoignerait de l’importance qu’ils accordent à la vertu et à la
droiture du caractère.
Un État amoral fera tout en son pouvoir
afin de se conserver en son état, lequel peut être excellent à certains
points de vue — et peut-être à de multiples égards — et méritoire de
cet effort à l’auto-conservation — la vie étant le premier des
bienfaits et certainement celui que chacun prise par-dessus tout les
autres — en vue de parvenir à une excellence encore plus achevée, mais
aussi médiocre à d’autres et, afin de réaliser cette fin, il invoquera
la raison d’État en vue de se justifier intégralement aux yeux de ses
détracteurs et ainsi les moyens qu’il songe employer — voire qu’ils
soient parfois douteur, d’un point de vue moral, et répréhensibles
lorsqu’ils engagent la moralité individuelle et la recrutent en des
sens qui tairaient les voix de la conscience personnelle — qui lui
assurerait, pour un temps, la stabilité qu’il se propose de maintenir
indéfiniment.
Quelle que soit la direction que prend l’histoire,
celle-là provoquera l’apparition de sa part d’irréductibles (mais non
pas les mêmes d’une direction à l’autre) et la résistance qui
s’ensuivra, en raison des intérêts différents et distincts qu’elle
compromettra et de la volonté de les préserver nonobstant: cette
généralisation se vérifiera, que l’on assiste à un progrès tourné vers
l’avenir, un régression vers un temps supposément plus heureux ou une
stagnation qui voudra préserver les acquis préalables qui fondent les
configurations de l’actualité; ainsi, seuls ces esprits pénétrants qui
sauront déceler dans les battements de la vie des peuples et des
civilisations l’expression d’une volonté universelle et transcendante,
et qui seront prêts à régler leurs conduites et leur actions sur
l’interprétation qu’ils en feront, seront épargnés l’ignominie d’une
relégation aux confins de l’échec et de l’oubli, sauf évidemment à
l’intérieur d’un régime où toute référence à la transcendance et à
l’universalité prend l’aspect d’un tabou, en lequel cas ils risquent
l’exclusion et la marginalisation s’ils n’ont pas acquis l’habileté de
se fondre dans le décor.
Le problème avec la dialectique
hégélienne, c’est que par définition elle pose l’existence d’un d’un
relativisme généralisé des idées transcendantes, n’allouant pour la
perfection de la conception, ni de la bonté, ni de la vérité, ni de la
bonté et donc, en justifiant, au nom d’une idée meilleure à celle qui
est proposée, la négation qui se transforme, en raison même de cette
relativité implicite, en la proposition d’une forme alternative
censément supérieure, alors qu’autrement, elle n’en serait qu’une
manifestation distincte que conditionne un monde divers et changeant.
Lorsqu’un
individu fait partie d’un ensemble, il ne peut à vrai dire agir de
façon autonome et indépendante sur lui afin d’en transformer la nature,
mais il doit opérer à l’intérieur de celui-ci d’une manière qui
corresponde à sa propre essence, comme à celle de l’ensemble et
éventuellement résister à l’action que peut subir ce tout, et
l’affecter en tant qu’il est un individu, mais sans pouvoir la
conditionner effectivement, ni l’arrêter entièrement, puisqu’il en est
ni l’auteur, ni la conscience agissante et dirigeante, lesquels sont
indépendants du tout sur lequel ils opèrent l’action déterminante qui
est entreprise, pour quelque motif que ce soit.
L’histoire de
l’humanité dans ce qu’elle a de plus tragique, autant au plan collectif
qu’au plan individuel, est fondé sur un rapport de la mémoire à
l’infidélité dont se sont rendus responsables ses membres, résultant de
l’oubli que l’on tente de faire de ses conséquences terribles et
jusqu’à sa commission, un oubli qui peut être intentionnel lorsque le
particulier s’engage consciemment sur la voie de la félonie, afin
d’éviter la conscience de la responsabilité de ses manquements — on
parle alors de répression —, mais qui peut être aussi inconscient,
lorsque la douleur engendrée par une infidélité, subie ou imposée par
un agent malveillant, et les effets désastreux qui s’en sont ensuivis,
est trop importante pour continuer à être présente dans la conscience
du souvenir — on parle alors de refoulement —.
Dans l’Antiquité,
l’on parlait d’idolâtrie lorsque l’adoration qu’il revenait à la
Divinité de recevoir se déplaçait sur la représentation sensible de la
Divinité, tenue alors pour L’être devenue effectivement; dans la
Modernité, l’on parle d’idolâtrie lorsque le sujet conscient devient
lui-même l’objet de cette forme substitutive d’adoration et, puisque le
concept même de Divinité a été occulté, à l’intérieur de la pensée
générale — de l’épistémè — de cette époque, c’est la notion de
narcissisme qui en exprime la réalité.
La loi physique est à
la nature comme la loi morale est à la liberté: et puisque toutes les
deux émanent d’une puissance qui en dicte l’expression, il est logique
de conclure qu’elles sont interdépendantes et qu’elles s’influent
mutuellement, d’une manière qui peut-être échappe à l’entendement, mais
qu’il appartiendrait à l’intelligence de savoir discerner et
adéquatement apprécier.
L’homme est plus à la merci de ses
hormones qu’il n’en est conscient — de l’oppression et de la peur pour
ce qui est des hommes; de la sexualité et de la sécurité pour ce qui
est des femmes — et seule la discipline sur soi que confère un
programme d’éducation physique raisonné, accompli en conformité avec
les dispositions institutionnelles de chacun, peut parvenir à donner à
chacun une mesure de contrôle conscient sur les pulsions inconscientes
qui en conforment les manifestations.
Deux principes sont
éventuellement à l’œuvre et se conjuguent afin d’expliquer
l’imperfection de la réalité: le principe d’incomplétude qui est
inhérent à la perfectibilité ontologique de la nature, résultant de ses
états qui sont susceptibles de compromettre le bonheur des hommes; et
le principe de la corruption par lequel l’on recherche, passivement —
par le défaut délibéré d’agir —, ou activement — en empêchant
intentionnellement une action ou en créant les conditions de son
absence —, cette compromission au nom de son propre bonheur ou de ce
qui est pressenti comme tel.
L’idéal, si élevé fût-il et par
conséquent si inatteignable qu’il parût à l’esprit des contemporains
dont il se recrute l’aval et la conviction, n’est peut-être après tout,
lorsqu’il est apprécié à la lumière du potentiel immense de la nature
humaine, tel que voulu par le Créateur, que l’impératif hypothétique
grâce auquel non seulement il peut espérer recevoir une actualisation,
mais encore se relever de la décadence profonde dans laquelle les choix
moraux malheureux des générations antérieures l’ont plongée.
La
loi du moindre effort exige de profiter le plus possible d’une
situation et d’en extraire le maximum des bénéfices pour soi, en
veillant à dépenser le moins d’énergie et en déployant le moins
d’effort afin d’atteindre ce résultat, sans égard pour les bienfaits
qui pourraient en résulter pour autrui ou pour l’ensemble de s’adonner
à la pratique contraire et de recueillir, au moyen de l’action
intentionnelle et de la volonté génératrice d’un travail correspondant,
les fruits de son activité.
Pour un grand nombre, mieux vaut se
taire et laisser-faire, devant l’injustice dont ils sont les témoins,
qu’agir et risquer la tranquillité dont ils jouissent, eux et les
leurs, mais peut-être aussi cela procède-t-il d’une mentalité
généralisée à l’ensemble de la société, ou caractérisant un élément de
celle-ci, suffisamment prépondérant pour lui imposer sa direction, qui
tolère et peut-être promeut l’iniquité, par intérêt et par esprit de
conformité, contre laquelle ils se sauraient ou se sentiraient
impuissants d’opposer une action efficace.
La gravité des
conséquences, pouvant résulter du fait de croire en l’amitié de celui
qui n’exprime nullement cet état à son égard, peut parfois être
inimaginable, mais elle ne saurait l’être autant que celle de croire
que l’amitié n’existe pas ou qu’il n’existe personne pour en porter le
flambeau et en témoigner auprès de ses semblables.
Platon est le porte-flambeau de l’idée; Aristote en est le témoin; Socrate en serait-il l’inventeur ?
Patience, dit la limace à la tortue: tous ne peuvent pas se déplacer à la même vitesse que toi !
Il
est normal que les institutions d’un ordre politique et social en
justifient l’existence, par leur pensées, leurs discours et les règles
qui encadrent leurs actions, puisqu’elles en sont à la fois les
gardiens, les inspirateurs, les formateurs et les agents, mais là où
elles sont aptes à essuyer la critique, et éventuellement les reproches
légitimes, c’est lorsqu’elles acceptent comme étant des a priori
éminemment valables les valeurs et les principes qui sont à son
fondement, comme s’ils étaient parfaits et parfaitement observés et
qu’ils ferment les yeux sur son imperfection comme sur sa corruption
(ainsi que la stagnation et la régression, voire la décadence, qui les
caractérisent), comme si cette dégradation du droit était en réalité
l’illustration d’un état indépassable et insurpassable, apte à susciter
l’admiration chez tous ceux qui en observeront les réalisation et même
à l’imposer, lorsque le régime qui l’exprime poursuivra ses fins
iniques en recourant à la ruse et à la force.
Le mal commence à
s’enraciner dès que la conscience n’aspire pas sincèrement et fermement
à réaliser le plus grand bien et à mettre en œuvre tous les moyens
aptes à réaliser cette ambition, et plus l’indifférence à
l’actualisation et à la présence du bien est grande, plus celle-là se
rapproche de moment où elle devra constater l’exacerbation du mal qui
en résultera, du fait de sa médiocrité et de son inaction.
La
légalité est la forme inférieure de la moralité et, lorsqu’elle n’est
pas conforme à une notion élémentaire de la justice, elle ne peut être
englobée dans le droit et devient alors la manifestation de la
criminalité étatique — puisque c’est à l’État que reviennent, en droit,
le devoir et la responsabilité d’appliquer les principes de justice et
de formuler un droit conséquent et significatif qui les reflètent.
Afin
de mieux pouvoir croire et faire croire en la valeur de sa propre
théorie, il vaut mieux pour certains de détruire toutes les autres — y
comprises celles qui sont véhiculées par la tradition et, lorsque cela
sera possible, les tourner en dérision ou ridiculiser ceux qui les
défendent —; et si, telle qu’elle est exprimée ainsi, cette stratégie
peut paraître irrecevable, l’histoire nous apprend qu’elle est pourtant
celle à laquelle ont recours un certain nombre d’idéologues qui, pour
se donner une plus grande crédibilité, se présentent comme étant des
penseurs de bon aloi.
Quand le contenu du savoir détermine la
position existentielle qui est la sienne, conçue en termes de la
situation sociale et de l’appartenance à la collectivité, avec tous les
avantages en prestige, en autorité, en titres et en biens qu’elle
procure à l’individu, toute remise en question de ce savoir, au-delà
d’une marge de tolérance qui conforte et semble confirmer le sentiment
de la liberté réelle dont il disposerait en cette situation, devient
une remise en question de celle-ci, indépendamment de la valeur de
vérité qu’elle représente, une telle attitude — érigée en loi
sociologique — exprimant une forme de conservatisme primaire,
c’est-à-dire instinctif, irrationnel et irréfléchi.
Lorsque l’on
s’arrête à considérer la complexité, la subtilité, la profondeur et la
sublimité de l’esprit humain, ainsi que sa capacité à accomplir la
vilénie, l’horreur et à la nuisance à la vie, avec la variété de ses
sentiments, de ses pensée et de ses émotions ainsi que l’unicité, à la
fois de l’expérience qui en distingue la vie et de la virtualité (ainsi
que la possibilité de l’individu) qui la réalise dans sa subjectivité,
rien d’étonnant alors que la conscience veuille se réfugier dans
l’intelligence approfondie et exclusive de la nature subjective et des
potentialités qu’elle renferme qui, si elles participent, mais en
moins, des qualités de l’esprit relevées plus haut, engageront la
subjectivité de l’intelligence moins entièrement dans tout ce qu’elle
comporte elle-même de cette dimension morale, voire que les techniques
et les actions qui découleront de la science qu’elle fait naître sont
aptes en même temps à les révéler au plus haut point.
La
conscience des deux conceptions du temps: un temps cyclique — celui du
mythe — qui se répète à l’infini, selon des phases significatives et
récurrentes; et un temps linéaire — celui de science — qui consiste en
une consécution de moments singuliers et discrets dans une seule
direction, du passé vers l’avenir, constitue peut-être un des plus
grands défis posé à l’intelligence humaine, dès lors qu’elle refuse de
tomber dans le piège de voir en l’un ou en l’autre une conception
exhaustive qui, à elle seule, est susceptible de rendre compte de la
réalité de l’expérience, individuelle ou collective; mais elle suppose
également que l’on acquiert une théorie adéquate du mythe et du savoir
afin de comprendre en quoi l’un et l’autre sont, sous certains égards,
également vrais, autant lorsqu’ils énoncent des propositions,
dogmatiques pour le premier et apodictiques pour le second, que
lorsqu’ils se contredisent ou qu’ils se complètent, le cas échéant.
Ceux
qui n’ont jamais fait l’expérience de la plénitude de l’amour, n’ayant
jamais véritablement aimé ou ayant aimé incomplètement, ne sauraient
comprendre ce que peut être l’état en lequel se trouve la personne qui
est amoureuse, ni en quoi l’amour éprouvé peut être à la fois
envahissant et prédominer jusque sur les facultés morales et
rationnelles de celui-ci.
La conscience de l’homme n’agit pas
sur le temps de l’actualité à l’intérieur de laquelle le cours de son
existence se déroule comme si aucune profondeur, ni aucune complexité
ne venaient étayer l’être qu’il est devenu et comme si l’avenir qui en
procéderait en était immanente et surgirait d’elle comme par magie,
spontanément, sous l’effet d’aucune agence presciente et d’aucune
imagination productive, en réponse peut-être à des lois biologiques
mécaniques — celles qui sont propres à la génération et à l’instinct de
la conservation de l’espèce — mais non pas à une intelligence qui
transcende les catégories de l’espace et du temps pour se situer au
plan de l’universel, de l’infini et de l’éternité: voilà quel est le
drame humain de la période contemporaine de l’histoire de l’humanité —
d’un côté, le gouffre d’un néant dont elle serait issue et, de l’autre,
la promesse d’un inconnu dont elle ne saurait appréhender les contours
ni raisonner la nécessité qu’il soit une continuation et une
progression effectives.
Le paradoxe de la démocratie est qu’elle
a recours au principe de l’inégalité utile afin de justifier
implicitement l’instauration d’une hiérarchisation dont la fin est
d’assurer, grâce à cette structuration, l’égalité sociale et politique
de l’ensemble social.
On parle souvent du bras armé de la
politique, afin de lutter contre ceux qui sont réputés être, à tort ou
à raison, les ennemis de l’État, mais rarement évoque-t-on son bras
subversif et perfide, souvent utilisé subrepticement afin de
neutraliser les éléments qui sont estimés être des mauvais acteurs
sociaux ou des gêneurs dérangeants de l’ordre établi.
L’esprit
est la faculté de la connaissance impersonnelle, objective, comme le
cœur est celui de l’expérience personnelle, subjective.
La
réalité des trois idées transcendantes que sont la bonté, la vérité et
la bonté s’expriment dans les trois facultés de la vie que sont la
puissance, la science et la présence, dont l’action unifiée concertée
manifeste l’unité et la cohésion de leur état, et leur plénitude se
découvre dans l’omnipuissance, l’omniscience et l’omniprésence divines
comme la dissociation que la pensée opère entre l’idée de l’essence et
la réalisation qu’en opèrent les facultés exprime une décadence de la
pensée que conditionnent uniquement la matière et le sens.
La
tendance naturelle et irrésistible pour un être de persister en son
état, un principe fondamental énoncé par Spinoza comme caractérisant et
dynamisant l’être vivant et social, ne saurait avoir de sens au plan de
la vie en société que s’il se complète de celui d’une tendance, toute
aussi naturelle et irrésistible, pour un être à se porter garant de son
semblable et à le protéger héroïquement, même au prix parfois de sa
propre existence.
Puisque la sécurité est une condition de la
paix et de la liberté, de la paix qui en signifie la présence et de la
liberté qui l’apporte et la conserve, et que ces deux états
exemplifient la qualité de la justice qui prévaut et du droit qui en
spécifie les principes, sans lesquels elle ne saurait être instaurée,
nulle paix ni nulle liberté ne sont véritablement réelles et actuelles
sans une justice effective et véritable.
Si intelligent fût-il,
l’homme particulier qui s’en tient à sa propre compréhension des choses
se trouvera tôt ou tard confronté à la profondeur abyssale de sa propre
ignorance mais, dans le cas de l’homme générique, à la formation duquel
participe un nombre appréciable de générations, des siècles peuvent
séparer le moment de la découverte de la puissance de sa faculté
intellectuelle phénoménale et celui de la prise de conscience effective
de ses limites.
Un État formaliste et procédurier, puisqu’il se
content de définir les conditions de la vie en société, sans se sentir
obligé de participer activement à son déroulement, s’il n’est pas
entièrement désintéressé et, par conséquent, s’il ramène tout à la
possibilité pour lui de maintenir son état, indépendamment de la
qualité et de la bonté de sa nature, a la possibilité de transformer, à
sa convenance, toutes les vertus en vices et tous les vices en vertus,
pourvu que cela satisfasse à ses mobiles et à ses motifs de croître, de
prospérer et surtout de se préserver lui-même.
Par un effet
énigmatique qu’il resterait à expliquer, une science ancienne qui a été
oubliée, soit qu’elle ne se soit pas transmise, faute de candidats pour
en perpétuer la tradition, soit qu’elle ait péri avec la civilisation
qui l’a inventée, est estimée n’avoir jamais existé et, puisqu’elle a
été remplacée par une science plus actuelle, la conscience
contemporaine en viendra à caractériser ceux qui l’ont peuplée comme
étant des brutes et des ignorants, et la société qui l’a fait naître
comme étant barbare et peu raffinée, comme si le génie scientifique
était apparu avec la mémoire actuelle de son expression et comme si
ceux qui l’avait précédée avait été incapable de quelque originalité et
de quelque imagination que ce soit dans l’appréhension, la réalisation
et la communication de la connaissance.
Pour qu’une société se
fonde entièrement sur l’entraide et la coopération, ses membres doivent
normalement avoir distingué quelles sont les qualités désirables,
présentes en chacun, susceptibles de contribuer à cette action commune
— laquelle suppose toujours une fin estimable que l’ensemble chercher à
réaliser, chacune selon ses dispositions et ses capacités — mais encore
doivent-ils avoir appris à savoir les reconnaître en leurs congénères,
ce qui suppose qu’ils posséderont le désintéressement requis afin de
bien les apercevoir, comprendre leur particularité et les apprécier, le
tout dans la mutualité la plus complète et la générosité la plus
achevée.
Trois mouvements, auxquels s’associent les agents, les
patients, les sympathisants et les simples spectateurs, caractérisent
toute vie: un mouvement progressif, ascendant, perfectif, par lequel un
être vivant se réalise et s’accomplit selon ses virtualités les plus
élevées (l’anabase); un mouvement régressif, descendant, imperfectif
selon lequel un être vivant néglige cet achèvement et déchoit, en
retournant à un état qualitatif antérieur (la catabase); et, afin
d’éviter soit l’effort requis pour le premier, soit les risques
inhérents du second, celui où il se maintien dans un statu quo ante et
se contente d’une médiocrité statique qui tente de préserver les
qualités acquises, souvent en proposant avoir atteint l’optimum
désirable ou en prétextant être incapable d’un changement et
d’une amélioration nouveaux, en raison d’un état physiologique ou
sociologique acquis — v.g. la détérioration de l’âge ou l’accession à
l’âge de la retraite professionnelle —, sans pour autant démériter par
rapport à elles (l’isostase).
L’expression «Personne n’est
irremplaçable» est en réalité terrible puisque, si elle signifie que
parfois l’on dusse se réconcilier avec la contingence de l’existence et
avec la réalité de la disparition ou de l’éclipse d’un individu, dont
l’importance de la fonction était le gage d’une sécurité et d’une
prospérité pour ceux qui l’entourent, elle tend néanmoins à nier ou du
moins à occulter l’unicité de la personne, la valeur de sa qualité,
l’excellence particulière de son apport à la société et à la nature et
le fait que ceux-ci pourraient faire regretter amèrement son absence et
même créer les conditions d’une nostalgie que seul son retour pourrait
dissiper: telle est la raison de mythes tels que ceux du «roi endormi»
(Arthur, Charlemagne) qui se trouve séquestré dans un lieu mystérieux
et inconnu et qui un jour se réveillera pour revenir régner sur son
peuple et même de la croyance en la résurrection finale et du jugement
des fautes et des mérites qui l’accompagnera.
Tels sont ceux
pour qui l’injonction d’«aimer» qui est faite à leur prochain n’est en
réalité qu’un langage codé, utilisé afin de les inciter à «endurer» et
à «subir».
Le pouvoir politique émane-t-il de la situation
économique ou le bien-être économique est-il issu de l’ascendant
politique et de l’action qui en procède ?
Il y aurait un
parallèle à établir entre le suicide de Léda — qui s’est jetée dans le
vide du haut du rempart de la ville —, l’épouse du roi de Sparte
Tindare que Zéus aurait séduite après son mariage et celui de Lucrèce —
qui s’est plongée une épée dans le sein —, la femme légitime d’un
proche du roi Tarquin de Rome, que le fils de ce roi aurait déshonorée
en la prenant de force; un rapprochement pourrait également être
effectué entre ces deux situations et le suicide, raconté dans la série
Rome, réalisée par J. Milius, de Niobé — qui se serait laissé
choir du haut d’un balcon —, en raison de s’être laissé séduire par son
beau-frère, le mari de sa sœur et d’avoir donné à son mari, un
centurion romain qu’elle croyait avoir été tué au combat, un fils
illégitime qu’elle aurait fait passer quelque temps pour l’enfant de sa
fille, avant d’être découverte et confrontée par celui-là, lorsque son
action fut dénoncée par une mauvaise langue ennemie ainsi que celui de
Didon qui, éplorée et chagrinée par le départ de son amant Énée vers
son destin et ne se sentant plus apte à survivre à cette peine profonde
que lui causa cette séparation, se prépara un bûcher et se fit la proie
de ses flammes.
Lorsque n’existe aucune incitation, aucune
exhortation, aucune excitation formelle à la vertu, lorsque prévaut un
relativisme moral tel que le vice se trouve à égalité avec la vertu et
que la plus grande vertu consiste à plier à une législation qui se veut
amorale, sauf pour les intérêts prédominants qu’elle avantage, sans
évoquer le meilleur ou le plus grand bien, soit au plan individuel,
soit au plan collectif, alors qu’il ne peut résulter d’une telle
posture la décadence de la culture et le sacrifice des individus,
souvent les plus excellents et méritoires: telle est la triste réalité
du royaume de Mammon.
Comme l’on ne parle que de ce qu’on l’on
sait, on juge seulement d’après ce que l’on sait et, ce qui est
déplorable, on ne cherche à savoir, par esprit de partisanerie ou par
intérêt, que ce qui peut confirmer un préjugé comme on préfère ignorer
ce qui pourrait l’infléchir dans le sens de la vérité.
L’irrationnel
— ce qui, étant, n’est pas encore compris, soit dans sa raison d’être,
soit dans sa finalité, soit dans les modalités de son existence, soit
dans celles de ses manifestations — est la matière du rationnel, lequel
se fonde sur la faculté conjointe de l’intelligence et de la raison
afin de lui apporter une intelligibilité et un sens, selon le principe
qui veuille que ce qui n’est ni compris, ni élucidé peut éventuellement
trouver une explication et une interprétation — qui dit inexpliqué ne
dit pas nécessairement inexplicable, qui dit inconnu ne dit pas en même
temps inconnaissable — de sorte que ce qui est tenu pour être ni
expliqué, ni explicable tiendra du mystère, ou sera réputé tenir du
mystère, tant et aussi longtemps qu’il le demeurera.
L’envergure
que l’on ne saurait se donner, et qui pourtant est essentielle à
l’exercice d’un pouvoir que l’on détient, que l’on acquiert ou auquel
l’on contribue, grâce à un talent inné qu’un travail constant et
sérieux verra à faire fructifier, soit en raison d’une collaboration
mutuelle avec des collègues ou d’un échange enrichissant avec des amis,
devra alors être réquisitionné auprès de participants involontaire,
soit en leur soutirant le fruit de leur travail, soit en recrutant leur
action, souvent sous le couvert de la ruse et de la séduction dont
l’objectif est de produire cette finalité: telle est souvent la source
de l’inégalité et de la réification du prochain à l’intérieur d’une
société qui déchoit à l’idéal de s’édifier sur l’égalité et la dignité
du concitoyen.
Il existe un lien intégral, intime et mutuel,
entre l’expérience que l’on vit et l’esprit qui l’éprouve: ainsi, la
nature et la qualité de l’expérience immédiate conditionneront-elles
l’essence et le contenu de la pensée, comme la valeur et la subtilité
de la pensée, altérée par les souvenirs d’expérience précédentes et
l’effet qu’ils auront eus sur elle, influeront-elles sur la perception
que l’intelligence et la conscience en auront et l’interprétation
qu’elles en feront.
jeudi 6 avril 2023
Euthúmèma XXVII (réflexions)
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